Poupard, Laurent. Chercheur au service Inventaire et Patrimoine de la Région Bourgogne-Franche-Comté, 1987-
- patrimoine industriel
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
Dossier non géolocalisé
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Aires d'étudesFranche-Comté
Machinisme agricole
Activité de proximité s’il en est dans une région comme la Franche-Comté, la fabrication de l’outillage agricole mécanique a largement dépassé le niveau de l’atelier du maréchal-ferrant ou du charron pour donner naissance à une industrie à part entière. Inscrite dans un mouvement général d’amélioration de la productivité agricole, cette fabrication est issue d’innombrables recherches, à tous les niveaux, et de multiples acteurs.
Les machines
La mécanisation est à l’œuvre au milieu du 19e siècle, notamment pour pallier le manque de main-d’œuvre, et l’un des premiers domaines où elle trouve à s’appliquer est le battage des grains. La batteuse à manège, actionnée par un ou plusieurs chevaux, se répand rapidement : les statistiques en recensent près de 60 000 en France en 1852 mais plus de 200 000 trente ans plus tard. Par la suite, la locomobile supplantera les chevaux. Les constructeurs locaux se multiplient : en 1847, Auguste Louvrier fait breveter une batteuse mue par la force animale, qu’il réalise peut-être dans son atelier de Lods ; en 1852, Alexis Damey fabrique des batteuses dans l’atelier de construction mécanique qu’il fonde à Dole (son établissement sera repris par Lacroix en 1895) ; à cette époque, la famille Ménétrier débute leur construction à Renaucourt.
Si on ne sait pas ce que recouvrait exactement l’ « atelier de construction de machines aratoires » qu’Aimé Célestin Pouguet est autorisé à établir à Ornans en 1852, à Arc-lès-Gray, la famille Thiébaud fabrique à partir de 1848 des « outils de travail du sol et de récolte des fourrages ». L’entreprise (qui a donné naissance à la Société Thiébaud Bourguignonne en 1957 puis en 1959 à la Compagnie continentale de Motoculture, acquise en 1964 par l’Américain John Deere) produit toujours du matériel pour le fourrage.
Des machines plus perfectionnées servant à récolter céréales et foin (moissonneuses, faucheuses, faneuses, râteaux mécaniques, etc.) se répandent dans la deuxième moitié du 19e siècle : le javelage automatique est maîtrisé à la fin des années 1860 et une moissonneuse-lieuse est présentée à l’Exposition universelle de 1878 (servie par deux hommes, elle permet d’en remplacer une vingtaine : faucheurs, javeleurs et lieurs). Leur complexité croissante en concentre progressivement la fabrication dans des ateliers plus importants ou des usines, et leur emploi se généralise à mesure qu’augmente le coût de la main-d’œuvre. La mise à disposition de moteurs (thermiques puis électriques), fixes puis mobiles, de moins en moins encombrants, participe à la mécanisation de l’agriculture.
C’est ainsi qu’en Haute-Saône, à Gray, les fils de Charles Millot, acquéreurs en 1856 de la fonderie et de l’atelier de construction mécanique établis en 1830 par les frères Marland, en orientent la production vers le matériel agricole. La société Millot Frères fabrique batteuses, faucheuses-moissonneuses, presses à fourrage, concasseurs, coupe-racines, pompes mais aussi locomobiles à vapeur (de 2 à 12 ch) et, à partir de 1892, moteurs fixes à combustion interne. Les Ets Millot et Cie produisent, vers 1900, 1 500 faucheuses, 150 moissonneuses-javeleuses, 900 moteurs à essence et 100 moteurs à pétrole lampant par an. Le site sera repris après la Deuxième Guerre mondiale par la société Labourier, de Mouchard, dans le Jura, qui maintiendra un temps l’atelier de fabrication de matériel agricole.
