Les fouilles archéologiques et les nombreux travaux historiques menés sur cet ouvrage permettent de connaître son histoire antique et médiévale. En effet, si l'existence d'un pont avec piles en pierre et tablier en bois est attestée dès le 3è siècle, on sait aujourd'hui qu'il a été précédé par deux autres ponts en bois (dont la construction primitive pourrait remonter au 1er siècle avant J.-C. Cet ouvrage était situé au départ de la voie romaine reliant Chalon-Besançon-Mayence).
D'un point de vue historique, la première mention du pont de Chalon remonte à 1215 où il est associé aux moulins à nefs. Le pont avec piles de pierre du 3è siècle a été utilisé jusqu'au début du 15è siècle. A l'époque, son usage a dû être limité au passage des piétons car il était en mauvais état. Un bac avait été instauré pour permettre le passage des voitures au niveau du pont. L'édification du nouveau pont en pierre a donc débuté en 1422 et, grâce à une inscription en latin sur l'une de ses piles, on sait qu'il était achevé en 1508. Les archives indiquent que Guillaume de Saint-Marc était le maître des travaux. Ce nouveau pont aurait été en grande partie construit sur les fondations antiques. Il était probablement doté de six piles, l'existence de cinq est aujourd'hui connue. Cet ouvrage supportait d'autres édifices : guérites, chapelle, calvaire. Thomas Dumorey rappelle en 1779 que le pont en pierre est à la charge de la commune. Il décrit également la fonction de "patron de ponts" à laquelle les mariniers font appel pour passer le pont de Chalon et éviter ainsi les moulins attachés aux piles.
Débarrassé de ces constructions à la fin du 18e siècle, le pont fait l'objet de nouveaux travaux dirigés par l'ingénieur Gauthey, visant à élargir ses arches. L'ouvrage conserve ses assises médiévales : les quatre piles subsistantes après les travaux d'aménagement des quais seront réutilisées. Le pont est achevé en 1789. Un soin particulier est porté au décor sculpté : les faces amont et aval reçoivent un décor différent, les piles sont prolongées par des pyramides qui confèrent à l'ensemble toute sa monumentalité et un travail sur la polychromie est réalisé (calcaire blanc et rouge).
Le tableau des ponts de la Saône dressé par l'ingénieur Variot en 1900 (3 S 44) confirme une construction en 1423, une restauration en 1631 et un élargissement par Gauthey en 1785. Le pont Saint-Laurent ainsi élargi restera en place jusqu'aux explosions de la Seconde Guerre mondiale (septembre 1944). Variot le décrit en maçonnerie, à 5 arches, dont une (rive droite) en arc surbaissé et 4 autres en plein cintre (dont l'arche marinière).
Le pont Saint-Laurent était protégé au titre des Monuments historiques depuis 1926. Dans ce contexte, une réflexion sur une reconstruction à l'identique a été envisagée mais n'était pas réalisable. La protection a donc été supprimée en 1949 permettant ainsi d'envisager un nouvel ouvrage pourvu d'obélisques, qui rendent hommage au travail de Gauthey.
Chargée de recherche au service Inventaire et Patrimoine - Région Bourgogne-Franche-Comté