Après l'annexion de l'Alsace en 1871, la Société Alsacienne de Constructions Mécaniques (SACM) décide d'implanter une succursale en territoire français. Début 1879, elle acquiert des terrains le long de la voie ferrée Belfort-Paris et commence la construction d'une usine destinée au montage et au finissage des locomotives. Le premier bâtiment abrite l'atelier de chaudronnerie, puis successivement le montage et l'ajustage des locomotives, la trempe, la menuiserie, l'aiguiserie et la fonderie de fonte. Cette dernière, d'où sortent également des affûts de canons, sera agrandie en 1898 et 1917. Fin 1881, devant l'afflux des commandes de locomotives, les ateliers sont aménagés pour assurer leur fabrication complète. Jusqu'en 1887, leur production s'effectue au rythme de quatre par mois. Suite à une baisse des commandes, la fabrication est réorientée vers des plaques tournantes, transmissions, machines à vapeur Armington, etc. En 1888, la société se lance dans la production de machines textiles et fait construire un atelier à cet usage en 1893, agrandi en 1897 et 1899 : 9000 métiers à tisser, métiers continus à filer et peigneuses sortiront des ateliers jusqu'en 1919. En 1888 débute la fabrication de matériel électrique (câbles, dynamos, alternateurs, moteurs asynchrones, transformateurs) mis en service dans les centrales électriques pour l'éclairage public et dans le domaine de la traction électrique (équipement de tramways, locomotives pour mines et usines). L'entreprise connaît à cette époque d'importants agrandissements vers le nord : un atelier de câblerie est édifié en 1888-1889, un atelier de modelage en 1890 (rapidement remplacé par un nouveau bâtiment accueillant le modelage, l'emballage et le montage des grandes dynamos), un atelier des grandes dynamos en 1900 (agrandi en 1910), un atelier d'enroulement et de montage des petites dynamos, un atelier de fonte de bronze en 1905 (agrandi en 1923). Une école d'apprentissage est ouverte en 1907. Les productions traditionnelles sont interrompues pendant la Première Guerre mondiale, remplacées par la fabrication de matériel de guerre : câbles télégraphiques et téléphoniques, matériel de TSF, alternateurs pour postes d'avions et 5 millions d'obus.
A la suite du rattachement de l'Alsace à la France après la guerre, l'usine s'oriente vers les fabrications électromécaniques (turbines à vapeur, moteurs de laminoirs, groupes turbo-alternateurs) et commence la construction des locomotives électriques. Le redéploiement des activités (transfert de la fabrication des locomotives à vapeur à Graffenstaden, des câbles à Clichy et du matériel textile à Mulhouse) nécessite une réorganisation du site et la construction de nouveaux bâtiments au nord et à l'ouest : usinage des petites dynamos, fabrication des transformateurs, tôlerie, tréfilerie de cuivre et préparation des enroulements, atelier d'appareillage électrique. En 1928, la Société Alsacienne de Constructions Mécaniques s'allie au groupe Thomson-Houston et devient Alsthom. La production de l'entre-deux-guerres est tournée vers l'équipement des centrales thermiques et hydroélectriques, des sous-marins, navires militaires et civils, ainsi que l'électrification des lignes de chemin de fer. En 1946, les terrains et bâtiments de l'ancienne filature de coton Georges Koechlin et Cie sont achetés et convertis en atelier d'usinage et d'assemblage, et en école d'apprentissage. Après la Seconde Guerre mondiale, l'usine équipe les centrales hydroélectriques du Rhône et du Rhin ; elle fournit les groupes-bulbes de la centrale marémotrice de la Rance, puis les centrales nucléaires. En 1960, on distingue quatre branches de production : le gros matériel électrique tournant (alternateurs de grande puissance, gros moteurs à courant continu), les moteurs industriels (de 50 à 3000 ch), le gros matériel mécanique (locomotives de mines, turbines hydrauliques, à vapeur, et à gaz, chaudières) et les locomotives électriques et diesel-électriques. Vers 1970, la société fait construire de nouveaux bâtiments vers l'ouest et un atelier d'usinage sur la commune limitrophe de Cravanche en 1974. De très nombreux bâtiments ont été édifiés au cours du 20e siècle par l'entrepreneur belfortain Tournesac.
Rebaptisée Alstom en 1998 lors de son entrée en Bourse, la société est aujourd'hui un groupe international regroupant sur le site belfortain Alstom Power, Alstom Transport et 16 autres sociétés partenaires indépendantes. D'autres sociétés, parfois concurrentes, coexistent sur le site, qui s'étend sur 58 hectares, dont 32 couverts. Présence de 3000 machines-outils et tours en 1955, pour une consommation annuelle électrique de 27 millions de kwh. 35 personnes en décembre 1879, 520 en décembre 1880, 900 en 1887, 1800 en 1897, 6700 en 1914, 8800 en 1921, 6000 en 1931, 3900 en mai 1935, 2300 en 1945, 9000 en 1955, 6300 en 1967, 7500 en 1981, 6400 en 1991et 6000 en 2000. Des grèves en octobre 1899.
Raphaël Favereaux, chercheur. Région Bourgogne-Franche-Comté, Service Inventaire et Patrimoine, 1995-