Patrimoine en Bourgogne-Franche-Comté
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Lumière sur

L'eau thermale des sources de Luxeuil résulte de l'infiltration de l'eau de pluie dans le massif des Vosges. Tout au long de son parcours souterrain, cette eau se charge en minéraux et subit d'importantes températures. L'eau remonte ensuite à la surface le long d'un banc de grès qui affleure dans la dépression qui constitue le cœur de l'actuel quartier thermal. Le site se caractérise par une grande variété de sources. Celles utilisées du 17e au 19e siècle peuvent être classées en trois grands groupes. Les sources hyper-thermales ont une température supérieure à 40°C. Leurs eaux sont salines et faiblement minéralisées. Elles sont par excellence les eaux utilisées dans l'établissement thermal aux 17e et 18e siècles. La source Labienus, exploitée ponctuellement et tardivement, appartient également à ce premier groupe. Les sources méso-thermales (source du Puits Romain et source du Temple) ont une température comprise entre 20°C et 30°C. Leurs eaux sont ferro-manganésiennes (riches en oxyde de fer et en oxyde de manganèse). Elles s'imposent comme une spécificité de Luxeuil au milieu du 19e siècle, d'autant plus que les eaux ferrugineuses sont habituellement froides. Enfin, la source du Pré-Martin est une source oligo-métallique froide. Elle vient compléter toutes les autres sources dans le troisième quart du 19e siècle. Depuis 1990, l'eau utilisée dans l'établissement thermal est issue de deux forages : la source Pierrat à 58°C et la source Soleil à 48°C. Leurs eaux sont comparables (chlorurées, sodiques, bicarbonatées, sulfatées et oligo-métalliques). Elles sont mélangées et utilisées après avoir été refroidies à 34°C. L'utilisation d'échangeurs à plaques permet de récupérer les calories et de chauffer l'établissement. Le débit autorisé pour chacune des deux sources est de 25 m3 par heure.

Thermes à l'époque gallo-romaine

Les thermes antiques de Luxeuil (Luxovium) n'ont laissé aucune trace dans les textes contemporains, mais ils sont évoqués dans un passage de la Vie de Colomban rédigée par Jonas de Bobbio au 7e siècle : ubi etiam thermae sive aquae calidae eximio opere extructae habebantur multae illic statuae lapidae erant ("Il y avait là des eaux chaudes, entourées de beaux bâtiments ; il y avait aussi, dans la forêt voisine, quantité de statues de pierre"). Les historiens comme Calmet (1748) et Caylus (1759) ont souvent cité ce passage. Aucun autre texte évoquant les bains de Luxeuil n'est antérieur à la fin du 15e siècle.

Les travaux engagés au 18e siècle sur le site entraînent la mise au jour de vestiges archéologiques, qui font prendre conscience de l'existence de vastes thermes antiques. En 1755, "les restes de deux grandes salles voûtées en tuf, pavées en albâtre et en mosaïques" sont découvertes, l'une à l'ouest des bains, l'autre au nord, d'après Chapelain (1857). Par ailleurs, à environ 14 toises au nord du Bain des Capucins, les fouilles mettent au jour l'inscription de Labienus en 1755 et des vestiges en 1759. Plus tard, Fabert (1773) est le témoin de la découverte de plusieurs bassins ("En 1763, lorsqu'on escavoit les terres pour la construction du grand bâtiment des bains actuels de Luxeuil, on découvrit deux grands bassins ; depuis, on en a trouvé un troisième dans l'emplacement du bain des femmes"). Au 19e siècle, le dégagement du Puits Romain (1851) et du canal souterrain de la source du Temple (1857-1858) confirme l'aménagement du site à l'époque gallo-romaine. Certains objets retrouvés indiquent même une occupation antérieure à la conquête romaine. Près de la source du Pré-Martin, une centaine de statuettes en bois de chêne sont trouvées en 1865. Huit d'entre elles sont conservées au musée de Luxeuil. Une neuvième statuette a été donnée au Musée des Beaux-Arts et d'Archéologie de Besançon (Inv. 866.2.1) par Émile Delacroix, qui précise dans un article (1867) qu'une monnaie d'Auguste a été retrouvée dans le même niveau. À partir de cette découverte, l'auteur imagine ce qu'aurait pu être le site à l'époque celtique ("De l'eau chaude émergée des entrailles de la terre, des bassins fumants sous un dôme de chênes, d'aulnes et de foyards si vigoureux dans la contrée : il n'en fallait pas plus, assurément, pour attirer l'attention des habitants primitifs, leur inspirer des sentiments de vénération et de terreur religieuse").

Pour Calmet (1748), la présence des sources chaudes serait la seconde raison du peuplement du Luxeuil au Moyen Âge ("ce lieu se peupla non seulement par le grand nombre de religieux [...] mais aussi des séculiers ou laïques attirés par le service du monastère, ou pour s'édifier par l'exemple des religieux, ou pour profiter des eaux chaudes et de la commodité des bains"). En l'état actuel des connaissances sur cette période, il est difficile de savoir si les thermes antiques ont continué à être fréquentés au Moyen Âge ou si, au contrainte, il existe une solution de continuité entre les thermes antiques et les bains de la fin du Moyen Âge.

Travaux effectués par la Ville de la fin du 15e siècle au milieu du 18e siècle

La première mention de travaux faits aux bâtiments des bains se trouve dans un traité entre la Ville de Luxeuil, Edmond Pissan et Alexandre Grillon, bourgeois et maçons, daté du 9 février 1492 a.s. [1493]. Il y est question de réparer et rehausser les murs du Bain des Dames jusqu'au toit et de "mettre des tables aux sièges dudit baing" ce qui signifie peut-être couvrir les bords du bassin (original en 311 E dépôt 117, copie en 311 E dépôt 112). On peut en déduire qu'il existe déjà à cette époque plusieurs bains, puisque l'un d'entre eux est nommé spécifiquement.

Les bains réapparaissent régulièrement dans les délibérations de la Ville à partir de 1601. Le 8 avril 1601, la Ville décide d'établir une taxe de huit deniers sur le salignon pour la réparation des bains, mais elle recule et renonce dès le 20 mai suivant ("Quant aux bains, l'on y mettra des étançons pour les relever sans y faire d'autres réparations"). Le 2 avril 1625, elle doit encore trouver de l'argent pour la "réfection des bains". La résolution de rebâtir ces derniers est prise le 30 novembre 1634, mais elle est sans suite en raison de la Guerre de Dix ans (1634-1644). Dès lors, la Ville se contente de faire des réparations aux bâtiments existants. Le 20 janvier 1649, elle commande ainsi des réparations à la toiture du Grand Bain (311 E dépôt 112).

Au sortir de la guerre, la Ville ne dispose pas des moyens suffisants pour lancer de grands travaux. En 1654 et 1662, elle s'adresse aux États pour obtenir une aide. Selon elle, les bains sont tombés "dans une si grande ruine qu'il est impossible de les réparer entièrement" (311 E dépôt 112). Le 17 novembre 1662, la Noblesse et le Clergé sont prêts à accorder une aide de 600 francs, mais le Tiers déclare la requête non recevable. En 1670, la Ville fait refaire la couverture du Grand Bain et du Bain des Dames. Les travaux sont commencés par Nicolas Didelot. Après la mort de ce dernier, un marché pour l'achèvement des travaux est passé avec Anthoine Henri le 30 octobre 1672 (311 E dépôt 112). D'autres travaux sont attestés à la toiture du Grand Bain en 1686 et 1736 (311 E dépôt 112 et 311 E dépôt 114). Le 9 août 1676, il est encore question de "raccommoder les bains" (311 E dépôt 112). Le 28 août 1676, la Ville décide de faire édifier un bâtiment de communication entre le Petit et le Grand Bain (311 E dépôt 112). Le 20 juin 1700, elle décide la construction d'une "petite chambre" qui doit servir de vestiaire entre le Petit et le Grand Bain, à la demande des médecins Vinot et Pigeot (311 E dépôt 112).

Pendant tout le 17e siècle, les travaux sont donc limités. Les réparations semblent surtout concerner les parties en bois des bâtiments. En l'absence de voûtes, les plafonds et les charpentes ont dû souffrir de l'humidité. L'ancien établissement thermal, tel qu'il se présente jusqu'à sa reconstruction au 18e siècle, doit donc être encore très largement celui du Moyen Âge et de la Renaissance. C'est le constat que fait Morand (1756) juste avant sa reconstruction : "Il n'y a pas sujet de s'étonner après cela de l'état où l'on voit aujourd'hui ces bains, et de ce qu'ils se ressentent de leur ancienneté. Ils sont dégradés et dépéris dans toutes leurs parties, au point de n'être guère susceptibles d'être remis en état, sans qu'il en coûte des sommes immenses, et peut-être infructueusement. On ne sait pas trop ce qui a pu faire négliger ces bains dans les derniers temps, jusqu'à les laisser entièrement en proie à la succession des temps".

