Historienne de l'art. A fait l'inventaire de la commune de Jougne en 2008-2009, avec Liliane Hamelin pour le compte de la Région Franche-Comté, direction de l'Inventaire du patrimoine.
Poupard, Laurent. Chercheur au service Inventaire et Patrimoine de la Région Bourgogne-Franche-Comté, 1987-
- enquête thématique régionale, petites cités comtoises de caractère
-
Mongreville JérômeMongreville Jérôme
Jérôme Mongreville, photographe. Région Bourgogne-Franche-Comté, Service Inventaire et Patrimoine, 1983-
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
Dossier non géolocalisé
-
Aires d'étudesMouthe
Les fermes
L’activité agricole se concentre sur l’élevage de vaches laitières, particulièrement bien adapté à la topographie accidentée et au climat rude de Jougne. Les longues périodes d’enneigement imposent une ferme abritant sous le même toit hommes, animaux, réserves alimentaires, matériel agricole et artisanal. L’habitat traditionnel est composé d’une habitation sous le pignon, avantageusement orientée au sud ou à l’est. L’étable (ou « écurie ») est orientée au nord ou à l’ouest. La grange se place au centre, entre l’écurie et l’habitation.
Cette dernière se compose de plusieurs pièces en enfilade : la cuisine, la chambre (ou « poêle »), la chambre à coucher et la réserve (ou « cave »), toujours orientée au nord. L’étage abrite souvent un second logement dans une disposition semblable.
La cheminée monumentale est complétée par un four à pain, un cendrier et une petite niche. Une imposante poutre de cheminée supporte la hotte dans laquelle sont mis à fumer jambons, saucisses, lard et brési. Le foyer est aménagé contre le mur maçonné qui sépare la cuisine du « poêle », la plaque de cheminée (ou « platine »), dressée contre lui. Ces grandes cheminées, protégeant peu du froid et des courants d’air, ont été remplacées dans la seconde moitié du XIXe siècle par des fourneaux en fonte. Le « poêle » et la chambre à coucher sont équipés d’alcôves dans lesquelles sont placés les lits.
La « cave » est rarement enterrée. Dans le bourg, elle est généralement voûtée en berceau continu. Dans les hameaux, elle est plafonnée. Entre-les-Fourgs fait exception avec une majorité de caves enterrées et plafonnées. Ces caves sont équipées d’étagères suspendues pour protéger les denrées du pourrissement et des rongeurs.
Dans le bourg, la forte déclivité du terrain permet de substituer à la grange unique une organisation sur deux niveaux : une « fourragère » au niveau inférieur, depuis laquelle le foin est distribué aux bêtes, et une grange au-dessus. Ceci présente l’avantage de faciliter l’engrangeage du foin, qui passe directement de la charrette aux « élevés », lieux de stockage.
Les fermes sont construites avec des matériaux à disposition sur le territoire : pierre calcaire et sapin. Les hommes ont adapté la mise en œuvre de ces matériaux pour lutter contre les rigueurs climatiques et les risques élevés d’incendies.
Pour protéger les entrées, ils aménagent des murs pare-vent et des avant-toits. Cet espace est clos par une cloison de bois amovible retirée aux beaux jours. Les imposantes toitures sont couvertes en « tavaillons » (plaquettes de sapin d’environ 30 à 40 cm de longueur, 10 à 15 cm de largeur et de 3 ou 5 mm d’épaisseur, clouées ou chevillées les unes à côté des autres). Cette toiture robuste peut résister entre 60 et 70 ans. Les murs peuvent également bénéficier d’une protection en bois sous forme de « bardeaux » (plaquettes de bois similaires aux tavaillons mais de dimensions plus importantes) ou d’essentage de planches appelé « talvane ».
Pour lutter contre les incendies, le bois en toiture est progressivement remplacé, dès la seconde moitié du XIXe siècle, par de la tuile ou de la tôle posée directement sur les tavaillons. Les murs sont construits en moellon calcaire enduit. L’emploi du bois pour les murs se limite aux pignons sous la toiture. La pierre de taille est réservée aux encadrements des ouvertures. De rares encadrements en bois, plus économiques, sont visibles à Entre-les-Fourgs et à la Ferrière. Pour limiter les risques d’incendie, l’habitation et les parties agricoles sont séparées par un mur épais maçonné et communiquent grâce à des portes coupe-feu en métal.
