Jérôme Mongreville, photographe. Région Bourgogne-Franche-Comté, Service Inventaire et Patrimoine, 1983-
- patrimoine industriel
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Dossier non géolocalisé
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Aires d'étudesFranche-Comté
Le massif du Jura est constitué à 95 % de calcaires et de marnes, issues de l’accumulation de micro-feuillets d’argile mélangés à des micro-feuillets de calcaire. Marnes et argiles qui fournissent des matériaux de choix pour la construction et la fabrication d’objets en céramique.
Tuileries et briqueteries
Connues dans la région dès la période gallo-romaine, les tuileries et briqueteries sont la propriété des seigneurs (laïcs ou religieux) sous l’Ancien Régime. Les textes en signalent à Besançon en 1290, Poligny en 1445, Montbéliard au 15e siècle, Ougney (dépendant de l’abbaye d’Acey) en 1545, etc. Elles connaissent un formidable développement au 19e siècle : en Haute-Saône, elles passent d’une cinquantaine en 1815 à plus du double (109) vingt ans plus tard ; il y en a au milieu du siècle près de 130 dans le Doubs (dont - c’est notable - 43 % des maisons sont couvertes en tuiles en 1848) et une cinquantaine dans le Jura (mais bien peu sont implantées dans le massif du Jura, où la couverture en bois domine encore). Jacques Voinot en dénombre, toutes périodes confondues, 188 dans le Doubs, 124 dans le Jura et 125 en Haute-Saône
Tuileries et briqueteries traditionnelles
De fait, l’usage des tuiles ne se généralise réellement qu’au 19e siècle et sous la contrainte réglementaire. En effet, dans un milieu bâti où le végétal est omniprésent, les incendies sont fréquents et dévastateurs (Pontarlier en 1736, Saint-Claude en 1799, Salins en 1825, etc.). Des arrêtés préfectoraux interdisent donc les couvertures en chaume et en bois (tavaillons, clavins, bardeaux, ancelles), interdiction soutenue par les compagnies d’assurance au tournant des 19e et 20e siècles.
La tuile s’impose donc progressivement. La plus fréquente est la tuile plate (dite « bourguignonne »), à bout carré, arrondi (« tuile écaille ») ou pointu (« tuile alsacienne »), parfois émaillée (« vernissée), qui peut aussi être utilisée pour protéger les murs (essentage). La tuile creuse (« tuile canal ») est présente dans les secteurs de Saint-Amour au sud et Jussey au nord.
Tuileries et briqueteries sont établies à proximité de la carrière d’argile et de leur source d’énergie, la forêt. Dans de rares cas, elles dépendent d’une autre usine, généralement une forge comme dans les années 1850 celles de Jules Vautherin à Vuillafans et d’Auguste Blondeau à Liebvillers (« le four à tuiles actuellement existant est analogue aux fours à chaleur perdue, généralement établis dans le département sur les feux d’affinerie pour les usages métallurgiques » [Archives départementales du Doubs : 428 S 4]).
La fabrication est une activité saisonnière : l’extraction a lieu à l’automne, le pourrissage l’hiver (afin de profiter des alternances de gel et dégel) puis la production s’étale de mars-avril à septembre-octobre. Différentes phases s’enchaînent : extraction de l’argile en carrière ou en puits, pourrissage, broyage, nettoyage, préparation de la pâte avec - le cas échéant - mélange d’argiles différentes ou ajout d’autres matières (sable, calcaire, chaux, cendre, etc.), pétrissage (« marchage » ou « foulage » aux pieds), moulage, séchage partiel, ébarbage. La tuile finit de sécher dans un bâtiment coiffé d’un toit à croupes qui descend jusqu’à environ un mètre du sol, sans mur pour que l’air puisse circuler librement mais avec des étagères où poser les tuiles « vertes ».
Ensuite viennent la cuisson (à 900 °C), le tri, le stockage et l’expédition. La chambre de cuisson du four à feu intermittent, qui accueille tuiles et briques, est la plupart du temps à ciel ouvert d’où l’obligation, à chaque cuisson, de disposer les produits de manière à réaliser une voûte temporaire. Ce four occupe parfois un bâtiment indépendant, tel celui de la tuilerie de Champtonnay (protégée au titre des monuments historiques en 1993) abrité dans un atelier coiffé d’un toit à croupes surmonté d’un lanterneau.
