Le patrimoine des salles de spectacle
Activité indispensable à toute société humaine, le divertissement a au fil du temps généré ses propres lieux, éphémères et ambulants - tels les chapiteaux de cirques - ou construits en dur. Du théâtre antique à l’opéra ou au cinéma, la salle de spectacle, dans sa version pérenne et monumentale, a influencé l’urbanisme. Les architectes du 19e siècle, particulièrement, en ont fait un édifice phare d’une ville dont il manifeste la puissance et le rayonnement. Un édifice qui, aussi bien privé que publique, relève d’une architecture savante et s’inscrit dans un ensemble de réseaux d’influences qu’il peut lui aussi alimenter. Mais également un édifice vivant qui doit s’adapter aux évolutions du goût et de la technique sous peine de disparaître.
1. Objectif de l’étude
L’expression « salle de spectacle » recouvre des réalités différentes suivant les époques mais se manifeste dans l’imaginaire collectif par un archétype : le théâtre « à l’italienne ». Celui-ci renvoie à une forme architecturale apparue à la fin du 16e siècle en Italie, introduite en France 170 ans plus tard et qui règne sans partage en Europe du 18e siècle au milieu du 20e siècle. Le théâtre accueille alors un public issu de la plupart des couches sociales de la population, mais avec des modalités différentes suivant leur statut : ainsi en 1784 à Besançon, Claude-Nicolas Ledoux innove en déplaçant le public populaire du parterre au « poulailler ». Cet exemple illustre à la fois la diffusion d’une architecture savante et son appropriation par les architectes. Architectes qui adaptent en outre aux contraintes topographiques et à la demande des commanditaires le programme d’un édifice chargé de divertir mais aussi d’éduquer, où - souvent - l’on vient autant pour se faire voir que pour voir.
A. Rappel historique
Les salles de spectacle pérennes, théâtres compris, sont peu nombreuses au 17e siècle mais la situation change au siècle suivant qui, de plus, voit se multiplier les théâtres à l’italienne dont le prototype est le Teatro Olimpico de Vicence, dessiné en 1580 par André Palladio. Celui qui, peut-être, est le premier en France à en reprendre toutes les caractéristiques est le théâtre du quartier Saint-Clair à Lyon, édifié de 1753 à 1756 sur des plans de Soufflot. Il initie une mode dont l’engouement se traduit par la construction d’une vingtaine d’édifices dans le troisième quart du 18e siècle (Besançon a le sien en 1784). Le mouvement se poursuit au siècle suivant, encore plus dynamique, et les villes de quelque importance veulent toutes leur théâtre (celui de Dijon date de 1828). Théâtre qui accueille divers genres de spectacles : tragédie, comédie, opéra, concert, ballet, etc. Le plus luxueux d’entre eux est le Palais Garnier (l’Opéra Garnier), inauguré le 5 janvier 1875 et modèle à imiter, tant pour son architecture que pour sa machinerie animant la scène. Par ailleurs, alors que le milieu du théâtre était jusque-là étroitement surveillé par le pouvoir, le Second Empire permet de nouveau à l’initiative privée de s’exprimer et le paysage culturel s’enrichit de nombreux cabarets et salles de concert.
Au 20e siècle apparaît un nouveau type de salle de spectacle - le cinéma -, destiné à un divertissement plus populaire et qui connaît un engouement sans pareil. La première projection cinématographique publique payante a lieu le 28 décembre 1895 au Grand Café de Paris. Ses initiateurs sont les frères Auguste et Louis Lumière, nés (en 1862 et 1864) à Besançon où la première projection date du 6 mai 1896. Les projections ont tout d’abord lieu dans des cirques, cafés, brasseries, théâtres, etc. Lorsque de « curiosité scientifique », le cinéma devient un spectacle à part entière, des salles lui sont dédiées, soit réaffectées (le Pathé à Dijon en 1910 ou en 1913 le Plazza dans l’ancienne église des Dames de Battant à Besançon), soit bâties à cet effet (l’Alcazar à Besançon en 1910 ou le Darcy Palace à Dijon en 1914). Les constructions se multiplient jusque dans les bourgs les plus modestes, revêtant les aspects de la modernité (utilisation du béton, style Art déco, etc.).
