Pendant le haut Moyen-Age, sous le royaume burgonde, l’exploitation de ses sources salées fait de Salins le siège d’un des cinq pagus (circonscription rurale) qui composent ce qui deviendra en 982 le comté de Bourgogne. Au milieu du 9e siècle, une charte de Lothaire signale l’existence de portes, ce qui atteste la présence d’un système défensif clos. A ce moment, la ville est déjà divisée en deux bourgs distincts : le Bourg-Dessous (dit le Comte) au nord, séparé du Bourg-Dessus (dit le Sire) par l’entre-deux-bourgs, ou Surin. Ces deux bourgs seront réunis en 1497.
Le Bourg-Dessus est qualifié d’oppidum dans une charte de Gaucher II en 1084. Dans la charte de franchise accordée par Jean de Chalon en 1249, il est fait mention de " limites territoriales du Bourg, tel qu’il est délimité par les fossés et clôtures ", qui peuvent être interprétées comme une enceinte terrassée et palissée. Qualifié de villa au 12e siècle, puis de " ville " dans la charte de franchise octroyée en 1319, le Bourg-Dessous ne semble protégé que par une simple clôture.
Au milieu du 14e siècle, face à la menace des compagnies de mercenaires (routiers) et des troupes anglaises, le Bourg-Dessus décide de construire une nouvelle clôture en maçonnerie. En cours en 1358, les travaux s’échelonnent sur la seconde moitié du 14e siècle mais ils semblent insuffisants puisqu’une visite précise en 1411 que le " bourg [est] sans cloison et fermeté tenable ". Les textes précisent que l’enceinte n’est pas encore continue en 1433. Dans le Bourg-Dessous, les édiles travaillent également à fortifier la ville dans la seconde moitié du 14e siècle, ce qui est le cas de l’église Saint-Michel en 1362. Là aussi, les travaux ne sont pas à la hauteur de la menace. En 1411, Jean, duc de Bourgogne, ordonne que le Bourg-Dessous soit fermé par des murs capables de résister aux attaques de l’ennemi.
C’est donc principalement au cours du 15e siècle que l’enceinte urbaine maçonnée est mise en place pour les deux bourgs, avant la réunification de 1497. Les comptes de construction de la tour de Cicon nous apprennent que les travaux sont dirigés par le [maçon] Jehan Colin, qui " doit faire une tour ronde sur la Furieuse au canton de Cicon pour la fortification et cloison du bourg ". Construite entre 1471 et 1476, la tour comprend trois étages et est pourvue de trois canonnières et d’une archère.
La vue cavalière de la ville réalisée en 1628 par Nicolas Richard donne un état précis de l’enceinte, qui court sur plus de 3000 mètres, percée de 12 portes ou poternes et protégée par 31 tours. Côté ouest, elle suit le cours de la Furieuse sur 1350 m, incluant le mur de la saline sur 300 m, jusqu’à la tour de l’Arsenal. Au sud, l’enceinte remonte en direction du fort Belin sur un front rectiligne de 250 m jusqu’à l’angle de la tour Bénite. Sur le flanc est, d’une longueur de 1150 m, elle suit irrégulièrement le coteau de la montagne de Belin. Mesurant 230 m de longueur, le front nord joint la tour d’Andelot à celle de Cicon. Les tours sont généralement de plan quadrangulaire, à l’exception de trois des quatre tours d’angle et de celles du front sud, qui sont circulaires ou semi-circulaires. Reliées par un chemin de ronde, elles sont la plupart du temps couvertes de toits en tuile (en pavillon, en poivrière ou à croupes). Les deux portes principales sont celles de Malpertuis, dite aussi porte Basse, côté nord, et la porte Oudin, sur le front sud, également appelée porte Haute. Le nom des tours a pu changer au cours du temps, notamment quand on leur attribuait le nom du propriétaire du terrain qui la jouxtait. Ainsi, la construction identifiée sur la vue de Nicolas Richard sous le nom de tour d’Aiglepierre (d’après sur une légende ajoutée sous le tableau au 19e siècle), aurait été bâtie par Jean Lombard, et est appelée Humbelin de Germigney en 1575.
Suite à la tentative de prise de possession de la ville par les troupes d'Henri IV en 1595, l’empereur envoie des ingénieurs militaires pour inspecter les fortifications, et des travaux d’entretien et de réparation y sont menés. Face aux troupes françaises qui menacent le Comté de Bourgogne (Guerre de 10 ans entre 1634 et 1644), divers aménagements sont proposés. Des postes avancés défensifs (barbacanes, boulevards) sont construits au-devant des portes Oudin et Malpertuis pour porter de l’artillerie. Sur le front sud, une demi-lune ou lunette est édifiée au-devant des Tours bénites. Côté nord, deux redoutes sont bâties : l’une, dite du Ponçon ou des Gardes, au-devant de la porte de Barbarine et la seconde, dite de la Ratte, au bas du coteau de Saint-André. Par ailleurs, le château ou maison forte de Rans, bâti sur la rive gauche de la Furieuse en aval de la ville, est acquis par la ville en 1637. Il avait appartenu à la famille des seigneurs de Poupet, avant de passer aux Ferrier, Estavayer, Monfort, puis Billard en 1630. Démantelé en 1644, ses matériaux sont utilisés pour la construction de la chapelle Notre-Dame-Libératrice (1639-1664). Le pont d’accès au château de Rans a été supprimé en 1850.