La société Dollé-Chaubey, elle, fondée en 1868 par Emile Oscar Dollé à Gevigney, transfère en 1908 sa fabrique de machines agricoles à Vesoul où, en 1912, elle produit 2 500 faucheuses, 300 moissonneuses, 300 lieuses, 1 000 charrues Brabant, 5 000 concasseurs, des coupe-racines, des meules, etc. Qualifiée dans une publicité de 1949 de « plus grande manufacture française de machines agricoles » avec environ 500 ouvriers, l’usine fermera ses portes en mai 1953. A Renaucourt, Stanislas Estienney transfère en 1923 l’entreprise Ménétrier (devenue Estienney-Ménétrier) sur le site d’un ancien haut fourneau. L’usine arrête la production de batteuses vers 1960 et s’oriente vers la fabrication sur demande, la réparation et la vente de matériel agricole (une cinquantaine de personnes en 1989).
Dans le Doubs, Japy Frères construit en 1908, à Dasle, l’usine de la Gare destinée à centraliser la fabrication de ses machines agricoles et de ses pompes. Progressivement arrêtées après la Première Guerre mondiale, ces productions cessent en 1940 avec un dernier modèle de hache-herbe.
Dans le même département, Louis Thieulin fait breveter un modèle de motofaucheuse (avec moteur à essence) en 1912, deux ans après l’obtention par François Nicod d’un brevet pour un « avant-train de charrue Brabant double ou simple ». Ce dernier et son frère Constant cèdent en 1915 leur atelier, bâti en 1886 à Eternoz, à Jean Garnier et la charrue « Brabant-Garnier » sera produite à 6 000 exemplaires. L’affaire est petite (six personnes dans les années 1930) mais inventive : Garnier met au point une moissonneuse dite auto-javeleur, une faneuse à dents flexibles, un triangle de chasse-neige réglable. Ses fils arrêtent la fabrication des charrues Brabant au milieu des années 1950 mais réalisent à partir de 1966 des charrues à planche sur trois points (adaptées au système de relevage des tracteurs) et inventent vers 1978 un système de sécurité « non stop ».
A Seloncourt, la société Herren et Cie fait construire vers 1925 un atelier de fabrication de machines agricoles (concasseurs et broyeurs à céréales, déchargeuses de fourrage, herses, etc.), qui fermera en 1961. A Audincourt, Marc et René Ligier débutent à la Libération une activité de fabrication de remorques agricoles puis d’épandeurs à fumier et à sable.
Dans le Territoire de Belfort, les Ets Querry bâtissent à Faverois vers 1930 une usine destinée à la fabrication d’un modèle de déchargeuse de fourrage par ventilation mis au point et breveté par Léon Querry. L’entreprise se lance après la Deuxième Guerre mondiale dans les faucheuses adaptables à différents types de tracteurs (2 300 unités en 1958). Comptant 60 personnes en 1960, elle s’oriente progressivement vers la production de matériel électroménager pour l’hôtellerie et les collectivités.
Les tracteurs
Si les locomobiles connaissent une certaine diffusion, notamment parce qu’elles sont en poste fixe lorsqu’elles sont utilisées, les tracteurs à vapeur souffrent de leur lourdeur et de leur faible efficacité. A cet égard l’exemple des Benier-Rollet à Morez est édifiant : de 1892 à 1895, les frères Henri, Honoré et Homère Benier-Rollet, fabricants et réparateurs de matériel de scierie, construisent pour la scierie Jobez de Pont-de-Poitte un tracteur à vapeur, qui ne fut jamais utilisé du fait de sa faible vitesse (14 km/h) et de l’arrivée de la voie ferrée. La généralisation des moteurs thermiques et les progrès liés à la construction automobile ouvrent la voie à la réalisation de tracteurs agricoles plus efficaces, mais leur coût et la faible taille des parcelles en retardent la diffusion. Ces tracteurs ne sont réellement adoptés qu’après la Deuxième Guerre mondiale avec le coup de pouce du plan Marshall.