Les départs de feu sont également limités par une bonne ventilation des granges car le foin, mal séché, fermente et produit du gaz qui s’enflamme spontanément. Un frêne planté devant la ferme sert de paratonnerre. Enfin, les habitants placent leur maison sous la protection de la Vierge en mettant des statuettes dans les niches au-dessus des portes d’entrée.
L’accès difficile aux sources a imposé la construction de citernes privées alimentées par les eaux pluviales du toit. L’eau de pluie et la neige sont recueillies par des « goulottes » creusées dans un tronc de sapin, qui les conduit dans une citerne voûtée semi-enterrée. Une petite ouverture dans la citerne permet de puiser l’eau et d’effectuer les travaux d’entretien.
Dans les jardins, de petites pergolas (ou « buvettes »), couvertes en tuiles et construites en treillis, permettaient aux Jougnards de s’asseoir à l’abri du soleil pour discuter, partager un verre ou encore jouer aux cartes.
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, lorsque les cheminées ont été fermées, les habitants ont aménagé des fumoirs sous la hotte. La combustion de la sciure de sapin permet la fumaison de la viande en 4 à 6 semaines. Les salaisons sont ensuite conservées dans la « chambre à viande » située au-dessus de l’entrée de grange.
L’incendie de la ville en 1870 n’épargna qu’une seule ferme. Celles qui sont visibles aujourd’hui ont été reconstruites à la fin du XIXe siècle sur les anciennes fondations. Ces fermes multiplient les fenêtres aux encadrements droits ou en arc segmentaire dans les parties agricoles dans un but clairement ostentatoire : faire croire aux passants que l’habitation est plus importante qu’elle ne l’est en réalité. Ces fenêtres sont munies de volets en bois percés de motifs qui oscillent entre le trèfle stylisé et la croix latine. Le bois est également utilisé pour décorer les bordures et les consoles des avant-toits.
Les fermes les plus anciennes se trouvent dans les hameaux, notamment à Entre-les-Fourgs. Les millésimes sont encore visibles sur les linteaux des entrées ou des portes de granges, accompagnée des initiales du propriétaire, inscrites dans un écusson ou un cartouche. Les baies du XVIe siècle, couvertes en accolade, les encadrements creusés d’un cavet ou présentant un chanfrein sont nombreuses et témoignent d’une implantation humaine ancienne.
Les portes de grange, en plein cintre ou en anse de panier, sont fermées par des vantaux cloutés. Fabriqués à la main dans les nombreuses forges qui complètent les exploitations agricoles, un tracé au compas permet de placer les clous de façon régulière sur la surface du bois. Ces portes, très lourdes à manipuler, sont équipées d’une porte piétonne à deux vantaux superposés. Le sol devant la grange est tapissé de galets de la Jougnena.
Les chalets d’estive
Le chalet d’estive, situé à environ 1150 m d’altitude, était utilisé entre le 1er juin et le 1er octobre pour accueillir des vaches laitières venues paître dans les pâturages clos par des murs en pierres sèches.
Le chalet était également un lieu de production et de stockage du « vachelin », ancêtre du comté. La descente des chalets en octobre était l’occasion de festivités lors desquelles les vaches, portant d’énormes cloches, étaient parées de fleurs et de branches de sapin.
Ces chalets appartenaient anciennement à de grands propriétaires terriens, bien souvent étrangers à la commune. Ainsi, au début du XXe siècle, la comtesse de Paillot, résidant à Paris, possédait trois chalets et 183 hectares de pâtures et de bois. Des bergers locaux exploitaient ces chalets et montaient l’été avec leurs propres bêtes auxquelles s’ajoutaient des vaches louées dans la province ou en Suisse.
Au début du XIXe siècle, on « fromageait » dans les 19 chalets de la commune. Treize étaient encore en activité à la fin du XIXe siècle. La plupart sont abandonnés au XXe siècle et une bonne moitié d’entre eux a physiquement disparu. Les neuf chalets encore en activité aujourd’hui ne produisent plus de fromage et sont seulement utilisés pour le pacage des bêtes. À ces étables reculées, il faut ajouter la ferme du Lacquerez. Autrefois placée dans un hameau, elle s’est retrouvée isolée à la suite d’un abandon progressif des maisons et a été transformée en chalet. Actuellement, ces « étables » isolées abritent des génisses et des vaches allaitantes et ne produisent plus de lait. Seules deux d’entre-elles accueillent des laitières, mais le lait n’est plus transformé sur place. Il est vendu à des fromagers de Métabief et de Suisse.