Tuiles « mécaniques » et mécanisation
Le 19e siècle voit l’invention de la tuile à emboîtement, dont l’étanchéité est assurée par un système de rainures. Réalisée à l’aide de machines, elle est dite « tuile mécanique » (improprement puisque la fabrication des autres types de tuiles sera elle-aussi mécanisée). Elle est fabriquée dès le début de la décennie 1820 en Haute-Saône par Royer, de Cubry-lès-Faverney (qui a acquis en 1813 le brevet Lorgnier) mais c’est surtout le nom des frères Gilardoni, d’Altkirch (Haut-Rhin), qui est connu. Ces derniers imaginent au milieu des années 1830 un modèle à simple emboîtement (breveté en 1841) puis en 1850 un autre à double emboîtement.
Le domaine voit se multiplier modèles et brevets, tel en 1840 celui de Victor Klein à Saint-Vit pour une tuile dite « de Besançon ». En 1846, Robelin (de Vyt-lès-Belvoir) et Huguenotte (de Chazot) cèdent leur brevet de 1843 à Albert Schlumberger (de Mulhouse), qui le modifie pour produire une tuile « violon » (Stanislas Blondeau, de Liebvillers, en brevettera une version améliorée en 1855). Un modèle se distingue, dont l’aire de diffusion est purement locale : la tuile « à la truite » (à la nervure centrale en forme de poisson), réalisée de 1850 à 1890 environ aux Prés-de-Valfin (La Rixouse) par la société Raymond Frères et Cousin.
L’inventivité concerne aussi les briques : la brique creuse apparaît en 1838 et les frères Borie (de Paris) prennent dix ans plus tard un brevet pour la fabriquer à l’aide d’une filière. Celui, pour une machine à faire les tuiles et les briques, obtenu en 1831 par Terrasson de Fougères est acquis dès 1836 par Maritz, fabricant de poêles et fourneaux à Besançon (au 14 faubourg Rivotte).
La mécanisation s’accélère dans la deuxième moitié du 19e siècle. Les machines se multiplient : excavateur, désagrégateur, broyeur, malaxeur, mouilleur, mélangeur, mouleuse, étireuse, galetière, fil coupeur, etc. La vitesse de pressage croît : 60 tuiles à l’heure avec une presse à bras, 300 avec une à friction, 600 avec une presse à cinq pans (« presse-revolver »). Le séchage est accéléré par récupération de la chaleur du four.
La cuisson s’effectue dans un four à feu continu, dont le plus célèbre est celui à foyer mobile inventé par Hoffmann et breveté en France en 1859. Annulaire, il est divisé en 12 à 20 chambres, isolées à l’aide de parois amovibles. Le feu passe d’une chambre à l’autre, économisant le combustible : l’air alimentant la chambre « en grand feu » est réchauffé par son passage dans la précédente (où se trouvent les produits en cours de refroidissement) et va précuire ceux en attente dans la suivante. La régularité de fabrication est bien meilleure, tout comme le rendement. Le four tunnel est un autre type de four à feu continu mais son foyer est fixe, au centre d’un tunnel droit et ouvert à chaque extrémité, et ce sont les produits qui se déplacent sur des wagonnets.
Quelques tuileries et briqueteries se distinguent.
Ainsi celle des Combes de Punay, à Malbrans. Lorsqu'elle est mise en service en 1846, c'est un établissement moderne comportant un broyeur à cylindres lisses et une mouleuse-étireuse à hélice (actionnés par une machine à vapeur Rauch), un chariot découpeur et une presse à rabattre manuelle. La marne est extraite de l’autre côté de la route. La cuisson dans l’un des deux fours (d’une contenance de 25 000 tuiles et 4 000 à 5 000 briques) dure cinq jours. La production comprend six modèles de tuile plate, deux de tuile mécanique, trois de brique creuse et deux de brique pleine, un de hourdis, un de drain et un de conduit à fumée. En 1883, le personnel réunit huit hommes, deux femmes et deux enfants. Firmin Mourot lui ajoute, à l’extrême fin du 19e siècle, une scierie dotée d’un châssis vertical à lames multiples des Ets Pouguet (d’Ornans). La tuilerie cesse son activité vers 1930, la scierie en 1965. Protégé au titre des monuments historiques en 1979, le site est restauré en 1979 et 1988 mais, faute d’entretien, deux bâtiments s’effondrent en décembre 2017.