État de l'établissement thermal avant sa reconstruction au 18e siècle

Calmet donne un plan des bains qu'il décrit dans son Traité historique (1748). Lui-même s'appuie sur les mémoires du "médecin moderne" de Luxeuil, qui doit être Jurain, intendant des eaux jusqu'en 1749. Il distingue cinq bains. Trois sont contigus : le Grand Bain, le Petit Bain dit aussi Bain des Pauvres et le Bain des Capucins. Deux sont isolés plus au sud : le Bain des Bénédictins et le Bain des Dames. Chacun des bains dispose d'une chambre particulière, à l'exception du Bain des Dames. Le plan indique que les chambres ont des lits, sauf celle située entre le Petit et le Grand Bain qui sert de vestiaire (voir supra). Le bain est principalement une pratique collective jusqu'à la fin du 18e siècle, ce qui explique l'absence de cabinets individuels avec baignoire. Les informations données par Calmet peuvent être complétées par celles d'un manuscrit de Jurain (1716) édité par Roux (1914) qui est parfois plus précis, ainsi que par le traité de Morand (1756) qui donne les températures des eaux en utilisant le thermomètre de Réaumur. Par ailleurs, Jean Le Michaud d'Arçon, ingénieur géographe du roi, reçoit l'ordre de l'intendant de lever le plan des bâtiments anciens le 28 février 1760. Il est payé par la Ville pour son travail le 28 mars 1760. Ce plan est conservé (311 E dépôt 114) et constitue le document le plus précis sur le site avant sa transformation dans les décennies suivantes. Les anciens bains, en particulier, y sont représentés plus précisément que sur le plan publié dans le Traité historique (1748) de Calmet.

Les élévations des bâtiments sont en revanche beaucoup plus difficiles à connaître. La question du couvrement et de la couverture des différents bains se posent en particulier, et ce d'autant plus que l'usage du bain extérieur est largement répandu à cette époque, comme à Bourbon-Lancy. Dans ses observations faites en juin et août 1746 sur les eaux chaudes minérales, discours lu lors de la séance de l'Académie de Besançon du 4 septembre 1752, Jean-François Charpentier de Cossigny, directeur des fortifications en Franche-Comté, donne une information sur la toiture du Grand Bain de Luxeuil : "Il pleuvoit au milieu du bassin par une assez grande ouverture pratiquée exprès au haut du toit pour laisser échapper les vapeurs" (cité par Delacroix, 1867). On retrouve le même type d'ouverture au Grand Bain de Plombières, d'après deux coupes que Calmet publie également dans son Traité historique (1748).

Grand Bain

Le Grand Bain est la propriété de la Ville. Calmet (1748) le décrit ainsi : "[Il] est un quarré long de vingt pieds de longueur sur douze de largeur. Il se remplit par deux sources de qualité, nature et chaleur différentes, qui sortent l'une à la tête du bain, et l'autre dans le côté, à niveau du pavé du bassin. Cette dernière est à la pointe, et sort de dessous un roc qu'on a taillé pour asseoir le baigneur dans le bassin. Cette source est à la superficie du sol du bassin. Ces deux sources, quoique si différentes en nature et en qualité, ne sont distantes à leur sortie que de huit pieds." D'après Morand (1756), ces sources sont les plus chaudes (35°Ré soit 48°C) avec celle du Petit Bain. Calmet mentionne également à proximité deux autres sources minérales froides (appelées "eaux vives martiales" par Jurain) qui sont prises en boisson. La première (température : 17°Ré soit 21°C) est une "source ferrugineuse et vitriolique" et se situe à l'intérieur du bâtiment, dans l'angle nord-ouest. La seconde (température : 18°Ré soit 22°C) est une "source d'eau savonneuse" et se trouve à l'extérieur, "enfermée dans un bassin couvert de pierres qui est long de quatre pieds sur trois de large, et [de] quatre pieds de profondeur" devant la porte du bâtiment. Cette source est réputée "adoucir la saumure du sang et de la limphe" et devient célèbre comme traitement contre la dysenterie lors de l'épidémie qui touche Luxeuil en 1719.

Petit Bain

Le Petit Bain, qui porte aussi le nom de Bain des Pauvres puis celui de Bain des Cuvettes, est également la propriété de la Ville. Calmet (1748) le décrit ainsi : "[Il] est celui dont on use communément en boissons et en lavements, aussi bien qu'en bains : la source en est fort abondante, et fournit l'eau par deux robinets, qui tombent chacun dans un bassin, placé à chaque côté du pilier ou de la colonne, et qui se remplissent chacun dans une demi heure. Chacun de ces deux bassins est fait d'une seule pierre creusée, de sept pieds de long, sur quatre et demi de largeur, et environ trois pieds de profondeur. La source de ce Petit Bain est distante de celle du Grand Bain de quarante pieds, et vient d'une espèce de puits de dix pouces de diamètre, et de plus de 60 pieds de profondeur, comme on l'a éprouvé en y plongeant des perches de cette longueur. Ce puits est composé de pierres et de briques cimentées en mastic, ou en ciment à l'antique."

Bain des Capucins

La source située immédiatement à l'est du Petit Bain est concédée aux Capucins, qui se sont installés à Luxeuil en 1619. Leur couvent se situe à l'extrémité du faubourg du Chêne, au sud de la ville. On peut s'interroger sur la prédisposition des Capucins à s'occuper des bains, puisqu'ils disposent d'un couvent à proximité de la source Saint-Léger à Pougues-les-Eaux aux 17e et 18e siècles. Par ailleurs, il existe également un Bain des Capucins à Plombières. Calmet (1748) décrit ainsi le Bain des Capucins de Luxeuil : "[Il] n'a été fait qu'en 1686, joignant le bâtiment du Petit Bain, et sa source est éloignée de celui-ci d'environ trente pieds. L'eau de ce bain, dans sa première construction, étoit du même degré de chaleur que celle du Bain des Pauvres ; mais on s'est avisé témérairement d'y fouiller, et de rompre le premier canal, dans l'espérance de trouver une source plus abondante et plus chaude, et on a perdu la première, et on en a diminué tellement la chaleur par le mélange des eaux étrangères que ce bain est demeuré comme inutile, n'étant nullement propre qu'à se laver." Jurain (1716) indique que les sources sont rassemblées "depuis quelques années" ce qui permet de situer les travaux vers 1710. Morand indique que leur température n'est que de 27°Ré soit 38°C.

Bain des Bénédictins

L'un des deux bains situés plus au sud appartient aux Bénédictins, dont l'abbaye est au cœur de la ville. Calmet (1748) décrit ainsi le Bain des Bénédictins : "Le Bain des PP. Bénédictins est séparé des autres bains par un bâtiment isolé, situé dans un pré qui leur appartient. Il est distant du Grand Bain d'environ trente pas. L'eau qui remplit le bassin de ce bain y coule par un canal de pierre situé au milieu du bassin, qui est octogone. Cette eau n'est que tiède à cause du mélange des eaux étrangères, et ne peut servir que pour s'y laver, ou pour être prise en lavement ; mais on pourroit la rendre beaucoup plus chaude et plus utile, en creusant dans la terre et y cherchant une meilleur source." Jurain (1716) estime que le débit de la source a été diminué de plus du tiers à cause de "quelques personnes malicieuses [...] qui ont levé le dôme et y ont jeté des tuiles et pierres". Toujours selon lui, la tiédeur de l'eau permet de préparer le corps avant la prise des eaux plus chaudes. L'indication permet donc d'imaginer ce qui pourrait constituer une "série" de bains : on passerait du Bain des Bénédictins, dont la température est de 29°Ré soit 36°C, au Bain des Dames, au Grand Bain ou au Petit Bain, plus chauds.

Bain des Dames

Le "Bain des Femmes" est le premier bain attesté sur le site à la fin du 15e siècle (voir supra). S'il est alors réservé aux femmes, ce n'est plus le cas au 18e siècle, et un "Mémoire sur le projet économique des nouveaux bâtiments à ajouter aux bains de Luxeüil" (C 162) indique qu'il est "le seul bain qui convienne au peuple et aux soldats". Calmet (1748) décrit ainsi le Bain des Dames : "Le Bain des Dames est situé dans un bâtiment en forme de pavillon quarré, distant de celui des Bénédictins de la longueur de douze pas. Le bassin de ce bain est octogone de douze pieds de diamètre, qui se remplit en trois robinets qui coulent d'une colomne de pierre placée au milieu de ce bassin. On se baigne dans ce bain pour les maladies de la peau, comme galles, dartres, gratelles et ausquelles il est spécifique. On s'en sert aussi de même que de celui des Pauvres, en lavemens". D'après Morand (1756), la température de l'eau s'élève à 32°Ré soit 40°C.

