La cité au Moyen-Âge
Auxonne bénéfice d'une position stratégique, située sur la rive gauche de la Saône et placée sur la voie terrestre reliant Dijon à Dole, respectivement capitale du duché et du comté de Bourgogne. Un comte portant le nom de la cité gouverne ce territoire, rattaché au duché de Bourgogne en 1237. Alors défendue par de simples palissades en bois sur une levée de terre et par des fossés inondés par les marécages et un système de vannes, la cité semble être en plein essor à partir de la seconde moitié du 13e siècle : reconstruction de son église, aménagement d'un pont sur la Saône, implantation d'une communauté de marchands juifs. Enfin la présence à cette époque d'un château, bâti sur l'initiative du Comte Étienne II au 12e siècle, témoigne déjà de l'importance de la localité. Le roi Jean le Bon intègre en 1361 la ville à son royaume, profitant d'un alleu, constituant ainsi une enclave royale en terre bourguignonne. Auxonne revient en 1363 sous domination des ducs de Bourgogne. Philippe le Hardi se sert de la cité comme camp de base pour les opérations menées à l'encontre des Comtois. La ville renforce et améliore son système défensif. Une double enceinte cohabite : une lice et une braie qui correspond à l'enceinte basse. 24 tours sont également présentes sur cette ligne fortifiée.
L'intégration au royaume de France
La mort de Charles le Téméraire en 1477 fait basculer le duché de Bourgogne dans le royaume de Louis XI. En 1479, les habitants d'Auxonne prêtent serment de fidélité au roi après leur capitulation acceptée par Charles d'Amboise. Son règne se caractérise par un accroissement du domaine royal : Maine, Anjou et Bourgogne. Cependant, Marie de Bourgogne, fille du duc défunt, revendique l’héritage de son père et entre en conflit avec la France pour conserver les duché et comté de Bourgogne. La population auxonnaise se rallie à cette cause. En représailles, Louis XI assiège la cité qui capitule le 4 juin 1479. Le roi entreprend immédiatement la construction d'une citadelle pour assoir son pouvoir, Auxonne et sa communauté lui étant particulièrement hostiles. En 1493, le traité de Senlis partage la Bourgogne en deux entités, le duché revenant au roi de France et le comté à l'empire de Maximilien d'Autriche, marié à Marie de Bourgogne en août 1477. Cet épisode renforce le statut d'Auxonne en tant que place forte royale et ville frontière ; elle devient le point de passage pour envahir le comté et inversement. De Louis XI à François 1er, le royaume s'évertue à améliorer ses fortifications. Le nouveau château voulu par Louis XI s'appuie en partie sur l'enceinte basse au sud de la cité. Cette puissante forteresse a pour but de parer les attaques de l'Empire. Le roi achète également des terrains pour établir des fortifications, comme l'atteste un registre des comptes de Jean Saumaire, commis aux paiements des ouvrages du château d'Auxonne en 1495-1496. Louis XII visite la place en mai 1501, accompagné d'Anne de Bretagne, et poursuit cet effort dont le principal témoin encore visible est la Porte de Comté, tandis que de grosses tours (comme celle du Cygne) sont bâties sous François 1er pour se prémunir des velléités offensives de Charles le Quint. Le duché et le comté cohabitent en vertu de traités de neutralité signés au 16e siècle (1522, 1549, 1562), malgré des tentatives d'invasion comme en 1595 celle de Henri IV mais qui se retire en 1598 sous la menace des États suisses. Cette incursion, malgré la neutralité comtoise, manifeste la convoitise incessante de la royauté française sur la province comtoise, et préfigure une guerre contre l'empire des Habsbourg. Un de ces traité est signé à Auxonne en 1612, qui a pour but de fixer avec des bornes les limites de "la France du côté de la Franche-comté".
La construction des fortifications "modernes"
Le 17e siècle et le règne de Louis XIV constituent l'époque où la ville se dote de fortifications modernes, dites bastionnées. Auxonne, de par sa position stratégique, doit avoir une double fonction : défensive car elle détient un passage "clé" vers le royaume et offensive pour être capable de soutenir une armée en campagne.