La Franche-Comté a connu quelques fabricants de tracteurs. Certains réalisent des engins légers, issus de l’adaptation d’un moteur sur une faucheuse. Il en est ainsi de la « Moto-faucheuse charrue tracteur E. Maître » (connue par une publicité) : elle aurait été fabriquée dans l’entre-deux-guerres par la Société comtoise de Motorisation agricole établie à Besançon (Saint-Ferjeux), avec pour représentant régional les Ets Dollé de Vesoul. Dans le Jura, Désiré Dalloz et son fils Henri créent en 1933 la Kiva, une faucheuse motorisée à trois roues portant son conducteur, qu’ils construisent à Essia puis après la Deuxième Guerre mondiale à Lons-le-Saunier. Cette fabrication cesse en 1974 (5 372 exemplaires ont été réalisés), remplacée par celle de petites motofaucheuses. Signalons aussi une autre production confidentielle, de 1947 à 1957, à Bonlieu, où Albert Chauvin construit environ 200 tracteurs à quatre roues motrices.
D’autres fabricants sont signalés dans l’entre-deux-guerres. C’est de motoculteur à chenilles qu’il est question de 1928 à 1937, rue Fontaine-Argent à Besançon, avec la Société anonyme d’Instruments de Motoculture - Sadim - (Société auxiliaire des Industries mécaniques avant 1928 ?). Celle-ci a succédé, dans l’usine bâtie pour Amstoutz-Ravel et Cie, aux Automobiles Schneider dont la gamme avait été élargie aux tracteurs au début des années 1920 (avec reprise des Ets Pingris et Mollet-Fontaine, utilisant la marque Motoculta). A Faverois, les Ets Querry, produisent de 1932 à 1939 des tracteurs agricoles équipés de moteurs Citroën.
Le véritable décollage de la production s’effectue donc après le Deuxième Guerre mondiale. A Besançon, Douge décide de convertir sa deuxième usine à la réalisation de tracteurs, de marque Messidor, écoulés via la société Soventrac. Le premier (un monocylindre de 15 ch) sort en 1950 mais la société est reprise fin 1952 par le Jurassien Labourier. Etabli à Mouchard, Jules Labourier a commencé par commercialiser au début des années 1920 des tracteurs routiers américains FWD (Four Wheel Drive Auto Co) type B, revendus comme surplus militaires, qu’il modifiait et habillait ensuite. Il a élargi sa gamme aux tracteurs agricoles et forestiers, à gazogène durant la guerre puis à moteur diesel (fourni par Douge) après. L’entreprise, qui produit 741 tracteurs agricoles en 1958, est alors présente sur quatre sites : Mouchard, Baume-les-Dames, Besançon (usine Douge, fermée en 1975) et Gray (usine Millot). Elle cesse en 1986 la production en série pour les engins spéciaux et, en 2019, elle est encore active à Mouchard mais comme fabrique d’engrenages.
Une production particulière peut aussi être évoquée : celle des chasse-neige. A Saint-Claude, la société De Giorgi et le constructeur-mécanicien Stanislas Lartaux s’associent vers 1925 pour réaliser des chasse-neige en montant une étrave sur un véhicule porteur, fourni notamment par Labourier. Sicométal, qui existe toujours, naît ainsi en 1956.
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Période(s)
- Principale : 19e siècle, 20e siècle
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
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- (c) Archives départementales du Doubs
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Documents d'archives
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Archives départementales du Doubs, Besançon, 7 S 65, Papier à en-tête, 1852.
Bibliographie
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Bienfait, Jean. L'industrie du tracteur agricole en France. Revue de Géographie de Lyon, vol. 34, n° 3, 1959, p. 193-216, cartes, graphiques. Document accessible en ligne sur le site Persée à l'adresse : https://www.persee.fr/doc/geoca_0035-113x_1959_num_34_3_2349 (consultation : 21 octobre 2020)
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Descombes, Christian. Encyclopédie des tracteurs fabriqués en France des origines à nos jours. - Boulogne-Billancourt : Etai, 1998. 160 p. : ill. ; 32 cm.