De même la tuilerie-briqueterie Janicot, à Montureux-et-Prantigny, qui aurait été établie en 1821. Elle est modernisée en 1887 : une machine à vapeur de 6 ch entraîne un malaxeur et une presse, la production passant de 150 000 à 400 000 pièces. L’établissement est exploité par la famille Janicot de 1899 à sa fermeture en 1976. Il fabrique alors des tuiles plates et mécaniques, des briques de cheminée, de cloison et de plafond (« cancalons »). La fabrication nécessite chaque jour 5 m3 d’une argile extraite dans une carrière située à 150 m et transportée par wagonnet. Mouillée et foulée au pied, celle-ci passe dans un malaxeur puis dans un broyeur (Dubois, à Tours) couplé à une mouleuse-étireuse (Brandt, à Bèze), pourvue d’un chariot découpeur pour tuiles ou pour briques. Disposés sur 20 wagonnets à plateaux, les produits sèchent à l’air libre, entre 4 et 15 jours selon l’humidité de l’air. Ils sont ensuite empilés dans un four rectangulaire, à chambre « à ciel ouvert ». Il faut deux jours pour charger les 7 000 à 8 000 pièces (environ 40 t) et autant pour le défournement. Chaque cuisson consomme 35 à 40 t de bois et dure trois jours et deux nuits, avec un préchauffage de 24 h. La température atteint 1 000 à 1 100 °C au bout du troisième jour. Trois jours de refroidissement sont nécessaires avant le défournement.
Le temps des usines
Le succès des tuiles à emboîtement et l’accélération de la mécanisation entraînent des bouleversements dans la profession. Il faut se moderniser donc disposer de capitaux que n’ont pas la plupart des petits tuiliers-briquetiers. Dans un milieu où la concurrence est exacerbée par le chemin de fer, de nombreuses fermetures se produisent dès la deuxième moitié du 19e siècle et le mouvement se poursuit au siècle suivant, accentué par le choc de la Première Guerre mondiale. C’est la fin des entreprises artisanales, remplacées par des usines.
Ainsi, dans le Doubs, la tuilerie du Schiste, ouverte à Lods en 1862, cesse ses activités au début du 20e siècle.
Dans le Jura, la décennie 1910 voit la fermeture des tuileries de Champagney, Ougney, Saint-Aubin, Vitreux, etc., mais aussi la création en 1914 de l’usine de Commenailles. Cette affaire trouve son origine dans une petite tuilerie fondée en 1854 par la famille Jacob à Charrette (Charrette-Varennes), en Saône-et-Loire. Emile Jacob père franchit le pas de l’industrialisation avec plusieurs usines : Navilly (1873), Ciel (1881), Pouilly-sur-Saône (1883) et Commenailles. Cette dernière est bâtie selon les plans de l’architecte Edmond Malo, un ami de la famille. Sa production mensuelle est de 475 t (dont 375 de tuiles) en 1950, de 1 500 t en 1961.
Passavant-la-Rochère, en Haute-Saône, totalise sept tuileries au tournant des 19e et 20e siècles. Celle du Rougeot, attestée dès 1823, est reprise au siècle suivant par des sociétés de Saône-et-Loire, tandis que la tuilerie Lemoine, créée en 1872, emploie 64 personnes en 1901 et fabrique 1 200 000 tuiles et 500 000 briques.
Dans le Territoire de Belfort, la tuilerie de Foussemagne, fondée en 1846 par Charles Clavey, compte après la Première Guerre mondiale 14 presses, cinq fours de séchage et trois fours tunnels, 1 000 wagonnets, cinq locomotives et 10 km de voie ferrée, une centrale électrique, etc. Sa production atteint 40 000 tuiles par jour en 1923. Celle de Froidefontaine (1883) est acquise en 1901 par la société métallurgique Viellard-Migeon et Cie, qui l’agrandit juste avant la Grande Guerre.