Une première phase intervient pendant la guerre de 10 ans (1634-1644) lorsque Louis XIII renforce les remparts de la ville : construction d'un ravelin au château côté campagne, aménagement en 1636 des premiers bastions du Gouverneur et de Notre-Dame ainsi que de trois demi-lunes sur le front nord et d'un ouvrage à cornes sur le front en arrière du château. Plusieurs cartes attestent que ces constructions ont bien lieu. Vers 1636, Pierre Conty d'Argencourt, lieutenant-général et ingénieur du roi, visite la place d'Auxonne, et donne des consignes pour améliorer les ouvrages de défense. Un plan de 1638 indique avec précision l'avancée des travaux et les édifices projetés. L'enceinte médiévale est encore en place (remparts et tours), sur laquelle s'appuie les bastions et demi-lunes réalisés. Hormis le bastion de la porte de Comté, qui est maçonné, les autres ouvrages sont conçus et élevés en terre. Les fossés sont également présents et inondés. Les ouvrages projetés semblent ajournés et reportés probablement à la suite au traité signé en 1644 par Mazarin, qui met fin aux hostilités entre les deux camps. Moyennant 40 000 écus, le comté regagne sa neutralité.
Après la première conquête de la province par Louis XIV en 1668 débute une période où la royauté engage à Auxonne une politique de grands travaux pour fortifier la cité à la hauteur de ses ambitions, à savoir conquérir définitivement ce qui deviendra la Franche-Comté. Le positionnement d'Auxonne à la frontière du royaume lui confère un rôle stratégique. A la demande de Colbert, le chevalier de Clerville, commissaire général des fortifications, est chargé de proposer des améliorations. Il rédige, en 1670, un projet étayé d'un plan, qui a pour objectif de renforcer le front nord en le dotant de trois nouveaux bastions. Louis XIV adopte cette proposition. Colbert dans, une lettre adressée à Claude Bouchu, intendant de Bourgogne, en octobre 1670 explique que le roi "a résolu de faire réparer et fortifier le plus tôt possible la place d'Auxonne, suivant le mémoire du chevalier de Clerville que sa majesté a examiné avec M. le Prince". Le projet ne sera finalement pas réalisé : Louvois, secrétaire d'État à guerre, hostile à de Clerville, réussit à placer Vauban pour moderniser les fortifications d'Auxonne. Dès 1672, l'ingénieur Dieulamant est sur ordre de Colbert, sur place pour préparer les futurs travaux.
Mais en 1673, Vauban est accaparé par la guerre contre les provinces hollandaises. Colbert souhaite absolument que le système défensif soit réalisé au plus vite. En accord avec le roi, il confie en janvier 1673 le chantier à François de la Motte-Villebret, comte d'Aspremont. Ingénieur militaire et des fortifications, ce dernier jouit d'une expérience et d'un talent reconnus par la couronne. En 1668, il œuvre à la citadelle d'Arras (en suivant les plans établis par Vauban) et lorsqu’il débute le chantier des travaux d'Auxonne, il coordonne et supervise l'avancée des fortifications de la ville de Langres et de la citadelle de Châlon-sur-Saône. Il arrive à Auxonne le 24 janvier 1673 accompagné par l'intendant de Bourgogne, Claude Bouchu. Son projet s'inspire du mémoire du chevalier de Clerville mais s'adapte davantage à la réalité du terrain. En mars 1673, les travaux débutent, transformant la ville en un énorme chantier dont les entrepreneurs Anglart et Bernard ont la charge. Aspremont fait démolir une partie de l'enceinte médiévale mais conserve les tours des Cygnes et du Béchaux, autour desquelles il élève des bastions. Au sud-ouest, il fait bâtir un demi-bastion. La tour Belvoir, transformée en magasin, et la porte de Comté sont conservées. Aux deux bastions déjà présents (Notre-Dame et du Gouverneur), il en ajoute cinq nouveaux, transforme celui de la porte de Comté et dessine un bastion "plat" au niveau du pont sur la Saône. Aspremont dote ainsi la cité de fronts bastionnés, en renforçant tout particulièrement le front nord avec un système tenaillé ; il dessine également une nouvelle porte d'entrée de ville (future porte Royale). Ce front, contrairement à celui au sud qui s'appuie sur l'enceinte médiévale, agrandit considérablement le corps de place. La construction des ouvrages nécessite un volume de pierres conséquent : une partie est du remploi et une autre est acheminée depuis une carrière située à Mantoche, en Haute-Saône.
