Création du parc (1761-1775)

Le projet d'aménagement des abords des bains est fixé par l'ingénieur Jean Querret. Deux allées, de part et d'autre de l'établissement thermal, relient la route de Luxeuil à Saint-Loup (au sud) à la chaussée de l'étang des Bénédictins (au nord) : l'allée des Messieurs (à l'est) et l'allée des Dames (à l'ouest). Il est également prévu de créer au nord deux courtes avenues supplémentaires formant une patte d'oie avec la chaussée de l'étang des Bénédictins. Le bâtiment nord dit du Grand Bain est précédé d'une "allée des bains" encadrée par deux contre-allées. L'allée centrale se termine par une rampe descendante, les contre-allées par des escaliers, qui permettent d'arriver au niveau du fossé entourant le bâtiment. Le bâtiment sud dit du Bain des Dames et du Bain des Bénédictins aurait dû lui aussi être précédé d'une rampe, finalement abandonnée en raison de la trop importante déclivité du terrain au profit d'un escalier. Au sud de la route de Luxeuil à Saint-Loup, l'allée des bains se prolonge par une promenade plantée (mail). Elle est créée à cette époque, mais sacrifiée au 19e siècle pour construire le Salon Monnier. La salle de verdure ("salle d'Hercule") prévue au bout du mail semble en revanche ne jamais avoir vu le jour.

Dans ses "Observations au sujet des nouveaux bâtiments, canaux et promenades des bains de Luxeuil" du 1er décembre 1761, Querret demande que les terres déblayées lors des fouilles et travaux de construction des fondations des nouveaux bains soient déposées dans le parc et utilisées pour renforcer la chaussée de l'étang (C 161). Dans une délibération du 13 mai 1764, la Ville interdit le pâturage du bétail sur les terrains autour des bains car elle vient de faire des plantations d'arbres sur les terrasses qui forment des promenades (311 E dépôt 7 et 311 E dépôt 114). En 1768, des "allées des bains" sont mentionnées dans deux lettres adressées à Jean-Baptiste Pigeot et Gertrude Porte (311 E dépôt 114). En 1771, ces allées apparaissent sur le plan des abords de l'établissement thermal dans le Livre de l'arpentement général du territoire de la ville de Luxeuil (E 893). Fabert (1773) témoigne également de cette première campagne de travaux : "[Les fontaines d'eaux minérales] sont entourées d'un tapis de verdure, où l'on aborde par de très belles allées qui se continuent jusque dans l'enceinte des bâtiments qui renferment les eaux". En 1775, la Ville fait enfin exécuter des travaux pour répondre au souhait de l'intendant. Celui-ci "désiroit qu'on fit sabler les allées autour des bains dans la largeur de six pieds de chaque côté à prendre depuis les arbres en laissant le gazon dans le surplus au milieu desdites allées, qu'on y mit quelques bancs en plateaux de chesne posés sur pierres". La Ville demande en retour que le coût des travaux soit couvert par l'octroi.

La Ville complète ces premiers aménagements par une interdiction de bâtir aux abords du parc en 1780. Dans sa délibération du 6 août, elle arrête "qu'on ne pourroit construire aucun édifice aux environs des bains que dans les emplacements qui ne pourroient être occupés par les nouvelles promenades ou par d'autres embellissements projetés pour l'utilité ou l'agrément des bains de cette ville" (311 E dépôt 12 et 311 E dépôt 114). Le texte indique également que de nouvelles promenades sont projetées jusqu'au bois dit des Châtaigniers.

État du parc avant le Second Empire

Le parc appartient à la Ville de Luxeuil jusqu'à la cession de l'établissement thermal à l’État en 1853.