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Désert, Gabriel. Machinisme et agriculture dans la France du XIXe siècle. Historical Papers / Communications historiques, vol. 19, n° 1, 1984, p. 185-216. Document accessible en ligne sur le site Erudit à l'adresse : https://doi.org/10.7202/030924ar (consultation : 21 octobre 2020)
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Favereaux, Raphaël ; Poupard, Laurent. Patrimoine industriel : Jura / Direction régionale des Affaires culturelles de Franche-Comté, Service régional de l'Inventaire général ; photogr. Jérôme Mongreville, Yves Sancey ; cartogr. Christophe Batardy. - Besançon : Association pour la Promotion et le Développement de l'Inventaire comtois, 1998. 360 p. : ill., cartes ; 27 cm. (Indicateurs du patrimoine).
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Favereaux, Raphaël. Patrimoine industriel de la Haute-Saône / Région Franche-Comté, Direction de l'Inventaire du Patrimoine ; photogr. Jérôme Mongreville ; cartogr. André Céréza. - Lyon : Lieux Dits, 2010. 112 p. : ill. ; 30 cm. - (Images du patrimoine ; 261)
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Favereaux, Raphaël ; Poupard, Laurent. Franche-Comté, terre d'industrie et de patrimoine / Région Bourgogne-Franche-Comté, Service Inventaire et Patrimoine ; photogr. Sonia Dourlot, Jérôme Mongreville, Yves Sancey ; dessins Mathias Papigny, Aline Thomas ; cartogr. Pierre-Marie Barbe-Richaud, André Céréza. Lyon : Lieux Dits, 2021. 416 p. : ill. ; 30 cm.
P. 228-233 : ill.
Documents figurés
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Vue cavalière de l'usine Millot. Dessin, lavis, s.n. [fin 19e ou début 20e siècle].
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Archives départementales du Doubs, Besançon, 6Fi25434/57, Usines Pouguet, carte postale, cliché Ch. Simon, édit. Maîche-Ornans, s.d. [fin 19e ou début 20e siècle].
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Moteur électrique [Japy] sur chariot transportable commandant un hache paille, photographie, s.n., s.d. [1ère moitié 20e siècle]
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Moteur électrique [Japy] sur chariot transportable commandant un concasseur, photographie, s.n., s.d. [1ère moitié 20e siècle]
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Moteur Japy [affiche publicitaire], dessin imprimé, s.n., s.d. [milieu 20e siècle], Impr. A. Waton à Saint-Etienne
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Vue d'ensemble des Ets Dollé depuis l'entrée. Photogr., s.n., s.d. [1949]. Dans : " L'Opinion économique et financière [...] ", p. 91.
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Modèles de batteuse Estienney-Ménétrier. Brochure publicitaire, dessin, impr. de l'Est, Besançon, s.d. [vers 1955].
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Batteuse Estienney-Ménétrier 140 SAB. Brochure publicitaire, dessin, impr. de l'Est, Besançon, s.d. [vers 1955].
Documents multimédia
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Favre, Eric. Théo Schneider, le pionnier de Besançon. - 8 octobre 2009. Ill. Document accessible en ligne sur le site Gazoline à l'adresse : https://www.gazoline.net/2009/10/08/theo-schneider/ (consultation : 21 octobre 2020)
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Labourier : le plus américain des Jurassiens. - S.n. : Fondation de l'Automobile Marius Berliet, sd. [2018]. Ill. Document accessible en ligne sur le site de la Fondation Berliet à l'adresse : https://www.fondationberliet.org/ressources-documentaires/archive-article-dossier-camion-berliet/labourier-mouchard-fwd-camion/ (consultation : 21 octobre 2020)
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Le Corff, Roland. Auto-faucheuses Kiva et tracteurs Chauvin. - 13 mars 2011. ill.
Poupard, Laurent. Chercheur au service Inventaire et Patrimoine de la Région Bourgogne-Franche-Comté, 1987-
Poupard, Laurent. Chercheur au service Inventaire et Patrimoine de la Région Bourgogne-Franche-Comté, 1987-