Colbert suit de près l'évolution de la place forte. Dès février 1673, il ordonne que la ville soit prête à se défendre, et, dans une lettre du 30 novembre, il redit toute l'importance d'Auxonne en que tant place forte frontalière. Le chantier, par son ampleur, fait augmenter le coût des travaux et oblige Colbert en août 1673 à transférer à Bouchu 50 000 livres supplémentaires. En 1674, l’invasion de la Franche-Comté par Louis XIV nécessite que les travaux avancent plus rapidement afin qu'Auxonne puisse être prête en cas de siège (des troupes impériales). Le comte d'Aspremont participe aux opérations militaires, notamment à Salins, ce qui ne l’empêche pas de suivre à distance le chantier et les tâches à réaliser aux fortifications de la ville. Néanmoins, Colbert informe le roi en septembre 1674 que l'activité est ralentie à Auxonne, seuls le demi-bastion en arrière du château et le bastion du Béchaux sont élevés, alors que le roi comptait qu'une grande partie des ouvrages prévus dans le projet d'Aspremont soient réalisés en cas de représailles de l'Empire suite à l'annexion du comté. Le décès de Bernard, un des entrepreneurs, est l'une des raisons de ce retard. Les conditions sont difficiles, les ouvriers travaillent dans la boue (le terrain est marécageux) pour poser les fondations des futurs bastions, entraînant de nombreux morts. Aussi, Colbert donne consigne à d'Aspremont de se rendre sur place pour relancer le chantier et finir les fortifications prévues et "employer le temps de l'hiver que l'on ne pourra travailler, pour faire un grand amas de matériaux, et recommencer le travail dès le mois de février". A cette occasion, le ministre rappelle à l'ingénieur que cette place est prioritaire, malgré les autres chantiers en cours et sa charge de gouverneur de Salins. En 1675, l'intendant Bouchu avertit Colbert que les travaux sont perturbés par un manque de main-d’œuvre. Ce dernier lui rappelle qu'il est de son ressort et de celui du gouverneur de parer à ce problème sachant que le roi attend que cette place soit achevée au plus vite par crainte d'une attaque venant d'Allemagne. L’entrepreneur Anglart poursuit les travaux mais ceux-ci prennent énormément du retard. Colbert recommande au Comte de les hâter, et s'impatiente du manque de communication de celui-ci, le roi souhaitant être informé régulièrement de la situation des fortifications de la ville. Au cours de l'année 1676, d'Aspremont est mandé par le roi pour travailler à la place forte de Toulon, ce qui l'éloigne du chantier d'Auxonne dont il a toujours la tâche. A l'été 1677, l'ingénieur est envoyé en Catalogne contre qui le royaume est en guerre depuis 1675, confiant les travaux aux ingénieurs ordinaires Duplessis Dieulamant et Hugot. Néanmoins les fortifications auxonnaises sortent de terre progressivement : l'élévation des ouvrages avancent plus rapidement que leurs fondations et La nouvelle porte au nord de la cité commence à être bâtie sous l'égide D'anglart.
La mort de François de la Motte-villebret en juin 1678 laisse la cité d'Auxonne dans un état inachevé. Un plan daté de août 1677 permet de constater la situation des travaux engagés. La place n'est pas en état de tenir un siège. Cependant, la signature du traité de Nimègues entre la France et l’Espagne amène une période de paix, le Comté devenant définitivement français. Mais Louis XIV ne perd pas l'objectif de fortifier la cité auxonnaise. Son choix se porte sur Vauban pour achever les ouvrages commencés par d'Aspremont. Celui-ci arrive le 23 janvier 1679 à Auxonne. Après avoir consulté le projet de son prédécesseur et inspecté le chantier, il constate qu'un seul bastion est achevé (celui du Cygne), les autres sont en cours de réalisation, tout comme les demi-lunes entamées mais non terminées. L’ingénieur rédige un mémoire le mois suivant "Instruction des ouvrages plus nécessaires à la fortification d'Auxonne, tant pour achever le projet de feu Monsieur d'Aspremont que pour l'amplifier et le corriger" avec un devis de 1 134 890 livres. Il dessine les ouvrages à faire par édifice, il dresse un état des travaux à effectuer lesquels consistent principalement à réaliser les revêtements, former les parapets, "aplanir" les bastions pour accueillir des batteries en "barbe", créer les courtines nécessaires entre les bastions, nettoyer les fossés entourant la nouvelle enceinte qu’il