Clôture

La comparaison entre les derniers plans de l'Ancien Régime (1771) et celui du cadastre ancien dit napoléonien (1827) montre que l'intégrité du parc a été préservée au cours de la période. Des allées secondaires ont seulement été ajoutées au réseau des grandes allées. Aliès (1831) évoquent d'ailleurs ces "sentiers tortueux". La question de la clôture du parc est d'actualité dans les années 1810-1820, puis dans les années 1850 (311 E dépôt 355). Dans une délibération du 2 août 1816, il est question d'installer des barrières pour fermer aux voitures et au bétail l'accès aux allées du parc "afin d'éviter tout accident envers les personnes qui fréquentent les eaux". La grille le long de l'actuelle rue des Thermes est installée en 1820, d'après un "devis instructif et estimatif de la clairevoïe en fer à établir sur le mur qui est devant les bains de la Ville de Luxeuil pour être en harmonie avec la grande grille du milieu et les petites portes également en fer placées aux extrémités dudit mur" de l'architecte Alexis Vaucheret du 17 mars 1820. Ce devis laisse entendre que la partie centrale de ladite grille est plus ancienne. Le parc n'est toujours pas entièrement clôturé au milieu du 19e siècle. À la suite d'un acte de vandalisme, des travaux sont effectués en 1852. Un "mur le long des bains" est construit par l'entrepreneur Constant Vuillaumey (soumission du 6 juillet 1852). Les travaux sont sans doute terminés à la fin de l'année, puisque la Ville autorise un particulier à poser une grille sur une partie du mur, dont on suppose qu'il sépare le parc d'un jardin privé (délibération du 22 septembre 1852).

Plantations

Aliès évoque les plantations du parc dans son ouvrage de 1831, et plus encore dans celui de 1850 : "Dans les divers compartiments qui divisent le jardin sont cultivées les plantes indigènes et exotiques les plus agréables ; les haies qui les bordent sont terminées par des arbustes, auxquels la main d'un jardinier intelligent a su donner les formes les plus pittoresques : ici, la charmille se façonne en vase ; là, le genévrier s'arrondit en dôme, se contourne en spirale ou s'élance en pyramide : massifs de verdure, berceaux de feuillage, corbeilles de fleurs, partout vous rencontrez ce que la nature a de plus riant, l'art de plus gracieux." Une gravure publiée dans l'ouvrage illustre ce goût pour l'art topiaire du jardinier. Ce jardin doit paraître démodé dans les années 1850. On conserve une lettre du botaniste Frédéric Kirschleger du 22 septembre 1859, c'est-à-dire juste avant la transformation du parc : "Le parc ancien est sous la direction d’un jardinier presque aussi ancien que lui et qui y fait de l’archéologie horticole. C’étaient des lilas taillés en œuf, en gland ou en boule ; des Genévriers de Virginie en spirale très régulière, des érables simulant des orangers avec leur caisse, je me croyais transporté dans ces magnifiques jardins du seizième siècle à Strasbourg dans la Berherrengass." (Modanese 2000).

Aménagement du parc dans la seconde moitié du 19e siècle

D'importants aménagements sont réalisés dans les années 1850-1860.

Abattage des arbres (1852)

La Ville, encore propriétaire de l'établissement thermal et de son parc, fait appel à l'horticulteur Auguste-Napoléon Baumann de Bollwiller, qui rend un avis dans une lettre du 20 mai 1851. Cet avis est retranscrit dans la délibération du 15 novembre 1852 (311 E dépôt 355) : "Il y a réellement beaucoup à faire là, et après mûre réflexion, je suis convaincu que pour faire quelque chose de bien, il ne faut laisser subsister que l'allée des Platanes entourant l'établissement". En conséquence, la Ville vote l'abattage d'arbres et décide de faire semer de la pelouse. Billout (1857) et Chapelain (1857) précisent que l'abattage est motivé par des considérations hygiéniques : rendre le sol moins humide, et faire entrer l'air et le soleil dans le parc. D'après Chapelain, les arbres abattus sont ceux qui étaient "les plus rapprochés de l'établissement" et "ceux de l'allée du fond du jardin" qui empêchaient d'ouvrir le parc sur le paysage au nord. Delacroix (1867) confirme que les "deux magnifiques avenues de platanes séculaires" correspondant à l'allée des Messieurs et l'allée des Dames du 18e siècle ont quant à elles été conservées.