Si le cinéma poursuit son essor après la Deuxième Guerre mondiale, le théâtre « traditionnel » se révèle inadapté aux évolutions de sa discipline - alors qu’est recherchée une plus grande proximité entre les acteurs et le public - ou incompatible avec les nouveaux équipements techniques. D’où ce constat fait en 2015 : « il existe en France plus de 400 théâtres anciens, construits pour la plupart à la fin du XIXe siècle, dans l’élan soulevé par le Palais Garnier. Un peu moins d’une centaine sont en ordre de marche à cause de leur plateau étroit, de leur visibilité réduite et des aménagements techniques dépassés » (Mazlouman, Mahtab. Les théâtres historiques. AS, n° 204, 9 décembre 2015. Document consultable en ligne : http://www.as-editions.com/2015/12/09/les-theatres-historiques/. Consultation : 28 janvier 2021). Plus généralement, les salles de spectacle doivent se réinventer dans la deuxième moitié du 20e siècle, confrontées aux changements de goûts, aux évolutions de la société et des technologies. Celles qui ne le peuvent pas végètent ou disparaissent.
En 1946, la sous-directrice aux spectacles et à la musique à la direction générale des Arts et Lettres, Jeanne Laurent, crée dans le cadre de sa politique de « décentralisation dramatique » le réseau des Centres dramatiques nationaux (CDN) ; la même année voit la naissance du Centre national de la cinématographie. Pour sa part, André Malraux inaugure en 1959 le poste de ministre de la Culture et initie une politique d’intervention volontariste de l’Etat (qui sera relayée par les collectivités locales après les lois de décentralisation de 1982). Le ministère lance une commande publique d’envergure, qui se manifeste par la création des maisons de la Culture (Le Havre en 1961, Chalon-sur-Saône dix ans plus tard), des Centres d’action culturelle en 1968, des Centres chorégraphiques nationaux en 1984, des Zénith dans le domaine musical (Paris en 1984, Dijon en 2005), etc.
La fin du siècle est marquée par un renouvellement des salles dédiées au spectacle vivant. Le nombre des cinémas a diminué en ville du fait de la concurrence de nouveaux medias (télévision puis ordinateur, smartphone, etc.), des évolutions techniques (changement des normes et passage au numérique notamment) et sociétales, mais en parallèle sont apparus les multiplexes, comptant plusieurs salles, souvent édifiés à l’extérieur des villes et dotés de vastes parkings. D’importants chantiers de rénovation des théâtres ou de construction de nouveaux lieux de spectacle sont aussi lancés, avec des programmes ambitieux pour des salles le plus souvent polyvalentes et accueillant indifféremment manifestations culturelles, sportives, politiques, etc.
B. Objectifs
L’étude vise, dans un domaine finalement assez bouleversé, à identifier les salles de spectacle existantes, qu’elles soient ou non encore en activité, afin, au minimum, d’en conserver la mémoire. Elle doit permettre, par un choix raisonné d’édifices, d’illustrer les évolutions architecturales et techniques à l’œuvre depuis le 18e siècle, les changements de goût révélés par le décor, la place de ces lieux dans le bâti urbain.
2. Descriptif de l’opération
A. Délimitation de l’étude
Limites géographiques
L’étude concerne l’ensemble de la région Bourgogne-Franche-Comté, soit huit départements : Côte-d’Or, Doubs, Haute-Saône, Jura, Nièvre, Saône-et-Loire, Territoire de Belfort et Yonne. Ce territoire est parcouru par deux axes majeurs, reliant à Lyon et à la Méditerranée d’une part Paris et la région parisienne, d’autre part Strasbourg et le monde germanique. Axes tôt parcourus par des voies ferrées qui ont facilité les échanges, culturels notamment, et la diffusion des œuvres et des modèles. Il comporte toutefois des zones relativement isolées. Ainsi, la région a en 2014 une population de 2 820 623 habitants, dont la densité varie de 31 habitants au km2 dans la Nièvre et 45 en Haute-Saône à 102 dans le Doubs et 238 dans le Territoire de Belfort. 23 communes comptent plus de 10 000 habitants et deux seulement (Dijon et Besançon) plus de 100 000, favorisant de fait la concentration des équipements culturels majeurs, notamment des salles de spectacle. Une observation qu’il faut cependant relativiser en fonction de l’histoire de chaque ville ou département : un premier repérage (provisoire) en 2019 crédite la Saône-et-Loire de la deuxième place régionale pour le nombre de cinémas (73), derrière le Doubs (83), et de la première pour les théâtres (22), avant la Côte-d’Or (17).