La concurrence du béton entraîne une désaffection progressive pour la terre cuite, dont les tuiles ne représentent plus que 20 % du marché dans les années 1970. La filière se réorganise au prix d’investissements considérables et d’une concentration accrue entre groupes internationaux. La région compte ainsi onze tuileries et briqueteries en 1960 (pour 863 recensées au niveau national), huit en 1970, quatre en 1975, deux en 1990 (la France n’en totalise alors plus que 181).
Les établissements de Haute-Saône et du Territoire de Belfort disparaissent. A Passavant-la-Rochère, la tuilerie du Rougeot est achetée en 1967 par son concurrent local, Pourchot, qui disparaît en 1982. Sturm, leader alsacien sur le marché, acquiert celles de Froidefontaine en 1964 et de Foussemagne en 1971 : il ferme la deuxième puis désaffecte l’autre en 1986 lorsqu’il en transfère l’activité à Rouffach (les ateliers sont rasés vers 1990).
Dans le Doubs, à Lantenne-Vertière, la société Migeon perd son caractère familial en entrant dans le giron du Suisse Laufen en 1984. La tuilerie, autorisée en 1663 et qui a produit 140 000 tuiles et 10 000 briques en 1842, a été achetée en 1882 par Paul François Migeon et va rester pendant un siècle dans sa famille. Albert Migeon lui donne son essor au début des années 1930 et l’usine fabrique 50 t de tuiles par jour en 1960. Elle dispose de 1963 à 1989 d’une deuxième unité à Franois, emploie 56 personnes en 1975 et réalise quotidiennement 80 t de produits. A Lantenne, l’apport de capitaux extérieurs permet la construction de nouvelles lignes de fabrication : en 1989-1990 (avec four à joint d’eau - ou piscine - dit « hydrocasing », doublant sa production), 1994 (100 000 tuiles par jour), 1998 (également avec four bassin), 2006-2007. L'établissement fête ses 350 ans en 2013. Trois ans plus tard, il compte 180 personnes, exploite une carrière de 63 ha et produit 150 000 pièces par jour (soit 55 millions sur l’année).
Pour sa part, l’usine de Commenailles est acquise en 1987 par le groupe d’exploitation minière Imetal (qui deviendra Imerys en 1999), lequel fonde l’entreprise IRB (Industrie régionale du Bâtiment).
Le 20e siècle a donc entraîné un bouleversement total dans le domaine de la terre cuite. Les tuileries et briqueteries, qui étaient près de 300 en Franche-Comté au milieu du 19e siècle, ne sont plus que deux en 2020 : Wienerberger (Migeon) à Lantenne-Vertière (dont la production annuelle est de l’ordre de 120 000 t) et Imerys (Jacob) à Commenailles (90 000 t).
Poterie, faïence et porcelaine
L’argile locale a aussi permis la fabrication de poteries, dont l’usage se généralise dans les années 1840 à 1870. Elles sont ensuite concurrencées par le métal (notamment la vaisselle émaillée de la société Japy) et la faïence, produite depuis le 18e siècle. Quelques faïenceries industrielles se développent au 19e siècle, qui disparaissent au siècle suivant : Clairefontaine, Salins et Casamène (Besançon) sont les dernières à fermer. Deux entreprises de porcelaine sanitaire voient le jour au 20e siècle, dans la région doloise, mais seule Jacob-Delafon subsiste actuellement, dernière usine de céramique - hors matériaux de construction - de la région.
Céramique commune
La poterie est pratiquée depuis le néolithique dans le Jura et des fragments d’époque gallo-romaine ont été trouvés à Luxeuil-les-Bains, Mandeure, etc. Plus proche de nous dans le temps, une statistique de 1826 estime que les ateliers jurassiens de poterie sont presqu’aussi nombreux que les tuileries. Les centres principaux sont implantés en bordure de la forêt de Chaux, à Etrepigney au nord et Tassenières à l’ouest, mais d’autres sont connus, à Nermier (Sarrogna) par exemple. En Haute-Saône, Boult compte 20 ateliers en 1828 (mais quatre seulement en 1901).