Création d'un parc à l'anglaise (1859-1867)

L'établissement thermal et son parc sont acquis par l’État en 1853. L’État fait également appel à Baumann, qui séjourne à Luxeuil en 1853 et en 1856, date à laquelle il établit le plan d'ensemble d'un nouveau parc (non retrouvé). Le Pré-Martin (2 hectares et 22 ares) est acquis en 1857. Il correspond aux terrains de l'étang asséché vendus par les Bénédictins à Sébastien Martin en 1786. Dès septembre 1857, l'architecte Félix-Hercule Grandmougin dresse un état des travaux à faire comprenant la destruction de la chaussée de l'étang qui doit permettre d'agrandir le parc vers le nord. En juillet 1859, un crédit de 20 000 francs est ouvert par le Ministère de l'Agriculture, du Commerce et des Travaux publics. En août 1859, Grandmougin envoie des plans et des devis au préfet, et lui confirme que le projet correspond bien au dessin de Baumann "à l'exception de la partie du jardin actuel, en avant des bâtiments, dont Sa Majesté l'Empereur a ordonné, le 7 juillet 1857, la conservation formelle sans modification aucune". L'exécution des travaux est confiée à Benjamain Renaud, entrepreneur à Lure (soumission du 29 août 1859). En février 1860, un devis supplémentaire d'un montant de 5000 francs comprenant notamment des roches pour la cascade, des berceaux à plantes et un kiosque octogone pour l'île, est adressé par Grandmougin au préfet qui le refuse.

Les travaux d'aménagement du parc ont dû se poursuivre jusqu'en 1867. On connaît le nom du jardinier Maîtrejean (1862) qui est remplacé à sa mort par Noley (1865). Grandmougin (1866) évoque le principal agrément du parc dans l'ouvrage qu'il consacre à l'établissement thermal (1866) : sa "petite rivière alimentée par des sources qui sortent des bancs de grès" d'une longueur de 500 mètres, qui "se divise vers le milieu de son parcours et forme une île à laquelle on arrive par deux ponts rustiques". Le livre contient également un plan du parc, qui correspond peut-être davantage à un projet (celui d'août 1859) qu'à ce qui a effectivement été construit. Le chalet du régisseur, dont on sait qu'il a été construit en 1864, n'est pas représenté. L'éclairage au gaz est installé pour les promenades des soirs d'été : les comptes de l'établissement thermal indiquent l'installation de 56 candélabres en fonte, pour un montant de 15 500 francs, en 1863. D'autres travaux concernent les ponts de la rivière, l'estrade à musique et les urinoirs. Un accident survenu en janvier 1899 atteste l'existence d'une glacière dans la partie sud-ouest du parc, formant une petite butte près du Bain des Fleurs.

Aménagement du parc dans la première moitié du 20e siècle

Dans les années 1910-1920, des chutes d'arbres ou de branches posent la question de l'abattage des platanes "plus que centenaires". En 1927, l'administration des eaux et forêts émet un avis défavorable, en soulignant que les allées constituent le principal agrément du parc. Les deux allées de "platanes séculaires" sont encore mentionnées dans le guide de Pierra (1923) qui évoque également la présence de "deux hêtres au feuillage pourpre" précédant l'esplanade bordée de parterres à la française. D'après les matrices cadastrales, des terrains de tennis sont créés en 1919. La construction d'un transformateur électrique est autorisée à l'extrémité sud de l'allée est, sur l'actuelle rue des Thermes.

Le parc thermal est largement remodelé par l'architecte Paul Giroud de Belfort en 1939 (311 E dépôt 333). Ces travaux répondent à la modernisation de l'établissement thermal lancée par la Ville de Luxeuil en 1937. De cette époque date notamment la création de nouveaux terrains de tennis et de la roseraie. Au milieu de celle-ci, la Maternité de Georges-Louis Guérard est installée tardivement. Le parc intègre enfin des vestiges des anciens bâtiments thermaux détruits pendant la modernisation de l'établissement : Bains des Bénédictins, Bains ferrugineux et Bain des Fleurs.