Cadre chronologique
Le cadre retenu court du 18e à la fin du 20e siècle, sans s’interdire de dépasser ces limites si l’intérêt de l’œuvre le justifie et quel que soit son statut (propriété privée ou propriété publique). Le 18e siècle voit se généraliser la construction de salles permanentes dédiées au spectacle, ou à un type particulier de spectacle. De tels équipements pouvaient déjà exister, tels les théâtres privés aménagés dans certains châteaux ou hôtels particuliers. Mais les nouveaux établissements sont des édifices publics, devant manifester la puissance des villes qui les édifient et participant à l’embellissement urbain. L’autre limite chronologique est fixée à 1990 soit une trentaine d’années avant nos jours, laps de temps censé permettre de distinguer au sein du bâti ce qui relève du patrimoine (ce qui « fait » patrimoine). Cette limite englobe ainsi dans l’étude la période correspondant à un renouvellement du modèle des salles de spectacle après la Deuxième Guerre mondiale.
Définition du corpus
Le corpus à prendre en compte est identifié en s’aidant du thésaurus de l’Inventaire (Thésaurus de la désignation des œuvres architecturales et des espaces aménagés. Ed. revue et complétée / Jean Davoigneau, Renaud Benoit-Cattin. - Paris : Ministère de la Culture et de la Communication. 2013. (Documents & méthodes ; 7), qui donne la définition suivante d’une salle de spectacle : « Edifice affecté aux représentations théâtrales, cinématographiques, chorégraphiques, musicales ». Sous cette entrée sont listés huit types de lieux de spectacle :
Amphithéâtre : « Edifice à gradins de plan circulaire ou ovale, destiné aux combats de gladiateurs et d’animaux, aux courses d’animaux, aux chasses, etc. »
Auditorium : « Edifice ou partie d’édifice abritant une salle destinée à accueillir des événements comme des concerts, des représentations théâtrale, des colloques, etc., et comportant souvent une scène et des gradins. »
Cabaret : « Etablissement où l’on présente un spectacle et où la clientèle peut consommer des boissons, dîner, danser. »
Cinéma : « Salle de spectacle où l’on projette des films cinématographiques. »
Cirque : « Dans l’Antiquité, édifice à gradins destiné aux courses de chars. Son plan est rectangulaire, arrondi à une de ses extrémités. A l’époque moderne, édifice à gradins, pérenne ou non, généralement de plan circulaire et ovale, et destiné aux représentations de cirque. »
Opéra : « Edifice destiné aux représentations d’art lyrique ou de ballets. »
Salle de concert : « Salle de spectacle destinée aux concerts et aux récitals de musique. »
Théâtre : « Edifice destiné aux représentations dramatiques. »
Les édifices susceptibles d’entrer dans l’une ou l’autre de ces catégories étant extrêmement nombreux, l’étude se limitera à ceux spécifiquement construits pour être des lieux de spectacles (généralement dans une perspective commerciale) et dotés d’installations permanentes. L’étude pourra toutefois prendre en compte les bâtiments réutilisés lorsque la réutilisation est ancienne ou si l’intérêt architectural ou historique le justifie. Ceux relevant du patrimoine du thermalisme seront étudiés par le chercheur en charge de cette opération (Fabien Dufoulon) et intégrés à la sélection finale.
Ne seront donc pas retenues les salles des fêtes et les salles paroissiales, où ont pu avoir lieu représentations théâtrales ou projections de films : excessivement nombreuses, elles mériteraient une étude à elles seules. De même sont exclus les lieux où le public est acteur du divertissement, comme les centres culturels, établissements de danse, etc., et ceux dont la polyvalence est telle que le spectacle culturel n’est qu’une activité parmi d’autres (palais des congrès par exemple). Certains lieux se trouvent d’emblée écartés tel l’amphithéâtre qui, renvoyant à l’Antiquité, se situe hors des limites chronologiques, et le cirque, dont il n’existe plus de structure bâtie pérenne (à Dijon, l’ancien cirque Tivoli a été détruit en 1935-1936). Il en est de même pour le cabaret (café-concert), dont les exemplaires repérés sont une réinterprétation récente d’un type d’établissement en vogue à la Belle Epoque mais actuellement sans contours bien définis et la plupart du temps hébergé dans un bâtiment dénué de tout intérêt. La prise en compte des lieux ne générant que peu ou pas d’architecture - tels les théâtres de plein air, de jardin ou de verdure - sera envisagée au cas par cas.