Majoritairement exploités par des paysans potiers, ces ateliers familiaux réunissent deux ou trois personnes seulement : la dimension industrielle résulte donc dans ce domaine de leur multiplication à l’échelle du village. L’argile, tirée à proximité, en carrière ouverte ou par puits et galeries, est laissée aux intempéries avant d’être travaillée et stockée sous forme de blocs. Ce sont ces derniers qui, fragmentés en boules (« pâtons »), sont tournés pour donner des poteries, mises à sécher puis imperméabilisées par une couche de sulfure de plomb (galène), l’alquifoux, qui se vitrifie à la cuisson.
A Etrepigney, où des potiers sont actifs dès le 17e siècle, le village compte 15 fours vers 1850. La production consiste en céramique culinaire (pots, plats, soupières, casseroles, cruches, etc.), décorative (luminaires), architecturale (épis de faîtage) ou industrielle (creusets, briques réfractaires, cornues, etc.). La plupart des familles possède un tour et la moitié vit avant tout de la poterie. Un atelier se distingue : celui de Georges Martin, qui reprend en 1937 la poterie Besson, attestée dès 1852 et convertie à la poterie horticole en 1921. Martin modernise les installations : fours (le deuxième au fuel en 1965), machine Crochon (d’Armentières) en 1959 pour le moulage des pots de fleurs, etc. En 1958, sa production atteint 125 t de masselottes et briques de fonderie (soit 160 t d’argile) et 135 t de pots (170 t d’argile). L’affaire, qui compte six personnes à cette date, disparaît en 2017.
L’entreprise la plus importante de Tassenières (où existent aussi deux tuileries) est celle bâtie en 1839 par l’Alsacien Jean Degermann, qui emploie en 1865 une centaine de personnes (en incluant les voituriers cependant). Elle est alors équipée d’une machine à vapeur, compte trois fours et fabrique environ deux millions de pièces (tournées ou coulées) : céramique culinaire, tuiles et briques, statues, jouets et tirelires, etc. Achetée en 1877 par la famille Gabriel, elle ferme durant la Deuxième Guerre mondiale, malgré une tentative de reconversion (poterie horticole à partir de 1925).
Faïence
La faïence est une poterie biscuitée : la pièce est cuite une première fois entre 800 et 1 050 °C (comme la poterie commune) puis émaillée et décorée, enfin cuite une deuxième fois à 980 °C. La glaçure peut être à base d’étain, opaque et masquant la pâte en la recouvrant d’une couche blanche et brillante après cuisson - il est alors question de « faïence stannifère » -, ou alors à base de plomb et transparente sur une pâte blanche - c’est la « faïence fine ».
Les faïenceries se multiplient après le rattachement de la Comté à la France en 1678. Suzanne de Buyer dénombre pas moins de 19 créations au 18e siècle, la première à Dole en 1707. Alimentant notamment les apothicaireries, ces établissements sont généralement de petite taille, avec un personnel restreint et fort itinérant, et déclinent au 19e siècle du fait de la concurrence et des changements techniques. Deux affaires importantes voient toutefois le jour, à Nans-sous-Sainte-Anne (1833) - 57 ouvriers en 1844 - et Salins (1857). L’atelier le plus récent - et le dernier créé - est celui que Georges Brachère ouvre vers 1920 à Rans et dans lequel il fabrique, jusqu’en 1936-1937, des briques et poêles en faïence.
L’importance des investissements nécessaires pour augmenter leur compétitivité condamne la plupart des faïenceries : Rioz ferme en 1911, Nans-sous-Sainte-Anne en 1928, Clairefontaine en 1932. En 1960 ne subsistent plus que celles de Salins (300 personnes) et Casamène (Besançon, 70 ouvriers). Mais la première disparaît en 1998, la seconde en 2005.
Les rares traces laissées par ces faïenceries sont parfois peu lisibles, telle celle de Clairefontaine (Polaincourt-et-Clairefontaine), fermée en 1932 et transformée en hôpital psychiatrique. Installée en 1804 dans une abbaye cistercienne rebâtie au 18e siècle, elle emploie, en 1893, 152 personnes à la production de porcelaine opaque, faïence fine jaune dite « grès Nankin », émaux ombrants (ou à décor « concavo-relief ») commercialisés sous le nom de « majoliques », barbotines, etc.
