Une occupation ancienne
L’origine du nom Tourny proviendrait du mot celte turno, signifiant la hauteur, la colline (Mario Rossi, Les noms de lieux du Brionnais-Charolais : témoins de l’histoire du peuplement et du paysage, Ed. Publibook Université, 2009) et pourrait indiquer une occupation très ancienne du lieu. Faute de preuves matérielles, il est difficile d’affirmer l’existence d’une installation humaine sur le site avant le Moyen-âge. Le village est mentionné, sous le nom latin de Torniaco, en 1395 dans un dénombrement de Jean de Marcilly, seigneur de l’Estang, qui y possèdent « quelques meixs taillables et mainmortables » (Recueil de Peincedé, tome 2, arch. dép. 21, cote B11995).
Tourny est un lieu de passage important, ce qui explique son développement. En 1757, dans un registre des Etats généraux de Bourgogne destiné à la réalisation d’une carte de la province (Arch. dép. 21, Cote C3531), le curé de la paroisse affirme que : « Le chemin naturel et le plus court pour aller de Digoin et de Paray à la Claite [La Clayette], à Beaujeu, à Charlieu, est de passer par Changy. » Le village de Changy était en effet un des rares endroits où il était possible de traverser l’Arconce sur un pont (lorsqu’il était praticable). Il fallait ensuite rejoindre Tourny, implanté sur le coteau surplombant le cours d’eau en rive gauche, avant de poursuivre sa route vers La Clayette et d’autres lieux.
Le développement du village au XVIIIe et XIXe siècles
Avant la seconde moitié du XVIIe siècle, peu de sources permettent de connaître le nombre d’habitants et de constructions du hameau. En revanche, une image plus précise du lieu se dessine à travers les archives des XVIIIe et XIXe siècles : rolles de taille entre 1687 et 1789, plan d'un atlas-terrier de 1756 relatif à la seigneurie d’Epinassy, propriété de la commanderie de Mâcon, dont la justice s'exerçait sur une partie de Tourny, cadastre de 1823 et recensements de population à partir de 1836.
Aucun des bâtiments qui existent aujourd’hui ne semble antérieur au XVIIe siècle. Entre 1687 et 1789, les rolles de taille comptent entre 17 et 24 individus imposés. Avant la Révolution, il existe une quinzaine d’habitations à Tourny, dont certaines sont encore existantes comme le prouve l’observation du plan de 1756 (qui malheureusement ne représente qu’une partie du hameau). Dans les décennies suivantes, le bâti se densifie. En 1823, le village compte 28 habitations. Entre cette date et le début du XXe siècle, une dizaine de bâtiments sont construits et/ou agrandis.
L’essor du village ralentit dans la seconde moitié du XIXe siècle avec le développement de nouveaux axes de circulation : la route départementale n° 21 de Paray à La Clayette (actuelle RD 270), passant par Lugny-les-Charolles au détriment de Changy, et la route départementale n°9 d’Autun à Beaujeu (actuelle RD 985 avec une section entre Charolles et La Clayette), passant quelques mètres au-dessus du hameau de Tourny. Le long de cet axe, un nouveau bourg se développe avec la construction d’une église en 1870 et d’une mairie-école en 1909.
Un village d’emboucheur ?
Au milieu du XVIIIe siècle, la population est majoritairement liée au monde agricole (en dehors d’un maréchal-ferrant). Elle se compose pour moitié de « manœuvres » (ouvriers agricoles) et pour moitié de laboureurs dont plusieurs ne sont pas propriétaires des biens qu’ils exploitent. D’après le rolle de taille de 1760, le hameau compte alors 10 exploitations (petites métairies ou plus gros domaines), appartenant pour la plupart à des propriétaires qui ne résident pas sur place ; le sieur Claude Bertrand, marchand de Charolles, Louis Rey de Morande, également bourgeois de Charolles et fermier de la seigneurie de Montessus, ainsi que Jean Roux, fermier à la Vernelle, dans la même paroisse. Ces deux derniers sont également désignés dans le document comme « marchand emboucheur ».
Cette pratique de l’embouche est encore peu répandue dans la paroisse de Changy à l’époque. L’atlas-terrier de la seigneurie d’Epinassy (1756) montre, par exemple, que le hameau de Tourny est majoritairement entouré de parcelles en lanières destinées à la culture. Les prés se situent plutôt en fond de vallée, le long de l’Arconce, et appartiennent aux seigneurs et à quelques bourgeois propriétaires de domaines ruraux. Le reste des habitants doit se contenter de faire paître leurs animaux au bord des chemins ou sur les places enherbées aux carrefours des routes. Le marquis de Lugny autorise les habitants qui relèvent de sa justice à « envoyer leurs bestiaux après la première herbe levée dans la prairie qui est sur les bords de Larconce et qui est de fort petitte étendue » (Procès-verbal de la visite générale des feux du comté de Charollais du 11 mars 1751, Arch. dép. 21, Cote C4815). Par ailleurs, les bêtes, si elles sont nourries à l’herbe, sont néanmoins désignées comme servant « à la culture des terres ». Il s’agit donc encore d’animaux de labour à cette époque à Changy.
En 1760, il y a 5 laboureurs-propriétaires résidant à Tourny : Jean Berthier, Gabriel Devillard, Louis Lamborot (1727-1781) et ses cousins, Claude (1716-1782) et Nicolas (1723-1807). A l’inverse de Louis Rey de Morande et Jean Roux, ces derniers ne sont pas désignés comme emboucheurs dans le rolle de taille de la paroisse. Il faut attendre 1780, pour qu’un des habitants du village – Louis Lamborot – soit indiqué comme marchand. En 1823, la commune est encore majoritairement couverte de terres cultivées (pour moitié), la surface en herbe ne représentant qu’un tiers de la superficie communale. Néanmoins, l’embouche, si elle ne s’est pas généralisée, se développe. A cette époque, plusieurs habitants de Tourny pratiquent cette activité, comme Louis et Jean Lamborot (descendants des précédents) ou encore Jean Roux, dont la famille a quitté la Vernelle pour s’installer à Tourny dans les années 1780.
Aujourd’hui, le hameau ne compte que 5 exploitations bovines encore en activité.
Pierre-Marie Barbe-Richaud, photographe. Région Bourgogne-Franche-Comté, Service Inventaire et Patrimoine, 2008-