En 1901, l’industriel Émile Baumann, originaire d’Horgen (Suisse), reprend une petite usine de meubles implantée au nord-est du village, en bordure du canal du Rhône au Rhin et de la voie ferrée Besançon-Strasbourg. Occupé en 1838 par une tuilerie, le site avait ensuite été converti en saboterie et en fabrique de meubles, exploité par les associés Vermot et Flotta, puis repris en 1890 par Vermot, auquel succède Eugène Verny en 1895 (« fabricant de meubles »), puis Charles Guth en 1900. La société Émile Baumann commence à exploiter un brevet de chaise transformable pour enfants. Elle utilise principalement les bois de feuillus du Doubs et de Haute-Saône (bouleau, hêtre). En 1903, Walter succède à son père à la tête de l’entreprise, et diversifie sa production (modèle de voiture pliante pour enfant). La matrice cadastrale signale diverses constructions entre 1905 et 1908 (séchoir, local du moteur à pétrole, fabrique de chaises, hangar et chantier, atelier) ainsi que la démolition de la saboterie. Bien que le bois courbé ait été utilisé dès le début de l’exploitation, il faut attendre la fin de la décennie pour qu’il soit introduit massivement dans les fabrications, en utilisant les procédés du pliage du bois après étuvage, et du bois déroulé et du contreplaqué. Outre la production de chaises, fauteuils, porte-manteaux, guéridons, rocking-chair, etc., la société se spécialise dans les meubles pour enfants et articles de puéricultures (chaises hautes, balancelles, parcs, trotteurs). Les ateliers de production sont successivement agrandis en 1909, 1910 et 1912. L’un d’eux est dédié aux différentes opérations : déroulage des « plaques », découpage, séchage, encollage et pressage. L’usine se dote d’une machine à vapeur et d’une conciergerie en 1909, de garages en 1910, d’un « atelier de débitage et de pyrogravure » et d’un hangar en 1911, de séchoirs à bois en 1912 et 1915, et d’un hangar à essence en 1913. Le mobilier en bois courbé connaît un grand succès : le nombre d’ouvriers - une dizaine à l’origine - passe de 168 en 1910 à 286 en 1913. Une petite usine annexe est établie en 1909 dans un ancien moulin de la commune voisine de Lougres. Occupant jusqu’à 80 ouvriers, elle produira du mobilier pour enfants et des meubles transformables, jusqu’à sa disparition dans un incendie en novembre 1921. L’usine Baumann travaille pour l’armée pendant la Première Guerre mondiale (mobilier, piquets de tente, fourgons), à l’issue de laquelle elle entreprend de nouvelles extensions. Les ateliers sont agrandis entre 1918 et 1920 (fabrication, séchage, finissage, expédition et emballage) et pourvus d’espaces de stockage (magasins et chantiers). Un atelier de vernissage est implanté vers 1926. A cette date, l’appareil de production recense 55 machines à travailler le bois et l’usine emploie environ 400 personnes. Une scierie et un atelier de débitage sont annexés à l’usine en 1929. Détruits par un incendie en 1931, ils seront reconstruits au sud du site. Durant la décennie 1920, la société Baumann ouvre des bureaux de vente en France et à l’étranger, et développe sa clientèle dans la restauration, l’hôtellerie et l’administration. L’entreprise est transformée en société anonyme en 1931. L’établissement connait de nouvelles extensions au début de la décennie 1930 : magasin, atelier de montage, hangars, bâtiment d’expédition. La société est transformée en SARL en 1947, avant d’être convertie en société anonyme en 1959. Dans les années 1950, l’usine connaît un nouvel essor grâce à la technique du « contreplaqué moulé », pour laquelle un atelier de fabrication est inauguré en 1957. En 1959 sont mises en place de nouvelles installations : déroulage des bois, trempage et manutention des grumes, entrepôts pour le séchage du bois. Les extensions de la décennie 1950 gagnent l’est du site, de l’autre côté de la route menant à Etouvans. Un immeuble ouvrier est bâti route de Saint-Maurice en 1957 (7-9 rue du Stade). Au début des années 1960, la production annuelle atteint 500 000 pièces, dont 300 000 sièges d'ameublement, 180 000 chaises pour les collectivités et 120 000 articles de puériculture. L’usine couvre 30 000 m² de bâtiments industriels, et 10 000 m² de hangars de stockage. Elle traite alors 10 000 m3 de hêtre et 2500 m3 de bouleau par an. Malgré d’importants progrès dans la mécanisation, elle emploie encore près de 500 personnes en 1963. Cette année-là est implantée une chaufferie centrale au centre de l’usine pour la production de vapeur. En 1969, ce sont 3500 m² de nouveaux ateliers qui voient le jour (expédition, stockage des matières premières et des produits finis), ce qui porte l’emprise de l’usine à 7 hectares, dont 4 bâtis. Près de 1000 machines en tous genres nécessitent une puissance totale de 1500 ch. A cette époque, la moitié du chiffre d’affaires concerne le siège d’ameublement (séjour, salle à manger, chambre), contre 30% pour le mobilier pour collectivités et l’hôtellerie, et 20% pour les meubles d’enfants. Divers ateliers (vernissage, montage, usinage et fabrication du contreplaqué) et magasins de stockage du bois sont construits au début des années 1970. Après être monté jusqu’à 646 personnes en 1973 (pour une production de presque 700 000 sièges), l’effectif ouvrier descend à 450 employés dans les années 1980, avec la moitié de main-d’œuvre féminine. Près de 250 types de chaises et de tables sont référencés au catalogue. En 1991, la famille Baumann cède l’entreprise à la société financière EDI (Européenne de Développement Industriel), qui réduit fortement la main-d’œuvre, avant de revendre l’affaire en 1993 à la société Sokoa. L’usine emploie encore 155 salariés en 1997. Après un dépôt de bilan en 2000, elle est reprise par la société Arfa, sous l’appellation Compagnie des Sièges, avec 35 employés. L’usine a fermé définitivement ses portes en décembre 2003. Les bâtiments, acquis par la suite par la commune, ont été rasés vers 2008, à l’exception d’un atelier construit au tout début du 20e siècle.