Dans le Jura, la faïencerie la plus importante de Salins-les-Bains est installée en 1857 dans l’ancien couvent des Capucins par les exploitants de celle de Nans-sous-Sainte-Anne. L’établissement, qui a 120 ouvriers en 1889 (303 en 1965), se modernise au 20e siècle (fours tunnels électriques et à gaz en 1947-1949, première chaîne de coulage vers 1960). Les Faïenceries de Sarreguemines, Digoin et Vitry-le-François en prennent le contrôle en 1973, débutent en 1988 la fabrication des produits sanitaires haut de gamme, cessent celle de la vaisselle de luxe en 1992 puis ferment le site en 1998.
A Besançon, Casamène a compté deux faïenceries. La première, fondée en 1841, emploie trois ans plus tard 120 ouvriers à la fabrication de faïence fine « à l’anglaise » mais disparaît dès 1845. La deuxième, qui débute par une tuilerie-briqueterie créée en 1840, entre en activité au début de la décennie suivante avec la réalisation de plaques de cheminées et carreaux divers, puis de poêles. Jules Louis Martin-Brey agrandit (ou reconstruit) l’établissement vers 1870 (et achète celui du 32 faubourg Rivotte). L’usine emploie 60 personnes en 1886. Elle est reprise par les Faïenceries de Longchamp en 1947 et sa fabrication est orientée vers la faïence à usage industriel. Elle ferme en 2005.
Porcelaine
La porcelaine est aussi une poterie biscuitée, mais fine et translucide, à base d’une argile particulière : le kaolin (dont le premier gisement français a été découvert en 1768 près de Limoges). Les essais d’imitation de la porcelaine chinoise aboutissent à la création d’une « porcelaine tendre » (sans kaolin), cuite à une température de 1 100 °C à 1 250 °C, tandis que la « porcelaine dure » (avec kaolin) l’est entre 1 260 °C et 1 300 °C.
La Franche-Comté a eu quelques fabriques de porcelaine, dont deux créées à Besançon par les frères Melenotte en 1775 et 1776. Trente ans plus tard, Mathurin Fourmy, auparavant faïencier à Nantes et Paris, lance à Migette (Crouzet-Migette) la production d’une porcelaine « hygiocérame », allant au feu (site actif de 1803 à 1838). Le même type de fabrication débute en 1812 à Orchamps, dans un atelier occupant une soixantaine de personnes en 1844 et qui disparaît en 1870.
Dans la première moitié du 20e siècle, deux usines de porcelaine sanitaire voient le jour dans la région doloise. Receveurs de douche, lavabos, bidets, cuvettes de WC, urinoirs, etc., sont obtenus suivant un même process : une barbotine liquide est coulée dans un moule en plâtre, qui en absorbe l’eau ; après démoulage, le produit est retouché (finissage) puis séché ; il est émaillé et cuit (à 1 280 °C) ; si nécessaire, des retouches sont apportées à l’émail et il connaît une deuxième cuisson (à 1 140 °C).
La première usine est créée à Damparis où la société Jacob et Cie achète en 1899 l’ancienne scierie de marbre Violet, qu’elle fait modifier par l’architecte Malo. Les Etablissements Jacob-Delafon et Cie y fabriquent des appareils sanitaires en grès (éviers) puis en « grès-porcelaine » et en porcelaine. Ils utilisent six fours ronds, remplacés par un four tunnel Dinz qui cède lui-même la place, en 1929 et 1931, à deux fours tunnels Dressler, longs de 120 m. Intégrée en 1938 à la Société générale de Fonderie, l’usine produit 40 % de la céramique sanitaire française en 1952 et compte 580 personnes en 1966. Devenue propriété du groupe américain Kohler en 1987, elle se tourne à la fin des années 2000 vers les produits sanitaires de luxe. Elle emploie 180 personnes en 2017.