Il est important de préciser que les règles fixées pour définir le corpus initial ne sont ni absolues ni impératives. Un site écarté a priori mais manifestant, pour quelque raison que ce soit, un intérêt tel que son étude paraît souhaitable, pourra être inclus dans le corpus. Seront ainsi étudiées les deux maisons de la Culture que compte la région : celle de Nevers (1969) et celle de Chalon-sur-Saône (1971). L’entrée de thésaurus correspondante est centre culturel : « Edifice public regroupant des salles destinées aux activités culturelles : il peut comprendre salle de théâtre, de cinéma, de répétition, d’exposition et des ateliers, une bibliothèque, etc. »
Dans son approche, l’Inventaire sépare l’architecture du mobilier, chacun susceptible de conduire - à la suite d’une étude plus ou moins poussée - à la réalisation d’un ou plusieurs dossiers. La présente opération met l’accent sur l’architecture qui, seule, sera l’objet d’un repérage systématique. Elle inclura aussi certaines des installations techniques commandant les changements de décor ou les adaptations de la scène afin d’en faire ressortir l’importance. Elle ne s’interdit pas de prendre en compte, ponctuellement, tel ou tel élément du mobilier ou du décor jugé exceptionnel, mais il ne saurait y avoir aucun systématisme. En effet, mobilier et décor forment un sujet d’étude à part entière, avec ses propres questionnements, des réseaux d’artistes différents, etc.
B. Enjeux scientifiques
Le service de l’Inventaire a déjà étudié un certain nombre de salles de spectacle. Des dossiers ont été réalisés ponctuellement lors d’inventaires topographiques comme à Lons-le-Saunier (1983), Gray (1987), Beaune (2000), Dijon (2005) - ces derniers dans le cadre d’un « pré-inventaire » (repérage) sur la communauté de communes de l’agglomération de Dijon - et Morez (2009), ou lors d’inventaires thématiques : architecture du 20e siècle (au début des années 2000), patrimoine industriel pour Grandvillars (2000), Charquemont (2014) et Maîche (2015), thermalisme à Pougues-les-Eaux et Saint-Honoré-les-Bains (2019), Luxeuil-les-Bains (2020). Sans oublier ceux rédigés par le service de Bourgogne sur les théâtres, qui a débouché en 1996 sur une petite publication présentant 16 d’entre eux (Hugonnet-Berger, Claudine ; Maulmin, Pascale de ; Sonnet, Bernard. Théâtres en Bourgogne : architectures du spectacle 1800-1940 / Service régional de l'Inventaire général, Direction régionale des Affaires culturelles de Bourgogne ; photogr. Michel Rosso. - Dijon : Direction régionale des Affaires culturelles, 1996. 28 p. : ill. ; 23 cm. (Itinéraires du Patrimoine ; 124). L’étude actuelle sera donc le moyen d’intégrer ces dossiers dans un corpus plus important, sur lequel les observations réalisées gagneront en pertinence. La mise en perspective qui en sera faite permettra aussi, si nécessaire, de les compléter.
L’inventaire des salles de spectacle est également un moyen de rendre compte du dynamisme culturel, présent et passé, des territoires. En effet, construire une salle de spectacle n’est pas anodin : le coût peut être conséquent, notamment dans le cas d’un théâtre du 19e siècle. Créer un tel équipement implique donc un choix assumé de la part du commanditaire (municipalité ou autre). Le ressort de la décision ne réside d’ailleurs pas forcément dans le désir d’éduquer ou divertir les habitants mais parfois plutôt dans la volonté d’affirmer le rang de la ville, de lui garantir un certain rayonnement culturel. Cet aspect ressortira peut-être d’une cartographie des théâtres, croisant à la fois leur localisation et leur date de construction.