Étapes préalables à la reconstruction des bains au 18e siècle

Avant de lancer dans la reconstruction des bains, la Ville doit régler deux problèmes.

Assèchement de l’étang des Bénédictins (1754-1755)

L'abbaye de Luxeuil est propriétaire d'un étang au nord du site. La date de construction de la digue ("chaussée de l'étang") qui barre le vallon d'est en ouest n'est pas connue. Cet étang, source de revenus pour les Bénédictins, est l'objet de conflits avec la Ville (311 E dépôt 114). Une première crise intervient en 1682. Dès le mois d'avril, la Ville s'adresse à l'intendant pour protester contre les deux vidanges de l'étang qui ont lieu depuis le début de l'année. Delacroix (1867) indique que la digue est fragilisée à la suite du tremblement de terre du 12 mai 1682, dont l'épicentre se situe près de Remiremont. Les Bénédictins prennent la décision de vider brusquement l'étang au mois d'août, en pleine nuit, ce qui noie les bains. L'opération se répète au moins à trois reprises (en 1694, 1700 et 1717) entraînant à chaque fois des protestations de la Ville. En 1725, la Ville envoie une requête à ce sujet à l'intendant Charles de La Neuville, qui l'assure de son soutien, mais aucune mesure n'est prise. En 1738, l'assèchement de l'étang est envisagé par les Bénédictins qui précisent toutefois que les terrains leur reviendront et qu'ils ne seront pas tenus de participer à l'entretien ou la destruction de la chaussée de l'étang (ce qui indique que son sort n'est pas encore réglé à cette date) et à la reconstruction des bains et des canaux.

L'intendant Pierre-Étienne Bourgeois de Boyne prend finalement une décision en 1754-1755. Il invite l'abbé à ne plus remplir l'étang et à le convertir en pré. Dans les années qui suivent, des travaux peuvent être engagés pour l'aménagement d'un canal de drainage dit Canal des Bains. Les terres asséchées restent la propriété des Bénédictins jusqu'en 1786. À cette date, elles sont vendues à Sébastien Martin. Au milieu du 19e siècle, la Ville essaye de remettre en cause la vente pour récupérer le terrain, mais l'arrêt du tribunal de Lure du 16 avril 1855 confirme la propriété de la famille Martin. L’État, nouveau propriétaire de l'établissement thermal, achète finalement les terrains pour agrandir le parc thermal en 1857.

Acquisition de terrains (1759-1766) et destruction de la chapelle Saint-Colomban (1764-1767)

La construction du nouvel établissement thermal nécessite de la place (311 E dépôt 113). Un arrêt du Conseil d’État en date du 4 septembre 1759 autorise la Ville à acquérir les terrains "reconnus nécessaires pour la construction des bains publics de Luxeuil" sur lesquels ont été faites des fouilles pour trouver des sources non encore exploitées. Les terrains doivent être acquis de gré à gré, mais l'administration donne à l'intendant les moyens de forcer la main aux propriétaires récalcitrants. Les dispositions sont confirmées par une ordonnance de l'intendant du 18 avril 1760. Les terrains concernés sont des prés et des chènevières (champs où l'on cultive du chanvre). Les procédures d'indemnisation des propriétaires s'étendent jusqu'en 1766.

La chapelle Saint-Colomban est un édifice mal connu. Un siècle après sa destruction, Grandmougin (1866) et Delacroix (1867) précisent qu'elle sert aux baigneurs ("Un bénédictin y célébrait la messe chaque dimanche pour les baigneurs"). L'édifice figure en rouge sur le plan daté du 10 mars 1761, qui précise qu'elle se situe sur un "emplacement à bâtir". Dans un texte de juillet 1763, les Bénédictins donnent leur accord pour détruire la chapelle mais veulent avoir la garantie que l'intendant n'exigera pas d'eux une reconstruction à un autre emplacement (C 162). La Ville délibère à ce sujet le 27 janvier 1764. D'après Grandmougin (1866) et Delacroix (1867), elle est démolie en 1767.

Première campagne de construction, sous la direction de Jean Querret (1761-1768)

La reconstruction des bains par la Ville se fait à l'initiative de l'intendant Pierre-Étienne Bourgeois de Boyne. Il n'est pas impossible que cette initiative soit inspirée par l'exemple de Plombières, ville située seulement à une vingtaine de kilomètres, où le Grand Bain et le Bain de la Reine ou Bain des Dames (plus tard, Bain Stanislas) sont reconstruits dans les années 1750. Elle s'inscrit aussi dans un contexte marqué par un intérêt nouveau pour les sources : l'Observation sur les Eaux minérales de Luxeul (1756) de Laurent Morel et le Traité ou dissertation sur les Eaux minérales et thermales de Luxeuil (1761) de Timothée Gastel sont les deux premiers traités médicaux sur les eaux de Luxeuil. Après le départ de l'intendant Bourgeois de Boyne en 1761, le projet n'est pas remis en cause par son successeur, Charles-André de Lacoré. Seul le nom de ce dernier est inscrit, à côté de celui du roi, dans l'inscription de dédicace de l'édifice.

D'après la Nouvelle Hydrologie (1772) d'Antoine-Grimoald Monnet, le nouvel établissement thermal rivalise avec les thermes antiques ("Tout ce qu'il y a de plus intéressant à dire sur ces eaux, est que les habitants de Luxeuil les ont logées magnifiquement, et avec beaucoup de goût ; on peut même dire que ce sont les eaux les mieux logées qu'il y ait en France, et peut-être aussi en Europe : ce bâtiment est digne de la magnificence des Romains. Il y a plusieurs bains séparés et distingués, dans des appartements très propres pour cela : même, si on ne veut pas prendre ces eaux comme minérales, elles peuvent être prises au moins avec beaucoup d'agrément en bain, et d'utilité pour le maintien de la santé, attendu qu'elles sont justement du degré de chaleur convenable pour cela"). Le même sentiment est exprimé dans le Précis sur les eaux thermales et minérales de Luxeuil (1831) de Barnabé Aliès ("L'établissement thermal tel qu'on le voit aujourd'hui est un des plus beaux de France").

Élaboration du projet (1761)

Le 23 août 1755, l'intendant confie une première expertise du terrain à Huolin (?) et Marchand, architectes et géomètres arpenteurs demeurant à Besançon (311 E dépôt 112). Le 25 juillet 1759, il ordonne à son subdélégué Antoine Vautherin de visiter les bains en compagnie du médecin Claude Nicolas Massey (de Jussey) et de faire faire toutes les fouilles nécessaires. Celles-ci semblent avoir été conduites par Nicolas Saur, entrepreneur en bâtiment, qui indique qu'il a passé 84 journées "tant à chercher deux fontaines qui coulent actuellement dans la cour des bâtiments [des] bains que pour avoir fourni, taillé et mis en place toutes pierres nécessaires à en contenir les eaux" dans un document daté de 1760 (311 E dépôt 114). C'est enfin en mars 1760 que Le Michaud d'Arçon lève le plan des anciens bâtiments (voir supra). Le document porte la trace de l'emprise des bâtiments à construire, ce qui laisse penser que le projet de l'architecte est déjà au point, à moins que le tracé ait été reporté tardivement sur le relevé.

Jean Querret, ingénieur en chef des Ponts-et-Chaussées, Jean-Claude Mongenet, sous-ingénieur, et Étienne Mignot de Montigny, membre de l'Académie des Sciences, visitent à leur tour le site sans doute pour localiser précisément les sources, et noter pour chacune d'elles le débit et la température, le 21 août 1760. Le projet du nouvel établissement thermal est élaboré dans les mois qui suivent. Querret signe en effet le plan des nouveaux bains le 10 mars 1761 (C 162). Dans le devis qui y est associé, le coût de la construction doit s’élever à 79.987 livres : 40.724 livres pour le bâtiment nord dit du Grand Bain et 18.156 livres pour celui du Bain des Dames et du Bain des Bénédictins, le reste correspondant aux canaux, rampes et escaliers à prévoir pour chacun des bâtiments et aux honoraires de l'ingénieur en chef (3.808 livres). La direction des travaux est assurée par le sous-ingénieur Mongenet. L'adjudication est prononcée en faveur de Michel Antoine Tournier, entrepreneur en bâtiment à Besançon, le 20 juin 1762, puis confirmée par le Conseil d’État et signée par le duc de Choiseul le 1er août 1762 (C 162 et 311 E dépôt 114). Le 25 juin 1762, le subdélégué Vautherin demande à Querret d'aller mesurer à nouveau le débit et la température des sources, cette fois en présence des magistrats de la Ville ; le procès-verbal date du 1er juillet 1762 (311 E dépôt 115).

