Le développement du thermalisme à Luxeuil-les-Bains
Les eaux de Luxeuil attirent les baigneurs et les buveurs avant même la reconstruction de l'établissement thermal dans la seconde moitié du 18e siècle. Parmi les curistes se trouve Maximilien II Emmanuel de Bavière, d'après Delacroix (1867) qui indique qu'il a été logé à l'abbaye des Bénédictins où le souvenir de l'évènement semble s'être rapidement perdu : "On ne peut donc attribuer le silence des Bénédictins [...] sur l'évènement de l'électeur de Bavière qu'à leur parfaite indifférence pour tout ce qui se passe ici bas". Roux (1914) donne davantage de précisions sur la visite en s'appuyant sur le livre de raison de Luc Thierry, bourgeois de Luxeuil, alors conservé aux archives municipales. L’Électeur et son fils séjournent à Luxeuil du 14 septembre au 3 octobre 1708, avant de rejoindre le château de Scey-sur-Saône : "Ils furent reçus solennellement par l'abbé de Bauffremont, qui leur offrit ensuite une somptueuse hospitalité dans son château de Scey-sur-Saône".
D'après le Traité historique des Eaux (1748) de Calmet, la première moitié du 18e siècle correspondrait à un recul de Luxeuil face à sa concurrente Plombières, pourtant de création plus récente : "Depuis trente ans, [les eaux de Plombières] ont une vogue extraordinaire. [...] Celles de Luxeuil sont peu fréquentées : on n'en peut attribuer la cause qu'au défaut de commodités pour le logement et pour la proximité des bains. Les bains de Plombières sont au centre du bourg ; ceux de Luxeuil sont à trois cens pas du Fauxbourg. Il n'y a aucune maison commode près ces bains. Si quelqu'un y en bâtissoit, il est à croire qu'il seroit bientôt suivi par d'autres ; et si quelque grand seigneur venoit prendre les bains, ou boire les eaux de Luxeuil, bientôt on les verroit fréquentées, et reprendre leur ancienne réputation". L'auteur assure qu'il ne connait aucun ouvrage de médecin sur les eaux de Luxeuil, leurs propriétés et leurs vertus. Il connait l'existence d'un manuscrit de Vinot, médecin à Luxeuil en 1683. Il sait également que M. Charles, professeur de médecine à Besançon, a analysé l'eau mais n'a pas encore publié son livre. Malgré tout, les eaux de Luxeuil semblent avoir été appréciées pour compléter celles de Plombières : "On a remarqué qu'en 1745 Madame d'Argenson, et plusieurs autres personnes de distinction, qui venoient aux bains à Plombières aux deux saisons, s'y faisoient porter des eaux des bains de Luxeuil à 24 sols la bouteille, pour les prendre en lavemens, dont elles se trouvoient parfaitement bien."
La reconstruction de l'établissement thermal en 1764-1768 et son agrandissement dès 1784-1786 marquent un premier tournant dans le développement du thermalisme à Luxeuil. Aux discours sur les eaux s'ajoutent des considérations sur la situation de la ville. Dès la fin de l'Ancien Régime, Fabert (1773) vante celle-ci : "Un aspect aussi riant, la situation agréable, la douceur du climat, l'urbanité des habitans, font de cette ville un séjour gracieux". Lors de la réunion du conseil municipal du 3 thermidor an XII (22 juillet 1804), le premier adjoint Chognard célèbre également le site de Luxeuil juste après avoir évoqué la rivale Plombières : "La plupart des bains de l'Empire sont placés dans des vallons resserrés par des montagnes, tandis que ceux de Luxeuil présentent de toutes parts un paysage ouvert" (311 E dépôt 355). La ville se présente à partir de cette époque comme un lieu de villégiature. Après une baisse de fréquentation sous la Restauration et la Monarchie de Juillet due semble-t-il à la vétusté des installations, l'acquisition de l'établisement thermal par l’État en 1853 et son agrandissement de 1855 à 1860 relancent l’activé. Le développement du quartier thermal en est la conséquence directe.
Les lieux d'hébergement
Desgranges (1981) a déjà souligné le rôle qu'a pu jouer l'abbaye des Bénédictins dans l'hébergement des baigneurs sous l'Ancien Régime, comme le montre le cas de Maximilien II Emmanuel de Bavière. Dans une délibération du 5 thermidor an XII (24 juillet 1803), la Ville envisage d'ailleurs de donner les bâtiments de l'abbaye au Premier Consul, Napoléon Bonaparte, pour qu'elle puisse lui servir pendant la saison des eaux.
La délibération du 26 juin 1746 (311 E dépôt 114) portant sur les "étrangers" séjournant à Luxeuil renseigne indirectement sur l'hébergement des baigneurs au 18e siècle : "Il a été représenté que [...] des particuliers possédant des maisons tant dans la ville que dans les faubourgs, leur amodient des chambres et des quartiers à l'insu dud. magistrat, que si l'on souffroit pareil abus l'on ne pourroit pas trouver, comme il est assez difficile, des chambres pour loger les troupes qui arrivent ordinairement en quartier d'hiver en cette ville, que la plupart de ces étrangers sont gens qui quittent [la ville] quand il s'agit de payer les impositions royalles. [...] Il a été résolu [...] que défenses soient faites à tous bourgeois et habitants de recevoir chez eux ni louer aucuns quartiers ni chambres des maisons qu'ils y occupent à aucuns étrangers sans en avoir obtenu la permission desdits magistrats, auxquels magistrats il sera loisible de recevoir ou refuser lesd. étrangers suivant qu'il sera trouvé avantageux pour le bien public." Le réglement de la police de la communauté de Luxeuil (1771) rappelle, dans son premier article, l'obligation faite "à tous aubergistes et à tous citoyens logeant des personnes qui viennent aux eaux" de venir les déclarer dans les 24 heures après leur arrivée (311 E dépôt 314). La conservation de "listes des étrangers" pour la période révolutionnaire permet de repérer certaines maisons accueillant les curistes. C'est ainsi le cas de la maison Boulangier (détruite, à l'emplacement des maisons 3-5 de la rue de Grammont), de la maison Gauthier (immeuble à logements et magasin de commerce 41-47 rue Carnot) et de la maison Froidot (demeure 22 rue Marquiset dite Maison Ganeval puis hôtel de La Terrasse).
Les moyens de transport
La gare de Luxeuil est inaugurée en 1879.
Fabien Dufoulon, chercheur. Région Bourgogne-Franche-Comté, Service Inventaire et Patrimoine, 2018-