Une autre question mérite d’être examinée. Quelle est l’influence des modèles parisiens sur l’architecture locale ? Et réciproquement, quel impact ont pu avoir au niveau national des innovations apparues en région ? D’un côté un modèle évident et reconnu comme tel : le palais Garnier. De l’autre, par exemple, le théâtre de Besançon imaginé par Ledoux. Cette question peut aussi être posée pour le cinéma, dont le programme est bien plus simple et l’architecture plus facilement lisible. Sa façade concentre souvent la majeure partie de l’ornementation mais son décor est-il en résonance avec un édifice local ou un modèle national ? Et dans ce cas, est-ce un modèle lié à un édifice particulier ou à une société de distribution et/ou d’exploitation qui cherche à imprimer sa marque ? Quelle a été la marge de manœuvre laissée à l’architecte pour s’exprimer ? Et, d’ailleurs, le cinéma est-il une œuvre d’architecte ou d’ingénieur ? L’interrogation vaut en fait pour la plupart des salles de spectacle. A quel moment la complexité de la salle nécessite-t-elle le recours à une multiplicité de compétences ? Si au 18e siècle, la conception et la réalisation de la machinerie du théâtre sont confiées à un spécialiste, comme en écho les réalisations de la fin du 20e siècle font appel à des cabinets d’ingénierie, des acousticiens, etc. Ces questions interrogent également la technique et ses relations avec l’architecture. Le théâtre fait appel à un ensemble de machines pour faire apparaître et disparaître les acteurs, changer les décors, modifier des ambiances, etc., tandis que le cinéma n’existe que par son appareil de projection. Leur évolution influe-t-elle sur l’architecture et dans quelle mesure ?
C. Méthode d’étude
La démarche habituelle de l’Inventaire s’appliquera : exploitation des sources et de la bibliographie, enquête sur le terrain et campagne photographique, rédaction des notices et des dossiers, valorisation (publication, etc.).
Un premier tour d’horizon
En stage à l’Inventaire du 16 septembre au 30 octobre 2019, Dorit Barzel a réalisé un premier inventaire des salles de spectacle. Son travail - provisoire et qui a essentiellement porté sur les théâtres et les cinémas - a permis de dénombrer à l’échelle de la région 466 salles (existantes ou disparues) : 325 cinémas, 91 théâtres et 50 salles multifonctionnelles. Le Doubs est le mieux loti (104 salles) devant la Saône-et-Loire (100), la Côte-d’Or (76), la Nièvre (50), le Jura (43), l’Yonne (40), la Haute-Saône (34) et le Territoire de Belfort (19). Dorit Barzel a également repéré les sources et la bibliographie existantes, en interrogeant les bases de données et instruments de recherches accessibles en ligne.
La méthode
Afin de bénéficier de garanties scientifiques et techniques éprouvées, les travaux, dans leurs différents niveaux de réalisation, sont conduits selon les normes nationales de l’Inventaire général du patrimoine culturel et dans le respect de ses prescriptions méthodologiques et techniques. Ils aboutiront ainsi à une documentation normalisée bénéficiant des garanties d’homogénéité, de pérennité et d’accessibilité. Le corpus initial étant important, la méthode d’étude retenue fera appel à la démarche repérage/sélection. La totalité du corpus sera examinée, avec identification, localisation et datation des édifices. Certaines caractéristiques seront également relevées afin d’alimenter une « grille de repérage » utilisée pour définir des typologies ou « familles » d’œuvres. La sélection définitive des édifices à étudier se fera en retenant d’une part ceux jugés typiques d’une famille qu’ils illustreront, d’autre part ceux qui n’entrant dans aucune des familles seront jugés uniques (typicum et unicum). Nous nous conservons cependant la possibilité, si l’enquête établit la pertinence de cette option, d’étudier l’ensemble des théâtres « historiques » qui, chacun, sont des œuvres marquantes à l’échelle de leur ville d’implantation.
Les recherches documentaires
L’un des problèmes à surmonter dans la consultation des sources et de la bibliographie réside en ce que le mot théâtre désigne aussi bien le spectacle que le bâtiment, générant de ce fait beaucoup de bruit. La mention d’un « théâtre » peut donc renvoyer à une période bien antérieure à la construction du bâtiment d’autant que, souvent, ce dernier a été précédé par une salle provisoire et/ou aménagée dans un édifice existant.
En matière de sources, les recherches s’effectuent au sein des services d’archives habituels : archives départementales et archives communales, mais un sondage pourra éventuellement être fait aux Archives nationales ou auprès des services du ministère de la Culture en charge du spectacle vivant.
Archives départementales :
- Ancien Régime : séries C (fonds de l’Intendance) et E (communes et municipalités).
- Après 1790 :
* séries M et Z : lieu de réunion du public, les salles de spectacle ont fait l’objet d’une surveillance de la part du pouvoir et de prescriptions en matière de sécurité, notamment après l’incendie du Bazar de la Charité à Paris, le 4 mai 1897, imputable à un projecteur de cinéma. Les séries M et Z des archives départementales seront donc consultées pour leurs documents relatifs à la police administrative (par ex. aux archives départementales du Doubs : M 4171 Autorisations d’ouverture de salles de cinéma, classées par commune, 1913-1941).