Réalisation des travaux (1764-1768)

Dans ses "Observations au sujet des nouveaux bâtiments, canaux et promenades des bains de Luxeuil" du 1er décembre 1761, Querret évoque la première tranche des travaux correspondant au bâtiment nord dit du Grand Bain "avec les canaux et autres parties qui y ont rapport" (C 162). Ces travaux entraînent une baisse du débit des sources du Grand Bain, du Petit Bain et du Bain des Capucins que les magistrats constatent dans leurs délibérations des 16 et 17 septembre 1763. La première pierre de l'édifice est bénie par Nicolas Mouthon, curé de Saint-Sauveur de Luxeuil, et scellée "dans l'angle de la fondation du Levant au Midy, du costé de ladite ville" le 15 mai 1764 (311 E dépôt 217). Elle porte l'inscription suivante : "Luxovii termae jam dudum a Labieno Caii Julii caesaris imperatoris jussu restituae iterum destructae denuo reparantur omnino sumptibus urbis Luxovii anno salutatis 1764 15 maii". Elle n'est actuellement plus visible.

Le couronnement de la façade sud du bâtiment du Bain des Dames et du Bain des Bénédictins ne figure pas sur une première élévation (C 162) mais apparaît, sans pour autant avoir l'ampleur qu'il a aujourd'hui, sur un dessin plus tardif (311 E dépôt 355). C'est en 1768-1769 que la Ville fait parvenir à l'Académie des Inscriptions le texte de la dédicace (311 E dépôt 115). L'intendant renvoie à la Ville ses corrections le 9 février 1769. La ville transmet l'ordre à Mongenet de placer l'inscription "sur une pierre noire polie, incrustée et cramponnée dans le frontispice" dans une lettre du 18 février 1769. Sans doute pour réduire les frais, l'inscription est finalement gravée directement dans la pierre de la façade : LUXOVII THERMAE / A CELTIS OLIM AEDIFICATAE / A. T. LABIENO JVSSV C. J. CAES.IMP. RESTITVTAE / LABE TEMPORVM DIRVTAE / SVMPTIBVS VRBIS DE NOVO EXSTRVCTAE ET ADORNATAE / PAVENTE D. DELACORE SEQVANORVM PROVINCIAE PREFECTO / REGNANTE ADAMATISSIMO LVDOVICO DECIMO QVINTO / ANNO MDCCLXVIII.

Le projet de Querret a été suivi dans ses grandes lignes, à l'exception du clocheton qui n'est semble-t-il construit qu'au début du 19e siècle (voir infra). Le dessin représentant l'élévation de la façade sud du bâtiment nord dit du Grand Bain daté tardivement (1774) doit sans doute être en lien avec un projet, sans suite, de construction d'un clocheton (C 162).

Financement des travaux

Pour l’entretien des bains, avant même que soit engagée leur reconstruction, les magistrats municipaux obtiennent de l'intendant Barthélemy de Vanolles le droit d'établir un octroi sur les denrées en 1738. Ses deux successeurs, les intendants Jean-Nicolas Mégret de Sérilly et Pierre-Étienne Bourgeois de Boyne, affectent temporairement cette ressource à la construction d'une caserne. Celle-ci achevée, l'octroi semble être devenu une ressource "ordinaire" pour l'entretien des bains. Son produit annuel est d'ailleurs présenté comme "la seule ressource pour les charges auxquelles est sujette leur ville" dans un texte de 1757 (311 E dépôt 115). Il rapporte 3.000 livres chaque année (311 E dépôt 113) ce qui est largement insuffisant lorsque est lancée la reconstruction de l'établissement thermal.

La Ville se résout à demander au roi l'autorisation de vendre 366 arpents 56 perches de son quart de réserve le 20 avril 1757 (311 E dépôt 115). Cette autorisation lui est accordée dans l'arrêt du Conseil d’État du 4 septembre 1759 (311 E dépôt 113). En réponse à une demande d’éclaircissement de l'intendant, le subdélégué Vautherin précise que cette première vente doit rapporter 73.300 livres, payables en trois termes (décembre 1760, décembre 1761 et décembre 1762) au Receveur général des Domaines et Bois qui paie directement l'entrepreneur Tournier. Cette somme déjà considérable reste inférieure au montant du devis établi par Querret le 10 mars 1761, qui s'élève à 79.987 livres sans compter divers autres travaux. En 1766, la Ville doit de nouveau se résoudre à la vente de quatre coupes annuelles (311 E dépôt 113) qui rapportent 22.000 livres. Comme cela ne suffit toujours pas, le roi autorise la Ville à s'endetter par des lettres patentes datées du 18 septembre 1767. Un premier emprunt de 6.000 livres est contracté auprès de la communauté des habitants de Villers-Farlay (délibération du 3 mars 1768). Un second emprunt de 28.000 livres est contracté auprès de la communauté des habitants de Mont-sous-Vaudrey (délibération du 10 juillet 1777). Au final, on peut estimer que les ressources exceptionnelles dépensées par la Ville s'élèvent à près de 130.000 livres, somme à laquelle s'ajoute la participation directe des habitants. Querret préconise en effet le recours à la corvée dans ses "Observations" du 1er décembre 1761 (C 162). Dans son ordonnance du 21 août suivant, l'intendant demande à la communauté de Saint-Valbert de fournir le nombre de corvéables nécessaires pour les déblais et remblais de terres. L'ordonnance est reconduite chaque année jusqu'en 1767.

Distribution des espaces

L'organisation des espaces à l'intérieur des deux bâtiments est connue grâce à un manuscrit intitulé "Mémoire des eaux de Luxeuil" (311 E dépôt 269) dont la rédaction doit pouvoir être située autour de 1770, et à l'Essai historique sur les eaux de Luxeuil (1773) de Jean-Joseph de Fabert, qui complètent le plan et le devis de 1761.

Le bâtiment nord (parfois appelé simplement "Grand Bain") regroupe le Grand Bain à proprement parler, le Petit Bain et le Bain des Capucins. Bien qu'il soit disposé de biais dans sa nouvelle salle, l'ancien bassin du Grand Bain est conservé. Il passe toutefois de 20 pieds sur 12 (avant les travaux) à 14 pieds sur 8 (après les travaux) en raison de la création de "deux étuves" que l'on devine sur un plan tardif de Philippe Bertrand daté du 5 juin 1779 (C 162). L'eau des deux sources chaudes coule dans les deux études avant d'alimenter le grand bassin qui peut rassembler jusqu'à 25 personnes. La source d'eau savonneuse, auparavant située à l'extérieur, se retrouve désormais à l'intérieur, dans une niche du mur sud. La source ferrugineuse et vitriolique ("eau minérale") est installée, de la même manière, dans une niche du mur nord. La disposition du Petit Bain n'a pas non plus changé, puisqu'on retrouve le moine doté de deux robinets ("c'est de cette source qu'on boit le plus communément, et dont on se sert pour les petits remèdes"). L'eau des robinets tombe dans deux bassins situés de part et d'autre, ce qui correspond assez exactement à un dessin tardif d'Alexis Vaucheret daté du 20 octobre 1816 (5 M 161). D'après Aliès (1831), l'un des deux bassins serait d'un seul tenant et particulièrement ancien. Chaque bassin peut contenir jusqu'à 6 personnes. L'inscription aujourd'hui insérée dans la façade de l'immeuble à l'angle de la rue des Thermes et de la rue Carnot proviendrait du moine. Le Bain des Capucins semble être celui qui a subi le plus de transformations ; Fabert (1773) parle d'ailleurs des "bains neufs". Ils sont composés d'un "très beau bassin quarré rempli par une source d'eau chaude" entouré par des "cuves pour la commodité des malades qui ne peuvent supporter que les eaux les plus tempérées, ou qui veulent se baigner seuls". Le bassin peut contenir jusqu'à 18 personnes. La circulation dans le bâtiment se fait à partir d'une galerie ouverte en façade (dite "péristyle" dans les textes anciens) qui dessert deux vestibules encadrant le Petit Bain. Le Grand Bain et le Bain des Capucins sont chacun dotés par ailleurs de deux vestibules et de quatre chambres de repos ou "chambres à foëux". Le devis et le plan de 1761 confirment la commande de huit manteaux de cheminée (six placés contre les murs, deux dans les angles). Aucune élévation extérieure ne montre en revanche de souche de cheminée. Une "belle et vaste commodité, et séparée pour l'un et l'autre sexe, avec des petits cabinets aux extrémités d'icelle, où l'on reçoit les petits remèdes ou lavements" est aménagée dans une aile située au nord du Bain des Cuvettes. Les cabinets "sont d'une grande propreté par le moyen d'un canal dans lequel passe un ruisseau" qui est le Canal des Bains.