Après la conquête française, Vauban présente en 1680 à Louis XIV un plan général pour fortifier la ville. Le mur qui descendait de Châtel-Guyon à la Tour Dorée pour remonter jusqu'à la collégiale Saint-Michel est supprimé, remplacé par un rempart droit pourvu d’un bastion dit des Jésuites. Les redoutes des Tours Bénites, de la Ratte et du Ponçon sont abandonnées. Deux tours semi-circulaires sont construites entre la porte des Cordeliers et la tour de l’Arsenal. Sur le front nord, la poterne de Balerne laisse place en 1729 à la porte de Barbarine. En 1755, les officiers municipaux obtiennent l’autorisation de démolir l’ouvrage à tenaille construit avant la conquête française pour couvrir la courtine nord (entre les portes Basse et de Barbarine) afin d’aménager une promenade publique, ainsi qu’un dépôt pour les décombres provenant de l’incendie qui a touché la ville en 1750.
Contrairement à l’article 6 du traité de capitulation (1678) qui stipule que l’Etat devait entretenir les fortifications, c’est la ville qui dépense près de 54 000 livres entre 1680 et 1682 pour diverses réparations. L’arrêt du Conseil d’Etat du 27 septembre 1724 dispense la ville de la charge d’entretien de son mur d’enceinte, celle-ci revenant à l’Etat. En 1791, la ville est déclassée, passant de la 2e à la 3e classe des places fortes. Le mur d’enceinte est laissé sans entretien et les charpentes des tours sont enlevées.
Par décret du 18 avril 1811, l’Etat cède les fortifications urbaines à la ville. Il s’agit d’un don en toute propriété, sans obligation d’entretien par la ville à la seule condition d’assurer les réparations nécessaires à la sûreté publique. Outre l’enceinte sont concernés les terrains et bâtiments militaires, parmi lesquels cinq corps de garde devant servir à la garnison (160 vétérans ou 320 hommes de troupe). Suite à une ordonnance du 5 août 1818, le département de la Guerre reprend les fortifications à la ville. En 1821, on autorise l’arasement des remparts, sur une hauteur de sept mètres, pour la commodité des particuliers dont le jardin jouxte le mur. En 1824, le conseil municipal s’inquiète du défaut d’entretien des remparts par l’Etat, notamment sur les 600 m de quai longeant la Furieuse. En 1850, Salins perd son titre de place de Guerre : les terrains et bâtiments militaires sont transmis (à quelques exceptions près) par le Génie militaire à l’administration des Domaines.
Les frictions sont fréquentes entre l’Etat et la ville, soucieuse de faciliter le développement économique en fluidifiant la circulation. En 1851, une délibération du conseil municipal ordonne à l’Etat de faire démolir la porte de Saint-Nicolas puis, l’année suivante, la démolition de la porte Haute, dont les tours sont " en ruine complète ", et de la porte Barbarine afin de pouvoir rectifier la route impériale 72. Les " anciennes fortifications et dépendances " sont mises en vente en 1853 et adjugées l’année suivante à la ville, comprenant les " murs, bâtiments et terrains militaires et ceux jouxtant le rempart mis en location (vigne, jardins, dépôt de bois et de matériaux pour la ville) ". La ville entreprend de suite la démolition des constructions avancées de la porte de Malpertuis. Malgré un projet de restauration en mars 1885, cette dernière est finalement démolie en mai 1886, au moment du percement de la rue Gambetta. La porte de Chambenoz est également supprimée, ses matériaux serviront à la reconstruction du mur latéral de soutènement de la place Saint-Jean (1860-1861). En 1859 est créée une commission, dirigée par l’architecte de la ville, ayant pour but " l’aliénation partielle de l’enceinte et terrains militaires ". Le rapport de cette commission, adopté en 1863, précise que les parties à vendre seront divisées en autant de lots qu’il y a de propriétés attenantes. En 1872, le conseil municipal constate qu’une faible partie des riverains s’est portée volontaire pour acquérir les parcelles concernées. Il propose de les mettre en vente, avec une bande de six mètres en avant du rempart, pour la section entre la porte de Barbarine et la porte Basse (Malpertuis), puis le long de la Furieuse.
En 1848, le conseil municipal demande au Génie militaire la démolition des ruines de la porte Haute. Ce dernier présente en 1854, dans le cadre de la rectification de la traverse de Salins, un projet de reconstruction qui ne verra pas le jour. La porte Haute disparaît vraisemblablement dans la décennie 1850. Immédiatement à l’ouest de cette porte se trouvait la tour de l’Arsenal, bordant la Furieuse. D’après l’érudit salinois Toubin, par " sa forme [qui] diffère trop du reste de l’enceinte ", cette construction (aujourd’hui disparue) ne faisait pas partie des fortifications. Mentionnée en 1423, elle aurait servi de salle de réunion du conseil au 16e siècle. Son appellation viendrait d’une déformation de "chenal" : une poterne aménagée en 1498 permettait d’acheminer en cas d’incendie, via des canalisations en bois ("chenales"), l’eau de la rivière dans la Grande Rue. La tour et les terrains attenants ne sont cédés par le Génie militaire à la ville qu’en 1866. Celle-ci envisage alors d’y aménager une école. Des travaux de réparation sont menés en 1868-1869, avec le projet d’y établir une salle de répétition pour les sociétés musicales. Le bâtiment est loué en 1875 au service des lits militaires, dont le bail sera prorogé en 1885. La tour de l'Arsenal est démolie dans la décennie 1910. A son emplacement a été construite dans l’entre-deux-guerres l’immeuble dite maison Laïly.
Les tours ronde (dite d’Andelot), carrée (dite de Chambenoz) et de Flore (dite de Rosières) ont été inscrites à l’Inventaire supplémentaire des Monuments historiques en 1932.
Raphaël Favereaux, chercheur. Région Bourgogne-Franche-Comté, Service Inventaire et Patrimoine, 1995-