* série O : contrôle des travaux communaux par la préfecture. Fournira des informations sur les bâtiments communaux.
* série T, sous-série 4 T : Affaires culturelles (1800-1940). Renseignements sur les représentations mais aussi quelques enquêtes utiles (par ex. aux archives départementales du Doubs : 4 T 115 Enquêtes sur le nombre et l’état des salles de spectacles, 1834-1905).
* série W : archives publiques postérieures au 10 juillet 1940.
* également séries J (fonds privés), Fi (documents figurés) et R des archives communales déposées.
Archives communales : séries correspondant à celles des archives départementales.
En matière de bibliographie, les ouvrages et articles, de qualité très variable, sont nombreux. Outre ceux signalés par le travail de Mme Barzel, un « Recensement des salles de spectacle et bibliographie de la vie théâtrale en province au XIXe siècle », à jour en juin 2018, a été publié en ligne par Christine Carrère-Saucède sur le site du Centre d’Etudes et de Recherches Editer/Interpréter (CEREdI) : http://ceredi.labos.univ-rouen.fr/main/. Les dossiers du service des Monuments historiques constituent également une source riche et fiable sur l’histoire des édifices protégés de même que - rappelons son existence - la publication de l’Inventaire sur les théâtres bourguignons.
L’enquête de terrain
L’enquête s’organise habituellement en deux phases :
- un premier passage, permettant de repérer sur le terrain les édifices susceptibles de faire partie du corpus initial ;
- un deuxième passage, au cours duquel les sites sont sélectionnés et font l’objet de prises de notes quant à leur architecture et de recueil de témoignage auprès de leur propriétaire, exploitant, etc. Cette phase nécessite ensuite un retour en archives pour alimenter l’historique et éclairer les observations faites in situ.
Le travail de Dorit Barzel permettra à certains moments de simplifier l’enquête en fusionnant les deux phases.
La restitution des résultats
Les résultats de l’opération seront restitués sous la forme habituelle des dossiers de l’Inventaire. Entièrement électroniques, ils seront saisis avec l’outil de création et diffusion de dossiers Gertrude, commun à l’ensemble des Régions. Ils seront accessibles à tous sur le serveur de la Région via un portail spécifiquement dédié au patrimoine (http://patrimoine.bourgognefranchecomte.fr/). Une extraction de ces dossiers alimentera aussi, via la plateforme ouverte du patrimoine (Pop : https://www.pop.culture.gouv.fr/), les bases de données nationales : Mérimée pour l’architecture et Palissy pour les objets mobiliers.
Les dossiers permettront la rédaction d’une synthèse sur l’histoire des salles de spectacle dans la région, leurs caractéristiques architecturales, etc. Cette synthèse donnera lieu à une publication papier, très illustrée, sans préjuger d’éventuelles publications électroniques (Découverte virtuelle ou autre), également accessibles via le portail Patrimoine. La valorisation pourra aussi se faire au moyen de conférences, d’exposition, de présentation lors des Journées européennes du Patrimoine, etc.
La spécificité du domaine étudié, à la charnière entre patrimoine et spectacle vivant, sera certainement propice à la mise sur pied de manifestations en liaison avec ce dernier, sous des formes à définir au gré des coopérations avec les exploitants de théâtre et de cinéma. De même, l’opération pourra alimenter le volet « éducation artistique et culturelle » de la politique régionale, via l’un des neufs dispositifs à destinations des lycéens et des apprentis. Pour sa part, fort de sa diversité, le comité scientifique pourra contribuer à élargir la liste des actions et des publics potentiels.
Calendrier prévisionnel
L’exercice, toujours délicat, d’établir un calendrier prévisionnel juste sur un domaine dont l’exploration reste à faire est encore compliqué par la pandémie qui depuis un an perturbe travail et vie courante. Alors que l’accès aux archives et bibliothèques est réduit, tout comme les déplacements sur le terrain, le calendrier ne peut donc qu’être purement indicatif.