Le bâtiment sud regroupe le Bain des Dames et le Bain des Bénédictins. Le Bain des Dames n'a pas subi de transformation dans son agencement, puisqu'il est encore composé d'une piscine de plan octogonal alimentée par des robinets sur une colonne centrale. La piscine mesure 92 pieds cube et peut contenir jusqu'à 30 personnes. La piscine du Bain des Bénédictins doit avoir été en revanche entièrement remplacée. Elle est désormais ronde et "on y descend par quatre marches qui ont quatre issuës différentes" ce qui correspond à ce que montrent les cartes postales anciennes et surtout des vestiges aujourd'hui dans le parc thermal. Elle mesure 90 pieds cube et peut contenir jusqu'à 20 personnes. Concernant la distribution des espaces à l'intérieur, on retrouve l'association des piscines avec des antichambres, chambres, cabinets et lieux. Des différences existent entre ce qu'a prévu Querret (1761) et ce qui est effectivement réalisé, visible sur un plan tardif de Philippe Bertrand daté de 1775 (C 162). Les quatre chambres disposées de part et d'autre de l'escalier central, uniquement desservies par la galerie ouverte en façade dans le projet, sont finalement ouvertes sur les piscines. Six cheminées sont mentionnées dans le devis et figurées sur le plan de 1761. Deux d'entre elles sont également visibles sur une coupe longitudinale du bâtiment (C 162).

Fabert (1773) indique l'exploitation à découvert d'autres sources situées "vis-à-vis le péristyle du grand bâtiment" : la fontaine des Abeilles "au goût un peu amer" et une autre "un peu plus abondante et très agréable à boire". Bien plus tard, Chapelain (1857) situe l'ancienne fontaine des Abeilles devant l'avant-corps gauche du bâtiment nord dit du Grand Bain, mais il la confond avec la source d'eau savonneuse puisqu'il rappelle à son sujet l'épisode de la dysenterie (voir supra). La seconde fontaine extérieure évoquée par Fabert (1773) pourrait être le bassin au fond de l'excavation proche de la chapelle Saint-Colomban visible sur le relevé des anciens bains que fait Le Michaud d'Arçon en 1760. Il s'agit peut-être de la fontaine des Yeux "à laquelle on descend par quatre marches" d'après Chapelain (1857).

Couverture des bâtiments, couvrement des salles et revêtement des murs

Dans son devis de 1761, Querret précise que les toitures doivent être couvertes de tuile locale et les sols pavés de pierre de taille. Le plafond des bains et des vestibules est "en planches de chêne d'un pouce d'épaisseur jointes en languettes et rainures clouées sur chaque poutrelle [...] et ornées d'un impérial et d'un quadre en moulure". Une corniche en pierre de taille est prévue "au-dessous de l'impérial". Les plafonds à voussures ont disparu, mais la corniche en pierre subsiste à l'emplacement du Grand Bain, du Bain des Capucins et du Bain des Dames. Dans une lettre adressée à Bertrand le 28 avril 1779, les officiers municipaux signalent qu'il faudrait réparer les plafonds en bois, sans doute très tôt endommagés par l'humidité, plutôt que de se lancer dans la construction de nouveaux bâtiments (voir infra). De la première campagne de travaux, les seuls espaces voûtés dès l'origine sont les galeries ouvertes : les arcs doubleaux sont en pierre de taille, les voûtes en moellon. Dans les salles des bains, il est prévu de peindre les plafonds de "deux couches de couleur gris blanc ou gris perle broyée à l'huile" et d'enduire les murs "de trois couches de mortier de chaux de Breurey et de sable de rivière". Les murs des chambres et des antichambres doivent quant à eux être recouverts de tissu.

Dans une délibération du 18 avril 1784, les magistrats municipaux prennent la résolution de construire "un nouveau plafond" dans le "Bain des Hommes" que l'on doit pouvoir identifier comme le Bain des Bénédictins. L'exécution des travaux est confiée à Jean-Claude Chognard d'après un projet de Lingée. Dans un devis estimatif daté du 4 avril 1789 et signé par l'ingénieur en chef des Ponts-et-Chaussées Xavier Dergny, plusieurs autres réparations sont prévues (311 E dépôt 112) mais elles se réduisent finalement au remplacement de la tuile locale de mauvaise qualité par de la lave sur les versants nord des avant-corps du bâtiment nord. Les travaux sont adjugés à Chognard le 9 mai 1789 et réceptionnés le 20 juillet 1790 (311 E dépôt 112). La construction de voûtes dans le Grand Bain et le Bain des Dames, en remplacement des plafonds, est différée ; on se contente d'étayer provisoirement le plafond du Bain des Dames.

Deuxième campagne de construction, sous la direction de Philippe Bertrand (1775-1786)

Leur reconstruction à peine achevée, les bains ont du paraître insuffisants. La présence d'autres sources entre le bâtiment du Grand Bain (au nord) et celui du Bain des Dames et du Bain des Bénédictins (au sud) "desquelles on a fait un lavoir mais dont l'on peut faire un bain magnifique" d'après un "Mémoire des eaux de Luxeuil" (311 E dépôt 269) désigne naturellement le terrain sur lequel pourrait se faire l'agrandissement. Fabert (1773) évoque lui-aussi ce "lavoir des plus commodes pour laver les linges qui servent aux bains". Lacoré avise l'ingénieur des Ponts-et-Chaussées Philippe Bertrand de son intention de réunir les deux bâtiments déjà construits dans une lettre du 5 février 1772. La rivalité entre Luxeuil et Plombières, où le Bain des Capucins est reconstruit en 1767 et le Bain tempéré en 1772, pourrait de nouveau avoir motivé son intention. Surtout, les thermes deviennent à cette époque un programme d'architecture à part entière, proposé comme sujet du concours du Grand Prix de 1774 : "Des bains publics d’eaux minérales".

Le dessein de l'aile du Bain gradué dut paraître bien plus complexe que celui des premiers bâtiments. Il ne s'agissait plus d'envelopper d'anciennes piscines à l'intérieur de nouvelles façades, mais de créer ex nihilo de nouveaux bains, ce qui nécessitait des connaissances en hydrogéologie et en hydraulique. Pour conduire le chantier, l’appel aux ingénieurs du corps des Ponts-et-Chaussées était incontournable de manière encore plus évidente que lors de la première campagne.

Élaboration du projet (1775-1784)

Bertrand est l'auteur d'un premier dessin (1775) correspondant au projet d'une aile située très en retrait de la cour et dotée d'un étage que suggère la présence de deux escaliers (C 162). C'est sans doute à ce projet que Bertrand fait allusion lorsqu'il écrit bien plus tard (voir infra) que les magistrats municipaux "ont applaudi en [sa] présence un projet bien plus vaste [...] qui portoit non seulement une mansarde mais un étage carré en attique". Le dessin porte au crayon le tracé d'une variante, moins ambitieuse, où l'aile à bâtir se situe devant l'avant-corps gauche du bâtiment du Grand Bain. Le devis du 12 avril 1777 correspond davantage à cette variante qu'au projet initial. La construction de l'aile des bains gradués coûterait 16.127 livres, et il faudrait ajouter presque autant pour une aile symétrique, de l'autre côté de la cour. Bertrand demande à l'entrepreneur Tournier de compléter le toisé des ouvrages (lettre du 5 février 1778) et il confie au sous-ingénieur Lingée, qui se plaint de ne pas disposer de suffisamment de cotes pour travailler, la finalisation du projet (lettres du 12 et du 24 octobre 1778).

