Les halles d'Auxonne, entourées de boutiques, sont probablement reconstruites après le grand incendie de 1424. Au 16e siècle, elles servent de dépôt de munitions et de provisions pour les troupes royales. En 1673, Colbert souhaite établir un arsenal dans les places fortes situées aux frontières du royaume. Dès 1674, le bâtiment des halles est réquisitionné par Faultrier, secrétaire général de l’Artillerie de France et commandant dans ladite Comté et sur la Saône, et il est transformé et adapté à la construction d'affûts. Le marquis de la Frézelière, lieutenant-général de l'artillerie, en a la charge.
L'arsenal : une commande royale
En 1687, le site devenu trop petit, le marquis de Louvois, secrétaire d’État à la guerre, confie à Vauban la construction d'un nouvel arsenal, toujours destiné à la confection d'affûts pour équiper les canons. La provenance de ces derniers n'est pas connue : une fonderie existe à Besançon à cette époque mais l'établissement arrête sa production en 1684 ; les canons auraient pu transiter via la Saône depuis Lyon ou via des granges de l'Arsenal à Paris. Pour réaliser cet édifice, le roi achète plusieurs parcelles contenant des maisons qui seront démolies ainsi que l'hôtel de la Croix (au 2 bis rue Carnot) afin d'y installer le directeur de l'artillerie, et une maison pour y placer un corps de garde (à l'angle des actuelles rues Carnot et du Capitaine Landolphe). L'ingénieur élabore un premier projet qui consiste à conserver les halles, transformées en hangar (ou magasin) militaire, bâtir un grand bâtiment parallèle à l'actuelle rue Vauban et établir des forges dans d'anciennes écuries voûtées, ainsi que deux petites forges dans des bâtiments attenants. Vauban dessine ce premier projet en 1687 et le décrit dans une lettre rédigée depuis son château de Bazoche (Nièvre) : "cet arsenal sera très bien disposé et presqu'isolé par les rues de Saône (N), du Sabat (R S) et par les jardins (K:h:K), la ruette (Q) et ne touchera qu'au bâtiment dont il sera séparé par un grand pignon (KK) fort élevé et le hangard par un bout à la suite de (G) dont il sera aussi séparé par son pignon, et du jardin de l’arsenal par un petit mur fait exprès (20)". L'ingénieur poursuit la description :"il sera d'ailleurs très bien situé pour la réception des bois et des fers qui viendront par eau et qui n'auront qu'un pas à faire pour estre mener du port dans l’arsenal. Très bien dégagé par toutes ses portes et fort comode [sic] pour les ouvriers, sa grande cour et capable de recevoir quantité de bois et charrois. Les forges isolées et justement sur le chemin qu'il faudra que les roues et affuts fassent pour aller du chantier de leur fabrique dans l’arsenal ou magasin (A) qui est l'endroit qui parait le plus propre à les mettre en réserve après qu'ils seront ferrer". Vauban conclut sa lettre en expliquant que cet arsenal est très bien localisé : "Pour conclusion il me parait que ce lieu est parfaitement bien choisy, que l’arsenal y sera très comode et en capacité suffisante pour pouvoir employer environ 200 ouvriers [...] il est encore très bien situé à l'égard de la ville qui est un lieu caché où l'on ne s'avisera jamais de deviner qu'on fasse là des équipages d'artillerie pour la Catalogne, l'Italie, l'Allemagne et la Franche-Comté [...] Pour conclure je ne crois pas qu'il y ait lieu dans le royaume mieux trouvé que celui-là pour l'usage auquel vous l'avez destiné". Vauban, aidé par le marquis de la Frézelière, modifie en 1688 le projet initial, déplaçant les forges dans le bâtiment parallèle à l'actuelle rue Ledeuil et agrandissant le hangar (les halles actuelles) en lui ajoutant une travée. Il opte finalement en 1689 pour un projet intermédiaire moins onéreux, en conservant deux travées pour le hangar, ouvert sur deux cours fermées par des portails symétriques, une grande halle et les grandes forges voutées avec 16 feux. L'ensemble donne sur une vaste cour centrale fermée par un troisième portail, rue de Saône (rue Vauban), identique aux deux autres. Le bâtiment des grandes forges disposait d'une voûte qui reposait sur d’importants piliers. Le chantier semble être achevé vers 1690. L'établissement, toujours dirigé par le marquis de la Frezelière, s’attelle à la fabrication d'un matériel robuste et de qualité destiné aux champs de bataille de l'est du royaume et d'Italie. 200 ouvriers oeuvrent sur le site où cohabitent plusieurs corps de métiers : forgerons, serruriers, charrons et charpentiers. Surirey de Saint-Rémy, commissaire provincial de l'Artillerie en 1692, auteur des Mémoires d'artillerie (1697), cite en exemple l'arsenal.
Le 18e siècle : agrandissement de l'arsenal et confirmation de son rôle
Vers 1762, deux nouveaux bâtiments sont édifiés : un premier perpendiculaire aux grandes halles, pour y installer un atelier de menuiserie, et un second pour les petites forges, implantées dans les jardins de l'hôtel de la Croix. La production de l'arsenal est telle au cours de cette seconde moitié du 18e siècle qu'il est nécessaire vers 1764 de construire un grand magasin doté d'une cour intérieure (bâti par l’entrepreneur Caristie) à proximité de la petite Saône, entre les bastions de France et du Béchaux, pour y stocker le matériel en vue de son embarquement. La même année, l'installation d'un nouveau corps de garde est également projetée entre les portes d’entrée de l’arsenal. Celui en place était alors transformé en fourneau. Ce projet est probablement ajourné. Enfin, vers 1781, un autre hangar est implanté le long de la courtine entre le bastion du Béchaux et celui Royal pour y déposer les affûts. Le 23 pluviose an VI (11 janvier 1798), le Directoire promulgue un arrêté supprimant l'arsenal d'Auxonne en condamnation du manque d’autorité du directeur en place. Une grande partie des ouvriers est envoyée à Rennes. L'administration communale exprime son mécontentement en adressant plusieurs mémoires au pouvoir en place. Napoléon, alors Premier Consul, rétablit l’arsenal et son école d'artillerie le 19 nivôse An VIII (9 janvier 1800).
Fermeture de l'établissement et acquisition par les pouvoirs publics
La fermeture définitive de l'arsenal intervient en 1830. Une ordonnance royale en date du 31 janvier transfère l'établissement et son activité à Besançon pour être au plus proche de la frontière du royaume. L’arsenal bisontin étant en construction, l'établissement fonctionne jusqu’en 1846, produisant toujours des affûts. L'armée reste propriétaire des lieux mais elle prête les halles à la ville à partir de 1851 puis lui vend en 1902. Les autres bâtiments servent ensuite d'annexes et de magasins à l'Artillerie jusqu’en 1952, lorsque le site est cédé en totalité à la municipalité. Son inscription au titre des Monuments historique en 1968 le sauve d'une démolition programmée. Les anciennes halles sont restaurées et accueillent le marché. Dans le cadre du projet de rénovation du lycée Prieur de la Côte-d'Or, l'ancien arsenal retrouve une seconde vie en 1993 avec l'installation du réfectoire, de cuisines et du Centre d'Information et de documentation (dans l'ancienne halle parallèle à la rue Vauban). En 2003, c'est au tour des anciennes forges d'être restaurées pour accueillir des salles de cours du lycée. Actuellement, la municipalité mène un projet de restauration et de réaffectation des anciennes petites forges.
Guillaume Gézolme, chercheur. Région Franche-Comté puis Bourgogne-Franche-Comté, Service Inventaire et Patrimoine, 2014-