Hormis les matériaux, les chalets jougnards ont peu de similitude avec les fermes locales. Il faut sans doute chercher leur origine architecturale en Suisse. Au XVIIe siècle, le succès du gruyère fribourgeois pousse les fromagers suisses à louer leurs services jusqu’en France. Ils se déplacent avec leur savoir-faire, leur matériel, mais probablement aussi avec leur modèle architectural.
Le plus répandu est le chalet de plan rectangulaire très allongé. Il correspond aux chalets les plus anciens, datés du XVIIe siècle (la Bécasse, la Cafaude et Grange-Fontaine). Au XVIIIe siècle apparaît le chalet de plan carré avec une toiture à quatre pans (la Ravette).
Quel que soit le modèle emprunté, le chalet d’estive est construit sur un terrain peu incliné. Il présente généralement une façade principale sur le mur gouttereau exposé au sud-est. Les fenêtres sont réduites au minimum. Il n’y a ni grange, ni four à pain.
Le bâtiment est divisé transversalement. L’étable se situe au sud. Elle est composée d’une ou deux « écuries » utilisées pour la traite et pour protéger les bêtes des attaques des taons lors des fortes chaleurs. Un mur maçonné sépare toujours l’écurie des pièces dédiées à la fabrication du fromage.
La chambre à lait ou « laitier » est à l’opposé, dans l’angle nord. Elle est caractérisée par la présence de « baies fromagères », petites ouvertures en forme de meurtrières verticales et/ou horizontales. En nombre souvent important, elles sont nécessaires à la ventilation de la chambre pour le refroidissement du lait, avant la transformation en fromage.
Le fromage est affiné dans la chambre à fromage dont la température est stabilisée entre 14 et 16 °C grâce aux murs de la chambre entièrement maçonnés, à son sol en terre battue et à ses ouvertures réduites au minimum. Pour limiter l’augmentation de la température lors de pics de chaleur, la réserve de bois de feu est stockée à l’extérieur contre le mur de la chambre.
La cuisine est la pièce centrale, ouverte à la fois sur l’écurie, le laitier, la cave, les chambres et l’extérieur. Elle comprend le foyer nécessaire à la fabrication du fromage. Gros consommateur de bois, ce foyer était, dans sa forme la plus ancienne, un simple feu à même le sol cerné par un muret semi-circulaire d’environ 50 cm de hauteur, appelé « creux du feu ». Le chaudron, dans lequel était chauffé le lait, était suspendu à une potence.
Une chambre, appelée « chambre du berger », était aménagée dans le comble. Une seconde chambre pouvait exister à côté de la cuisine. Leurs murs, comme les pièces de charpentes et les menuiseries, étaient l’objet de graffitis gravés ou dessinés au charbon ou à la sanguine. Il s’agit souvent des initiales du berger et des dates de son passage. Les mêmes noms reviennent fréquemment : Chabanel en 1602 et 1603, Gresset, Lanquetin, Parriaux et Barthelet, au XIXe siècle, etc. Les événements météorologiques exceptionnels sont également notés, comme l’écrit le berger Arthur Gresset les « 13 et 14 juin 1881, neige à la Bécasse ».
Le quotidien au chalet était rude. Plusieurs mois dans l’année, différentes personnes vivaient là, loin des leurs, dans un espace limité, sans confort : le maître fromager ou « fruitier », le berger ou « armailli », et le « gamin » qui aidait aux travaux. Tous se levaient tôt pour effectuer les nombreuses tâches : traire les vaches deux fois par jour, rentrer les bêtes pendant le pic de chaleur, transformer chaque jour le lait en fromage, crème et beurre, soigner les fromages mis à affiner, entretenir les locaux, préparer le bois qui alimentait le creux du feu, sans oublier la cuisine, la gestion des stocks (viande séchée fumée, pain), la cueillette des baies, des champignons et la corvée d’eau à la citerne.
Comme pour les fermes, des chéneaux collectent les eaux qui ruissellent du toit du chalet et les conduisent dans de grandes citernes aménagées à proximité. Il n’est pas rare que deux citernes alimentent un chalet (Grange du Bois, le Paruet, la Piagrette). Dans les pâtures, il n’existe pas moins d’une douzaine de citernes isolées, couvertes, appelées « couverts », pour alimenter des auges-abreuvoirs.
-
Période(s)
- Principale : 16e siècle, 17e siècle, 18e siècle, 19e siècle
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
Liliane Hamelin, chercheur. Direction régionale des Affaires culturelles de Franche-Comté puis Région Bourgogne-Franche-Comté, 1976-2018.