Le 5 mars 1779, Bertrand signe un plan et une coupe auxquels on peut rattacher plusieurs autres dessins non signés et non datés. Ils correspondent à un projet encore ambitieux composé de deux ailes encadrant la cour et doté d'un étage en surcroît. Le projet est sévèrement critiqué par les officiers municipaux dans la délibération du 28 avril 1779. Ils jugent inutiles les mansardes ("pas habitables si près d'un bain") et les deux escaliers qu'elles obligent à prévoir, et ils souhaitent avancer l'aile jusqu'au niveau de l'avant-corps gauche du bâtiment du Grand Bain, ce qui permettrait de connecter le "péristyle" de ce dernier et la nouvelle galerie à bâtir. L'intendant leur rappelle leurs engagements dans une lettre du 2 mai 1779 mais demande en parallèle à Bertrand d'élaborer un nouveau projet, qui est remis le 5 juin 1779. Il établit un consensus : l'étage en surcroît a disparu, mais l'aile reste en retrait par rapport au bâtiment du Grand Bain. Dans le devis, le montant total des travaux est estimé à 46.537 livres. Le 30 août 1779, Lingée écrit à Bertrand qu'il se charge de finaliser le projet. C'est lui d'ailleurs qui signe désormais les dessins. Le 20 décembre 1780, il améliore le Bain gradué en dégageant l'espace du bassin grâce au remplacement des quatre colonnes centrales (en carré) par huit colonnes périphériques (en octogone). Il diminue également les coûts en supprimant les garde-robes entresolées et la salle publique, ce qui permet de réduire la largeur de l'aile. La dernière version du projet date du 13 octobre 1784. Elle pourrait avoir été approuvée par l'intendant Lacorée, qui meurt trois semaines plus tard, ou par son successeur, Marc-Antoine Le Fèvre de Caumartin de Saint-Ange.

Réalisation des travaux (1784-1786)

Les fouilles commencent dès 1779. Lingée adresse plusieurs comptes-rendus à Bertrand (C 162) dans lesquels il évoque non seulement les vestiges archéologiques trouvées (lettre du 30 avril 1779) mais aussi les incidents survenus, comme la découverte d'une échappée d'eau qui entraîne la chute du débit des sources (lettre du 8 mai 1779). La construction des bâtiments eux-mêmes n'a pas pu débuter avant l'adoption du projet final en 1784. Le procès-verbal de réception des travaux des entrepreneurs en bâtiment Charles Saunier et Jean-Claude Chognard est signé le 15 décembre 1786. Dans une note du 16 janvier 1787, Bertrand indique que l'ensemble des travaux ont coûté 39.163 livres. Les honoraires de Bertrand sont de 3.300 livres, ceux de Lingée de 2.300 livres.

Financement des travaux

Lorsque sont approuvés le projet et le devis de la deuxième campagne de travaux, la Ville est déjà considérablement endettée. Le 29 avril 1779, les officiers municipaux adressent une lettre à Bertrand dans laquelle ils indiquent qu'elle est "presque ruinée par les premières constructions des bains" (C 142). Dans les années 1780, la situation financière de la Ville est critique, et aucune aide ne semble pouvoir venir de l’État royal. C'est alors que serait intervenu Pierre-Joseph de Ferrier du Chatelet, ancien secrétaire des commandements du duc Louis-Philippe d'Orléans, d'après Desgranges (1993). Il parvient à obtenir de la part de ce dernier un don exceptionnel de 80.000 livres. En remerciement, les magistrats de Luxeuil lui donnent des lettres de bourgeoisie le 29 août 1787.

Distribution des espaces

La galerie répond à un besoin de circulation entre le bâtiment du Grand Bain (au nord) et le bâtiment du Bain des Dames et du Bain des Bénédictins (au sud). Ce besoin apparaît très tôt, d'après une annotation du sous-ingénieur Jean-Claude Mongenet sur le plan des fondations des anciens et des nouveaux bâtiments de l'établissement thermal de Luxeuil (C 161) : "le public ayant paru désirer une communication de plein pied d'une cour à l'autre", il fait creuser une tranchée reliant les deux fossés qui entourent les bâtiments en 1769. La galerie prend de l'importance lors de la finalisation du projet, puisqu'elle passe de 90 pieds de longueur dans le devis du 12 avril 1777 à 114 pieds dans celui du 5 juin 1779. Ce dernier document précise que "la galerie sera tout à la fois la jonction et communication des deux bâtiments actuels, la promenade couverte des buveurs et l'étalage des marchands forains". Parmi les marchands qui envoient à la Ville une demande d'autorisation pour s'installer dans la galerie, on trouve des modistes, des parfumeurs, des bijoutiers, des libraires, etc. (311 E dépôt 149). La création de la galerie a des conséquences sur les autres bâtiments. Dans le bâtiment nord dit du Grand Bain, un vestibule (appelé "salon d'attente" ou "salon de conversation" au 19e siècle) est créé en réunissant une chambre de repos et une antichambre, et la façade est percée d'une arcade pour assurer la communication avec la galerie. Dans le projet du 5 juin 1779, la galerie dessert une cage d'escalier, des garde-robes entresolées et une "pièce qui servira provisoirement de salle publique jusqu'à ce qu'on en bâtisse une plus commode avec l'aile droite, et qui alors sera coupée en deux parties, l'une faisant un bain séparé et extérieur pour les pauvres, l'autre une cage pour un deuxième escalier". Par souci d'économie, Lingée les sacrifie dans le projet final.

Le Bain gradué (dit aussi "Bain tempéré") est la partie la plus complexe et la plus moderne du programme. Dans le devis du 12 avril 1777, il est prévu de créer un bassin circulaire de 14 pieds de diamètre divisé en six "cuvettes" de températures différentes (22°Ré, 24°Ré, 26°Ré, 28°Ré, 30°Ré et 32°Ré) alimentées par l'eau remontant dans les tuyaux d'un moine central. Dans le devis du 5 juin 1779, le projet est affiné : un bassin circulaire de 12 pieds de diamètre est divisé en trois "cases" et entouré de quinze baignoires individuelles. Lingée fait la synthèse des deux projets, tout en prenant en compte la nécessité de réintégrer des garde-robes qu'il a supprimées, en 1780. Il simplifie le bassin central en le réduisant à quatre compartiments pouvant accueillir chacun quinze baigneurs et divise la zone périphérique à l'aide de cloisons pour créer neuf cabinets dotés de baignoire (trois au milieu de chacun des murs nord, sud et ouest) et quatre garde-robes (dans les angles). Il répond sans doute ainsi à la demande de certains curistes préférant les bains individuels au bain collectif. D'après la "Description des localités et notes explicatives du plan des anciennes et nouvelles constructions" de thermidor an X (juillet-août 1802) (C 162), les baignoires sont remplies "par des corps qui amènent l'eau de la source du Grand Bain [pour six d'entre elles] [et] de la source du Bain des Dames [pour trois d'entre elles]" mélangées à "une petite source qui est dans le dehors" que l'on peut identifier avec la Source Gélatineuse (voir infra). Dans un inventaire du mobilier de 1812, on trouve "trois tonneaux assortis de leur piston et un corps en fer blanc pour distribuer l'eau dans les ballonges du Bain gradué". Aliès (1831) indique que les baignoires sont en pierre. Toujours d'après la "Description" de thermidor an X, le bassin central est alimenté par une "source qui est au devant du péristyle et vis-à-vis la porte d'entrée de ce bain". Plus tardivement, Chapelain (1857) évoque deux sources différentes dont on mélange les eaux, ce qui paraît plus logique. Le mélange permet d'obtenir quatre températures (31°C, 33°C, 35°C et 37°C). D'après un procès-verbal de visite du 21 brumaire an IX (12 novembre 1800), le Bain gradué possède deux cheminées (311 E dépôt 355). Elles se trouvent alors à l'emplacement prévu sur le plan de Lingée de 1780, c'est-à-dire contre le mur de refend longitudinal, où elles subsistent au moins jusqu'à la fin des années 1930. Selon toute vraisemblance, les manteaux ont été déposés lors du percement des deux baies donnant sur la galerie et réinstallés contre le mur nord, comme le suggère un dessin de Roger Treille de 1962 (2067 W 47).

Couverture des bâtiments et couvrement des salles

La toiture doit être couverte de tuile plate et percée de neuf lucarnes en œil-de-bœuf.