A Dole, l’entreprise qui prendra le nom d’Ideal Standard en 1949 s’installe en 1933 dans l’ancienne fonderie de la Compagnie nationale des Radiateurs, où elle bâtit deux fours tunnels (sept se succéderont jusqu’en 1988). Elle modernise le site en 1986, débute la fabrication de baignoires en acrylique (17 000 par an) et réalise chaque mois 35 800 appareils en porcelaine, avec 230 personnes (elles étaient 630 en 1958). Dans les années 2000, Ideal Standard est leader mondial des sanitaires et des salles de bains (avec 14 usines de céramique en Europe), mais le domaine est en crise si bien qu’elle ferme trois sites en 2011, dont celui de Dole.
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Période(s)
- Principale : 19e siècle, 20e siècle
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- (c) Archives départementales du Doubs
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- (c) Jacob Delafon
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Bibliographie
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Buyer, Suzanne de ; Buyer, Louis de. Faïences et faïenceries de Franche-Comté. - Besançon : Cêtre, 1983. 159 p. : ill. ; 28 cm.
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Cartier, Jean. La tuile mécanique : une technologie du 19e siècle. Monumental, n° 15, décembre 1996, p. 26-31 : ill.
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Chabat, Pierre. Dictionnaire des termes employés dans la construction [...] 2e éd. - Paris : Morel, 1881. 4 vol., pagination multiple : ill. 28 cm.
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Chevalier, Michel. Tableau industriel de la Franche-Comté (1960-1961). - Paris : les Belles lettres, 1961. 101 p. : cartes ; 24 cm. (Annales littéraires de l’Université de Besançon. Cahiers de géographie de Besançon ; 9)
p. 81-83 : ill. -
Clemens, Monique. Comment Jacob Delafon sauve son usine du Jura par la robotisation et le luxe. Les Echos, 4 décembre 2017.
Document accessible en ligne sur le site des Echos : https://www.lesechos.fr/2017/12/comment-jacob-delafon-sauve-son-usine-du-jura-par-la-robotisation-et-le-luxe-188150 (consultation : 27 mars 2020)
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Cornille, Alix. Manuel de fabrication des briques, tuiles et produits réfractaires. - Paris : Baillière, 1926. 306 p. : ill. ; in-16. (Bibliothèque professionnelle)
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Favereaux, Raphaël ; Poupard, Laurent. Patrimoine industriel : Jura / Direction régionale des Affaires culturelles de Franche-Comté, Service régional de l'Inventaire général ; photogr. Jérôme Mongreville, Yves Sancey ; cartogr. Christophe Batardy. - Besançon : Association pour la Promotion et le Développement de l'Inventaire comtois, 1998. 360 p. : ill., cartes ; 27 cm. (Indicateurs du patrimoine).
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Favereaux, Raphaël. Patrimoine industriel de la Haute-Saône / Région Franche-Comté, Direction de l'Inventaire du Patrimoine ; photogr. Jérôme Mongreville ; cartogr. André Céréza. - Lyon : Lieux Dits, 2010. 112 p. : ill. ; 30 cm. - (Images du patrimoine ; 261)
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Favereaux, Raphaël ; Poupard, Laurent. Franche-Comté, terre d'industrie et de patrimoine / Région Bourgogne-Franche-Comté, Service Inventaire et Patrimoine ; photogr. Sonia Dourlot, Jérôme Mongreville, Yves Sancey ; dessins Mathias Papigny, Aline Thomas ; cartogr. Pierre-Marie Barbe-Richaud, André Céréza. Lyon : Lieux Dits, 2021. 416 p. : ill. ; 30 cm.
P. 284-295 : ill. -
Garneret, Jean. Poteries. Barbizier, 1958 (12e année), 1959 (13e année), 1960 (14e année), ill.
1958 : 1. Dieu est potier, p. 25-26 ; 2. Etrepigney, p. 45-60 ; 3. La poterie industrielle, Tassenières, p. 68-69 ; 4. Orchamps, p. 69 ; 5. Boult, p. 75-81 ; 6. Moncley, Vaux et Lizine, p. 86-90.
1959 : 7. Poterie artistique et art populaire, p. 173-174 ; 8. Joseph Martin, p. 175-192 ; 9. Les Martin jusqu’à nos jours, p. 192-193 ; 10. Cinq cens et la faïence, p. 196-197 ; 11. Le décor à fleurs, p. 197-199.