projette de réaliser. Il n’épargne pas le comte d'Aspremont, le critiquant ouvertement, en rectifiant des ouvrages en cours comme la "demy tenaille", ne mettant à son crédit que le bastion du Cygne qu’il estime "achevé et fort bien fait". Le mémoire réalisé en février par le marquis propose également d’améliorer les ouvrages avec la construction d'un ouvrage à cornes au front nord, devant la porte Royale ainsi qu'un second sur la rive droite de la Saône, protégeant le pont. De plus, il envisage de construire des "petits logements[...]avec des parapets à l’épreuve du canon" au Pré du Gouverneur. Enfin, il conserve les fossés à la gorge des bastions du Moineau et du Gouverneur ainsi que l'ancien rempart médiéval présent derrière eux. Outre ses préconisations pour les fortifications, Vauban dresse les améliorations à faire au pont sur la Saône, à la conduite des eaux, et souligne la nécessité de construire des magasins, corps de garde et casernes. En un temps record, il établit un état des lieux et relance les travaux, supervisés par l'ingénieur ordinaire Duplessis Dieulamant. Passant par Auxonne en mars, Louvois se félicite des avancées notables aux fortifications de la ville en quelques semaines. L'enceinte fortifiée est probablement achevée vers 1680. Vauban revient en 1681 inspecter la fin des travaux. Le projet élaboré en février 1679 est partiellement réalisé. Mais Auxonne a perdu sa position stratégique depuis la conquête de la Franche-Comté et Louis XIV concentre désormais son ambition sur cette nouvelle province, en la fortifiant dès 1674 ,à Salins-les-Bains puis Besançon, qui en devient la capitale après le transfert du parlement et le démantèlement des fortifications de Dole.
La construction de l'arsenal en 1690 permet à la cité auxonnaise de conserver un rôle logistique dans la défense du royaume. Ceci ne freine pas la volonté du marquis de Vauban de parfaire la défense de la localité. Il dessine en 1699 avec Robert, directeur des fortifications de la ville, un "Plan d'Auxonne avec une augmentation d'ouvrages proposés". Ce projet consiste à renforcer les fronts nord et sud et "la teste du pont" sur la rive droite de la rivière en aménageant des ouvrages à cornes entre les bastions du Moineau et Notre-Dame, ceux du Cygne et Royal, et un dernier en avant du pont, tout en les complétant de demi-lunes et de réduits. Ce plan témoigne de toute la maîtrise et l'art de la défense de l’ingénieur. Mais Louis XIV ne retient pas la proposition de son Commissaire général des fortifications.
Le 18e siècle : un relatif déclin militaire
La ville connaît un relatif déclassement à la suite de l'intégration définitive de la Franche-Comté au sein du royaume mais conserve un rôle militaire.
Peu à peu, sa vocation militaire de la ville évolue et elle devient un dépôt d'artillerie. La place forte, en raison de son arsenal et de son école militaire d'artillerie créée en 1757, accueille une garnison d'artillerie, forte de 1 200 hommes qu'il est impératif de loger. Dès 1679, le marquis de Vauban préconisait la construction de grandes casernes pour les soldats, réparties dans plusieurs lieux. Ce projet ne fut pas validé par le ministère et seule la caserne du château est l'œuvre de l'ingénieur en 1688. A partir de 1759, des casernes sont érigées en arrière du bastion du Gouverneur : trois grands bâtiments sont construits par l’entrepreneur Caristie et achevés 1763. Ils comprennent un corps central à trois étages pour les soldats et deux ailes réservées aux officiers. Les casernes ont accueilli ensuite une école d’artillerie et des bataillons du corps de l’Artillerie et du Génie (c'est au sein de cet établissement que le jeune Napoléon Bonaparte, alors jeune lieutenant, fera ses classes entre 1789 et 1791). Vers 1764, un polygone est aménagé dans un terrain à proximité des casernes, sa réalisation étant de nouveau confié à Caristie. L'arsenal est agrandi avec la construction de deux bâtiments : "les petites forges" et un atelier pour les menuisiers. L'établissement est fortement sollicité pour approvisionner les places fortes frontalières et pour stocker le matériel, conférant à Auxonne un rôle logistique important.
Au cours du 18e siècle, de légères améliorations sont apportées en plus des réparations et entretiens nécessaires. La porte Royale est rénovée (façade et fronton) et on lui y ajoute un pavillon à l'étage.