En raison des problèmes posés par les plafonds en bois dans les bâtiments construits en 1764-1768, il est prévu dès les premiers projets pour la nouvelle aile de couvrir les salles de voûtes en maçonnerie. La galerie est couverte d'une succession de voûtes d'arêtes en brique de champ enduite de mortier (chaux de Breurey et sable de rivière) et blanchie à la chaux, ce qui permet aux arcs en pierre de taille (doubleaux en anse de panier et formerets en plein-cintre) de souligner son volume. Dans le projet du 5 juin 1779, Bertrand prévoit de couvrir la salle du Bain gradué de "six berceaux croisés en arrête" (c'est-à-dire neuf voûtes d'arêtes) reposant sur les murs de la salle et sur quatre colonnes disposées au centre. Dans le projet du 20 décembre 1780, Lingée imagine quant à lui une grande voûte d’arêtes à grands et petits quartiers alternés supportée par huit colonnes, flanquée de quatre voûtes en berceau plein-cintre et cantonnée de quatre voûtes d'arêtes à trois quartiers. Il est vraisemblable que les matériaux utilisés par Lingée soient ceux prévus par Bertrand : arcs en pierre de taille et voûtes en brique de champ, enduit en blanc à bourre, blanchissage à l'huile.

Travaux sous la Révolution, le Consulat et l'Empire

Le 14 septembre 1791, une adjudication est prononcée en faveur de Joseph Olivier, pour un montant de 2.360 livres, mais la mise en ferme est plus ancienne puisque le document mentionne des "fermiers sortants" (311 E dépôt 355). D'autres fermiers se succèdent ensuite : Donguy et Chalmaud (an VI), Martin Maire (an XI), Jean-Baptiste Hacquart (1812). L'adjudicataire s'engage à assurer les travaux d'entretien et de réparation, la Ville les travaux plus conséquents. Dans un procès-verbal de visite du 21 brumaire an IX (12 novembre 1800), on apprend que les bâtiments sont partiellement occupés par des militaires. L'arrêté du 6 nivôse an XI (27 décembre 1802) entraîne le rattachement de l'établissement thermal de Luxeuil aux Hospices réunis de Vesoul. Concrètement, cela signifie que les loyers des fermiers sont versés dans les caisses des hospices, et non plus celles de la Ville. L'arrêté de restitution du 25 novembre 1814 marque un retour à la situation antérieure.

Lors de l'assemblée du 3 thermidor an XII (22 juillet 1804), le premier adjoint Chognard souhaite, d'une part, construire le pendant du bâtiment du Bain des Dames et du Bain des Bénédictins et de l'aile du Bain gradué de l'autre côté de la cour antérieure, et d'autre part, agrandir le Grand Bain par la création de cabinets au nord. Le 12 germinal an XIII (2 avril 1805), le préfet autorise l'exécution de travaux en régie directe. Les travaux finalement exécutés sont connus par le devis de Descolins et Chognard d'un montant total de 9.754 francs (10 ventôse an XIII) (C 162) et un état des travaux achevés (10 nivôse an XIV) (311 E dépôt 355). Ils consistent principalement en la division de deux anciennes chambres du Grand Bain pour créer quatre cabinets de douche et l'ajout d'une salle adossée au nord du Grand Bain ("une nouvelle salle entre les deux arrières-corps") contenant six cabinets. Cette disposition confirme la mode des bains individuels apparue vingt ans plus tôt au Bain gradué. Le devis prévoit que cette nouvelle salle soit couverte d'une "demi-voûte" en maçonnerie (pierre de sable et pierre de tuf d'Échenoz-la-Meline) surmontée d'un toit à un versant en lave d'Aillevillers, mais il n'est pas sûr que le projet initial ait été suivi jusqu'au bout, les montants des travaux exécutés étant très inférieurs à ceux du devis. Le projet de construction de l'aile occidentale de la cour est abandonné.

Travaux sous la Restauration

L'implication de la Ville est due non seulement à la restitution des bains de 1814, mais aussi au retour à une gestion en régie directe à la suite d'une décision du ministre de l'Intérieur du 15 juin 1821. Par conséquent, c'est encore elle qui lance des travaux plus ou moins importants dans les années 1810-1820.

Couvrement du Bain des Cuvettes

Dans un lettre du 3 avril 1815 (C 162) et dans ses observations du 29 septembre 1816 (5 M 161), le médecin des eaux Gastel alerte le préfet et le maire sur l'état des plafonds du Bain des Cuvettes et du Bain des Capucins ("La question étoit de savoir si on feroit des voûtes avec des pilastres [sic] ou si on se contenteroit de faire une charpente nouvelle plafonnée au-dessous"). La nouvelle voûte du Bain des Cuvettes est l’œuvre de l'architecte Alexis Vaucheret. Un dessin du 20 octobre 1816 et un devis du 28 octobre 1816 sont conservés. Le projet est approuvé par le conseil municipal le 28 novembre. Les travaux, exécutés en régie, sont terminés avant le 14 mai 1817. À cette date, le conseil se réunit et constate que les travaux (2.232 francs) ont coûté moins cher que prévu (2.557 francs). Le couvrement, particulièrement ambitieux, met en œuvre trois arcs doubleaux en pierre de taille sur l'extrados desquels reposent six voûtes d'arêtes. Il suscite la curiosité des visiteurs au 19e siècle. Pour conserver cette originalité, l'architecte Paul Giroud se contente de remplacer les trois grands arcs en pierre par des arcs en béton armé lors de la modernisation de l'établissement thermal à la fin des années 1930 (voir infra). Les voûtes de la partie supérieure sont aujourd'hui en brique.

Couvrement du Bain des Capucins

L'attention se porte ensuite sur le Bain des Capucins, où doivent être menées des fouilles pour dégager la source et augmenter ainsi son débit. Le 26 mai 1817, Alexis Vaucheret établit un projet pour le couvrement de la salle qui mesure 9 m 38 de longueur et 7 m 14 de largeur. Seuls les devis sont conservés (311 E dépôt 355). L'architecte propose de construire huit pilastres de quatre mètres de hauteur divisant chacun des quatre murs en trois parties égales, pilastres sur lesquels doivent reposer douze arcs doubleaux ("au nombre de trois sur chaque face dont ceux de chaque milieu seront réunis, assemblés et supportés par des clefs pendantes") d'un développé de quatre mètres, le tout en pierre de taille. L'architecte termine en indiquant que "au-dessus de ce quarré de niveau, il sera posé les cintres nécessaires pour former l'ensemble des voûtes". Le 3 septembre 1818, le Conseil des Bâtiments civils juge le projet inadmissible ("Il y aurait lieu de rejeter ce système de voûte en profondeur, d’y substituer une simple voûte à l’italienne avec voussures sur les quatre côtés […] ; je propose aussi de supprimer le deuxième rang de voûtes au-dessus des premières dont rien n’indique la nécessité ni l’usage"). En novembre 1818, l'architecte répond en indiquant que son projet est "à peu près semblable" à celui exécuté "au commencement de l'année 1817 dans la salle voisine" (c'est-à-dire le Bain des Cuvettes) mais qui n'avait pas alors été soumis à l'avis du Conseil. Il retente sa chance en envoyant un second projet en avril 1819 qui est jugé "encore plus défectueux que le premier" en juin 1819.

Reconstruction du clocheton

Le 14 mai 1817, après avoir calculé que le coût du couvrement du Bain des Cuvettes serait moins important que prévu, le conseil municipal vote la démolition du "clocher de l'horloge" surmontant le bâtiment du Grand Bain. L'architecte Alexis Vaucheret semble avoir fait le dessin d'un nouveau clocheton, qui n'est toujours pas construit en 1820. Il est difficile d'être sûr qu'il correspond au clocheton visible sur une gravure du livre d'Aliès (1850).

Construction du Bain des Fleurs

En mars-avril 1822, Alexis Vaucheret semble être écarté, puisque c'est l'architecte Louis Well qui définit le projet d'un nouveau bain à construire entre le Bain des Dames et le Bain gradué, à l'emplacement d'une cour ornée jusqu'alors de fleurs, ce qui explique son nom ("Bain des Fleurs"). Well propose deux solutions pour organiser l'espace : un vestibule central de plan rectangulaire (projet connu par un dessin) ou une rotonde octogonale, autour desquels sont disposés des cabinets dotés de baignoires. Ce projet répond à un besoin, puisque l'on sait que le médecin-inspecteur Fabert projette l'installation de six baignoires en pierre "de même forme et dimension que celles du Bain gradué" dans les chambres du Bain des Dames dès 1818.