1960 : 12. L’Ecole de Boult, p. 280-283 ; 13. La Notre Dame de la Basse-Vaivre, p. 283-284.
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Ideal Standard et Jacob Delafon : chaud et froid sur la céramique. La Voix du Jura, 4 mars 2010. Document accessible en ligne sur le site de La Voix du Jura : https://actu.fr/societe/ideal-standard-et-jacob-delafon-chaud-et-froid-sur-la-ceramique_14178486.html (consultation : 27 mars 2020)
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Lassus, François. Toits comtois : les matériaux de couverture des maisons en Franche-Comté. - 1988. 167 p. : ill., dessins, cartes ; 30 cm. Document préparatoire à une publication non éditée : Paris : Les Belles-Lettres, 1988. (Annales littéraires de l’Université de Franche-Comté. Cahiers d’études comtoises)
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Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Dole. Pâte à cuire & pot au feu : six mille ans de poterie dans le Jura. - Dole : Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie, 1986. Non paginé : ill. ; 21 cm.
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Rossi, Véronique ; Le Pennec, Robert ; Lançon, Michel. Tuiles et tuileries dans la région de Saint-Claude (Jura). - [S.l.] : Amis du Vieux Saint-Claude ; Parc naturel régional du Haut-Jura, 1997. 153 p. : ill. ; 30 cm.
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Voinot, Jacques. Tuileries anciennes de Franche-Comté : Lantenne-Vertière. Barbizier. Revue régionale d'ethnologie franc-comtoise, 1994, n° 20, p. 514-567.
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Voinot, Jacques. La tuile violon. Barbizier, n° 32, nouvelle série, 2008, p. 102-111 : ill.
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Voinot, Jacques. La « tuile Besançon ». Barbizier, n° 34, 2010, p. 11-23 : ill.
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Vuitton, Henri. La tuilerie Raymond des Prés de Valfin. Bulletin des Amis du vieux Saint-Claude, n° 1, 1977, p. 19-23 : ill.
Documents figurés
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Besançon-Casamène - Usine Martin-Brey-Dromard, carte postale, s.n., s.d. [fin 19e ou début 20e siècle]. Collection particulière.
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Usine de Belvoye - Le Four Tunel (four Dinz), carte postale, s.n., s.d. [limite 19e siècle 20e siècle, entre 1899 et 1906]. Porte la date 1906.
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Le moulage des baignoires (bâtiment 42), photographie, s.n., 1913.
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Tassenières - La Poterie, carte postale, s.n., s.d. [1ère moitié 20e siècle, après 1903], phototypie Desaix, Paris.
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Déchargement du four Hoffmann, photographie, s.n., 1955.
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La chaîne de coulage, photographie, s.n., s.d. [3e quart 20e siècle]. Dans : "Les Faïenceries de Salins (Salins - Jura)", Besançon : s.n., s.d. [après 1950], [p. 7].
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Le four de cuisson des décors, photographie, s.n., s.d. [3e quart 20e siècle]. Dans : "Les Faïenceries de Salins (Salins - Jura)", Besançon : s.n., s.d. [après 1950], [p. 16].
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L'atelier de chapotage-triage, photographie, s.n., s.d. [3e quart 20e siècle]. Dans : "Les Faïenceries de Salins (Salins - Jura)", Besançon : s.n., s.d. [après 1950], [p. 17].
Documents multimédia
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Poirier, Damien. La tuile de Lantenne-Vertière fête ses 350 ans ! MaCommune.info, éd. de Besançon, 4 octobre 2013, ill. Article consultable en ligne sur le site MaCommune.info, à l'adresse : https://www.macommune.info/la-tuile-de-lantenne-vertiere-fete-ses-350-ans-89499 (consultation : 27 mars 2020)
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Tuileries Clavey / d'après Daniel Guerry - 2000. - 2020. Document consultable en ligne sur le site de la mairie de Foussemagne à l'adresse : https://www.foussemagne.fr/tuileries-clavey.htm (consultation : 27 mars 2020)
Poupard, Laurent. Chercheur au service Inventaire et Patrimoine de la Région Bourgogne-Franche-Comté, 1987-
Poupard, Laurent. Chercheur au service Inventaire et Patrimoine de la Région Bourgogne-Franche-Comté, 1987-