A la Révolution, la ville est rétrogradée en place forte de 3ème classe par la loi de du 10 juillet 1791. Ce déclassement permet de conserver l'existant des fortifications, sans autre entretien que les bâtiments utilisés pour le service militaire. Le commandant de la place rédige un mémoire en 1793 sur l'état de la cité. Ce document pointe que malgré le manque d’entretien, Auxonne a un dispositif défensif encore cohérent : l’enceinte est en bonne état, les bastions et autres ouvrages sont revêtus de briques ou de pierres, de larges fossés et le système d'inondation mis en place par Vauban sont en usage. Il met en avant que le point faible se situe à la porte du Jura. Il énumère également les réparations à apporter : les parapets, la tenaille entre les bastions du Béchaux et de la Côte-d'Or. La République souhaite disposer d'une place forte capable de défendre l'arsenal en cas d'attaque. En 1796, un projet de transfert de l'école d'artillerie amène les autorités municipales à rédiger des mémoires auprès du gouvernement pour conserver cet établissement, jugé indispensable notamment avec la présence de l'arsenal. L'administration communale déclare que cette perte serait préjudiciable pour la ville, tant sur le plan économique que militaire. Le gouvernement consulaire, nouvellement arrivé au pouvoir, décide de maintenir l'école à Auxonne et l'arsenal, qu'un temps le Directoire avait pensé transférer à Rennes.
Le 19e siècle : un renforcement des fortifications
En janvier 1814, sur ordre de l'empereur, le général Victoire Antoine Andréossy, est chargé de "mettre la place en état de défense". En février, les Autrichiens sont aux portes de la ville mais le terrain marécageux empêche toute approche, uniquement des bombardements. L'abdication de Napoléon Bonaparte le 6 avril à Fontainebleau permet à la cité d'être libre. Le 1er juin, Andréossy, alors maréchal de camp et inspecteur des fortifications, écrit un "Mémoire sur la place d'Auxonne considérée dans tous ses établisements et divers rapports", accompagné d'un plan. Son document a pour dessein de remilitariser Auxonne et propose la construction de nouveaux ouvrages de fortification. Ce projet prévoit de réaménager le château pour le transformer en un gros bastion, reconstruire sa demi-lune, restaurer des courtines et relier les bastions du Moineau et du Gouverneur au mur d'enceinte. Enfin, il préconise de bâtir deux ouvrages à cornes au bastion du Cygne et sur la rive droite (accès au pont), qui sont désignés comme les points faibles de la place. Ce projet est abandonné, car en 1815 Napoléon entreprend son retour et la ville ne tarde pas à se rallier à lui, n'ayant pas oublié que Bonaparte y avait fait ses classes à l'école d'artillerie. Ce retour est bref : la défaite de Waterloo le 18 juin face aux armée des Alliés entraîne une nouvelle et définitive abdication de l'empereur le 22 juin 1815. Les troupes autrichiennes encerclent Auxonne qui résiste, ne capitulant que le 28 août après un bombardement en règle.
La chute de l'Empire réinstaure la royauté incarnée par Louis XVIII. Consciente que la paix est fragile, la monarchie souhaite qu'Auxonne conserve un rôle militaire et que ses fortifications, datant de la fin du 17e siècle, soient réparées. C'est dans ce contexte que la ville se voit équipée de nouvelles courtines pour remplacer les vieux remparts entre la porte de secours du château et le bastion du Moineau, et ceux situés entre les bastions du Gouverneur et du Cygne. D’autres restaurations sont nécessaires après les dégâts de 1815 pour remettre la place en état. La Direction du Génie étudie l’aménagement d'une lunette et d'une porte à la culée du pont sur la rive droite. En 1825, la construction de la future courtine casematée derrière le château entraîne la destruction du ravelin. A partir de 1826, les fortifications d'Auxonne vivent leurs ultimes évolutions : l'enceinte est fermée, 150 ans après les travaux de Vauban. Ses renforcements n'ont pas vocation à faire évoluer le rôle militaire de la cité, considérée comme une place de dépôt même si en cas de guerre, son utilité serait grande comme l'explique un mémoire de 1828 émanant du Génie. L'arsenal et son approvisionnement facilité par les bois environnants, des fers de qualités provenant de forges à proximité et "usines de Beze, à 7 lieues d'Auxonne [qui]lui livrent des aciers d'une qualité supérieure...." et la Saône pour convoyer les produits fabriqués, donnent à l'établissement une importance stratégique.