Echéances prévues :
- fin mai 2021 : validation du présent CCST et début de l’étude ;
- mi 2022 : achèvement de l’étude pour les départements composant l’ancienne Bourgogne (Côte-d’Or, Nièvre, Saône-et-Loire, Yonne) ;
- mi 2023 : achèvement de l’étude pour les départements composant l’ancienne Franche-Comté (Doubs, Jura, Haute-Saône et Territoire de Belfort) ;
- fin 2023 : valorisation.
3. Moyens scientifiques et techniques
L’équipe en charge de l’étude associera trois personnes du service : un chercheur (Laurent Poupard), un photographe professionnel (Pierre-Marie Barbe-Richaud puis Jérôme Mongreville) et une dessinatrice-cartographe-infographiste (Aline Thomas).
Année | Equipe |
2021 | 0,8 ETP chercheur + 0,5 ETP photographe + 0,16 (1/6) ETP dessinatrice |
2022 | 0,8 ETP chercheur + 0,5 ETP photographe + 0,16 ETP dessinatrice |
2023 | 0,8 ETP chercheur + temps photographe et dessinatrice variable suivant le type de valorisation envisagé |
L’implication des techniciens se fera en fonction des besoins et du rythme d’avancement de l’opération.
Le repérage sur le terrain donnera lieu à la réalisation par le chercheur de photographies numériques, qui n’ont pas vocation à être conservées. La campagne photographique définitive – également numérique – sera effectuée par le photographe qui assurera aussi le nommage et le traitement des images, dont la sauvegarde sera assurée par le service informatique de la Région. Les plans-masse, plans de situation, etc., seront réalisés par la dessinatrice-cartographe, de même que les autres documents graphiques qui pourraient s’avérer nécessaires (plans relevés ou mis au net par elle, autres). Elle sera aussi en charge des documents graphiques illustrant les dossiers de présentation et les publications.
Les dossiers seront saisis dans Gertrude par le chercheur et illustrés des photographies et plans nécessaires. Ils seront relus par un autre chercheur du service (Guillaume Gézolme). Ils seront ensuite versés par lots sur le portail Patrimoine afin d’être communicables sans attendre la fin de l’opération. Validation et versement seront effectués par l’une des deux gestionnaires de bases de données du service (Catherine Guillemenet et Amandine Lachatre).
4. Suivi et évaluation
Le suivi de l’opération est assuré par le comité scientifique ci-après constitué. Composé de personnalités représentant des spécialités différentes, ce comité a vocation à enrichir la problématique initiale, répondre aux demandes du chercheur et l’éclairer par son expertise reconnue. Il pourra bien entendu aussi être force de proposition pour la valorisation des résultats, en ouvrant vers des publics moins sollicités par l’Inventaire - étudiants par exemple (dont certains pourraient, d’ailleurs, étudier tel ou tel site dans le cadre de leur cursus) -, en proposant de nouveaux partenariats ou l’inscription de cette valorisation dans d’autres cadres que ceux auxquels le service est habitué, en se prononçant sur la pertinence des actions envisagées, etc.
Le comité se réunira (par visio-conférence) trois fois : au lancement de l’étude, à l’expiration de la première année et pour l’achèvement de l’opération. Des réunions intermédiaires pourront si besoin êtres provoquées, regroupant l’ensemble ou une partie seulement de ses membres.
Composition du comité scientifique
Vincent Chambarlhac, maître de conférences en histoire contemporaine à l’Université de Bourgogne, directeur du laboratoire LIR3S : Laboratoire interdisciplinaire de recherche « Sociétés, sensibilité, soin ». Tél. 06 12 85 55 13 - Vincent.Chambarlhac@u-bourgogne.fr
Isabelle Duhau, conservateur du patrimoine à la Mission de l’Inventaire général du patrimoine culturel (Direction générale des patrimoines, Ministère de la culture et de la communication), en charge de la méthodologie, de l’architecture et du patrimoine du 20e siècle. Tél. 01 40 15 75 89 - isabelle.duhau@culture.gouv.fr
Julie Faure, conservatrice du patrimoine au service Patrimoines et Inventaire de la région Ile-de-France, spécialisée sur le patrimoine immatériel et l’architecture du spectacle. Tél. 01 53 85 75 02 - julie.faure@iledefrance.fr
Thomas Flum, professeur d’histoire de l’art médiéval à l’Université de Franche-Comté. Tél. 03 81 66 54 33 - thomas.flum@univ-fcomte.fr
Poupard, Laurent. Chercheur au service Inventaire et Patrimoine de la Région Bourgogne-Franche-Comté, 1987-