Toujours à cette époque, plusieurs projets du Génie visent à améliorer le front le long de la Saône entre l'ancien bastion plat et le château. La forteresse a déjà fait l'objet d'un projet par Andréossy, qui reste sans suite. Il est aussi proposé en 1824 de raser l’ensemble des bâtiments de la cour et de construire des écuries et hangars pour l'Artillerie. Avec la courtine casematée bâtie en 1826, le Génie supprime la porte de secours ainsi que la tour du Chesne et fait combler le fossé entre le rempart du château et la courtine. Il bastionne la tour de Beauregard vers 1834 et supprime le redan de la porte principale.
Une ordonnance royale en date du 31 janvier 1830 transfère l'arsenal et son activité à Besançon. La fermeture définitive de l'établissement interviendra qu'en 1845, le temps de bâtir l'arsenal bisontin. En 1837, la Direction du Génie autorise la Ville à construire à ses frais des écuries et une caserne pour loger une garnison de cavalerie qui seront situées en face de celles déjà existantes. La nouvelle caserne, achevée vers 1850 (quartier Marey-Monge), se compose d'un corps principal (parallèle à la nouvelle caserne d'infanterie récemment construite) et de deux ailes symétriques se faisant face. Ce casernement deviendra le quartier Napoléon.
Le Génie souhaite améliorer les défenses de la place au front sud, considéré comme trop démuni. Une demi-lune est projetée en 1839 entre les bastions Khel et du Moineau. Elle s'intercalerait entre la courtine et une redoute (portant le numéro 32), et serait dotée d'un réduit intérieur. Une lunette serait probablement installée sur l'île du château. Ces projets prennent du retard, si bien qu’en 1846, une autre demi-lune est envisagée entre les bastions du Comté et du Kehl. Ces trois ouvrages figurent sur un plan de 1849 portant sur les "ouvrages projetés". Vers 1860, les demi-lunes sont finalement converties en lunettes. Le projet de celle à l’île du château, bien que validé et confirmé par le Comité de direction du Génie (travaux de terrassement engagés), nécessite aucune circulation autour du futur ouvrage. Le Service de la Navigation en charge de l’aménagement de la dérivation de la Saône demande toutefois qu'un passage soit laissé pour le halage. Ce contretemps impose au service du Génie en 1859 de redessiner des plans avec un chemin de halage, qui incorpore également le pont pour la ligne de chemin de fer. Un compromis est trouvé entre les deux administrations et les travaux de terrassement reprennent en 1862. Les deux autres lunettes sont finalement élevées, en terre, avec des traverses en maçonneries et des caponnières les reliant au corps de place.
Lors de l'invasion prussienne de 1870, Auxonne est encerclée par 15 000 soldats allemands. Les Prussiens souhaitent avoir accès à la ligne de chemin de fer Dole-Dijon, ce que permettent les traités de paix signés en février, évitant le bombardement de la ville. Cet épisode est l'ultime rôle militaire de la cité.
Le 20e siècle : entre renouveau urbain et patrimonialisation
La ville perd par décret son statut de place forte en 1896. La même année, le 31 juillet, la Chambre des députés et le Sénat approuvent le projet de démantèlement des fortifications de la cité. Dès 1905, les bastions Notre-Dame et Comté sont détruits pour désenclaver et ouvrir la ville sur son versant est, entraînant la création d'un nouveau quartier (Quartier Neuf) et de faubourgs maraîchers. Le rempart parallèle à la Saône entre les bastions du Béchaux et de France est démoli et des immeubles sont édifiés, à l'instar de ceux situés au dessus de la courtine près de la route de Labergement.
Ces destructions amènent une prise de conscience et des protections au titre des Monuments historiques permettent la conservation du château en 1926, de la Porte Royale en 1939 ou encore de l'ancien arsenal en 1968. L’intérêt patrimonial est clairement mis en avant et des projets de reconversion de ces édifices émergent (installation du réfectoire du lycée Prieur de la Côte-d'Or à l'ancien arsenal par exemple). Aujourd'hui, le tissu urbain garde une empreinte forte de ce passé militaire et des fortifications, sans oublier que la cité demeure une ville de garnison avec la présence depuis 1956 du 511e régiment du Train, installé dans les grandes casernes bâties aux 18e et 19e siècles dans cet espace que l'on nomme le quartier Bonaparte depuis 1931.
Guillaume Gézolme, chercheur. Région Franche-Comté puis Bourgogne-Franche-Comté, Service Inventaire et Patrimoine, 2014-