L'exécution est différée, et c'est finalement l'architecte Louis Moreau qui finalise le projet du Bain des Fleurs. Il est connu par les descriptions qu'en ont faites Aliès (1831) et Chapelain (1857) qui sont antérieures à sa reconstruction sous Napoléon III. Il est également figuré sur le plan d'ensemble de l'établissement thermal présenté par Charles-Antoine Monnier au Conseil des Bâtiments civils en 1843. Il se présente comme une "petite rotonde éclairée par le haut" qu'entourent dix cabinets (sept dotés d'une baignoire, trois dotés de deux baignoires). Ces baignoires en pierre, encastrées dans le sol, sont alimentées par l'eau du Bain des Dames ("qui y coule continuellement") coupée avec l'eau du réservoir de la Fontaine d'Hygie pour en abaisser la température. La Source Gélatineuse "ainsi désignée à cause de l'onctuosité de son eau, qu'elle doit à une assez grande quantité de silice qui s'y trouve en suspension" qui se trouve à cet emplacement est transformée en fontaine insérée entre deux cabinets. Les travaux sont exécutés par François Xavier Questel (adjudication du 10 juin 1828, réception du 19 octobre 1829) pour un montant de 4.221 francs (311 E dépôt 355).

Couvrement du Grand Bain

Le 23 mars 1830, l'architecte Louis Moreau présente un devis pour le couvrement du Grand Bain, où devait subsister un plafond en bois du 18e siècle (311 E dépôt 355). Son projet est encore traditionnel. Sur quatre colonnes, il prévoit de disposer quatre arcs doubleaux et de construite une grande voûte d'arêtes flanquée de quatre voûtes en berceau et cantonnée de quatre petites voûtes d'arêtes. Pour une raison inconnue, l'architecte est écarté et son projet abandonné. La "très belle voûte avec ciel ouvert construite nouvellement d'après le plan de [Charles-Antoine] Monnier" qu'évoque Aliès (1831) est celle qui subsiste aujourd'hui.

Travaux sous la Monarchie de Juillet

Sous Louis-Philippe, l'établissement thermal de Luxeuil est rebaptisé "Bains d'Orléans". Ses comptes sont relativement équilibrés, d'après un bilan de sa situation financière entre 1843 et 1853. Les recettes ordinaires générées par les bains, le salon et les loyers des boutiques (95.750 francs) sont supérieures aux dépenses ordinaires (61.377 francs). Les bénéfices sont toutefois insuffisants pour permettre la modernisation et l'agrandissement de l'établissement sans recourir à des ressources extraordinaires (emprunts ou subventions du département ou de l’État). Dans une délibération du 4 décembre 1831, la Ville adopte un projet de l'architecte Charles-Antoine Monnier d'un coût estimé à 18.868 francs. Elle est autorisée à contracter un emprunt de 16.000 francs par une ordonnance du 27 avril 1832. Une liste de travaux d'importance majeure est ensuite dressée et envoyée au comte d'Argout, Ministre du Commerce et des Travaux publics. Le médecin-inspecteur Aliès affirme plus tard être l'initiateur de ce programme, ce qui n'est pas impossible même s'il est mis en œuvre après son éviction.

Transformation des anciens bains

La description (1833) de son successeur, le médecin-inspecteur Molin, permet de suivre les travaux. Ceux-ci commencent par le Bain des Cuvettes, où les deux anciennes piscines sont remplacées par un grand réservoir recouvert de dalles. Ce réservoir peut contenir entre 20.000 et 25.000 litres d'eau, provenant des deux sources existantes. La salle ainsi dégagée peut dès lors servir de vestibule. Les travaux se poursuivent par le Bain des Capucins, profondément transformé avec la création d'une piscine ovale entourée de huit baignoires en pierre alimentées par l'eau du réservoir du Bain des Cuvettes. La transformation du Grand Bain est plus tardive. Là aussi, le bassin est recouvert de dalles pour en faire un réservoir d'environ 20.000 litres, et des cabinets individuels sont créés autour de la salle. Le 2 février 1834, Monnier signe un devis et un dessin pour deux pompes à installer dans le vestibule situé entre le Grand Bain et le Bain des Cuvettes (311 E dépôt 355). Une "roue hydraulique mue en dessus par les eaux qui alimentent le lavoir des bains" doit permettre d'élever l'eau dans des réservoirs dans les combles. Cette pompe permet d'équiper les cabinets de douches.

Définition du projet du Bain spécial ferrugineux

L'arrivée du médecin-inspecteur Victor Révillout ouvre de nouvelles perspectives. Après un voyage à Néris-les-Bains et Vichy, il établit un programme de rénovation dont la partie la plus importante est la création d'un "Bain spécial ferrugineux". Les sources ferrugineuses de Luxeuil sont bien connues depuis les 17e et 18e siècles, mais elles ne sont d'abord utilisées que ponctuellement. C'est le cas de la "source ferrugineuse et vitriolique" qui est une source secondaire du Grand Bain (voir supra). Dans les années 1830-1840, l'attention se porte sur la source du Puits Romain dont les eaux ferro-manganésiennes doivent alimenter le "Bain spécial ferrugineux". Du premier projet des architecte Pierre Mougenot et Charles-Antoine Monnier, on ne connaît que l'estimation du coût des travaux, qui est supérieur à 100.000 francs, et l'avis du Conseil des Bâtiments civils rendu le 11 juillet 1839. Pour financer le projet, la Ville envisage d'abord la concession de l'établissement à un fermier pour une durée exceptionnelle de 38 ans, sous réserve qu'il s'engage à faire les travaux, dans une délibération du 18 avril 1839. Le retrait de l'investisseur pressenti (Bruneau) l'oblige à envisager un emprunt de 100.000 francs, dans une délibération du 29 décembre 1841. Le préfet, en refusant l'autorisation, condamne le projet.

Un nouveau projet est élaboré par Monnier en tenant compte des remarques de Charles-Pierre Gourlier, inspecteur des Bâtiments civils en visite dans la station en septembre 1842. D'un coût estimé à 28.309 francs, il est adopté par la Ville le 16 janvier 1843, puis transmis au Conseil des Bâtiments civils en mars. Il consiste en la construction d'une nouvelle aile, à l'emplacement des anciennes latrines, comportant une série de cabinets dotés de baignoires. Confrontée à d'autres urgences, comme la rénovation des toitures qui est faite par Hacquart (de Fontaine) et Godard (de Luxeuil) à la suite d'une adjudication du 17 septembre 1843, la Ville diffère la construction du Bain spécial ferrugineux. Ce qui n'empêche pas Révillout d'utiliser l'eau ferrugineuse, mais sous forme quelque peu "archaïque" en la faisant chauffer au bain-marie dans des baignoires en zinc installées dans le Bain des Dames. Le 18 avril 1845, Chapelain remplace Révillout, qui a démissionné, comme médecin-inspecteur. Dans un ouvrage publié tardivement, Révillout (1856) s'attribue le mérite d'avoir su comprendre avant tout le monde l'intérêt de l'eau ferrugineuse, dont l'exploitation donne un nouvel élan au développement de l'établissement thermal de Luxeuil sous le Second Empire.

Travaux sous le Second Empire

Dès 1831, la Ville envisage de vendre ou de céder son établissement thermal à l’État. Des offres sont même faites en 1837-1838, mais elles sont refusées par le gouvernement qui préfère intervenir sous la forme de subventions, en subordonnant d'ailleurs le versement de celles-ci à la création d'un salon de sociabilité à l'usage des baigneurs, près de l'établissement thermal. Le contexte change avec l'arrivée au pouvoir de Napoléon III, dont le décret du 5 novembre 1853 autorise, d'une part la Ville à céder l'établissement thermal, et d'autre part l’État à accepter le don. Le transfert de propriété se fait à titre gratuit, mais l’État s'engage à dépenser 125.000 francs en travaux et à conserver le privilège des habitants de se servir de l'eau comme boisson et d'utiliser les bassins (5 centimes) et les cabinets (25 centimes) du 15 septembre au 15 mai. L'intérêt de l'Empereur pour Luxeuil pourrait avoir été suscité par la princesse Mathilde qui y vient en cure. Lui-même, lors de sa première cure à Plombières, vient en visite à Luxeuil le 8 juillet 1856, ce dont rend compte le Moniteur universel. Il aurait jugé remarquable l'installation de l'établissement de bains et aurait été frappé par l'inscription de Labienus qui attribue la restauration des thermes antiques à un homme de César ("Dès cette époque, l'administration romaine semblait avoir été tellement centralisée qu'il fallait un ordre direct de l'Empereur pour réparer des bains dans un coin presque ignoré des Vosges"). Luxeuil suit ainsi la trajectoire de Plombières, où la propriété de tous les bains (à l'exception du Bain des Dames) passe de la commune à l’État dès le décret du 11 juin 1811. Napoléon III revient à Luxeuil une dernière fois le 29 juillet 1869, d'après Desgranges (1993).

Sur place, la direction de l'établissement thermal est désormais assurée par le service des Mines. La nationalisation de l'établissement thermal permet de lancer les travaux de modernisation envisagés dès la Monarchie de Juillet. Ces travaux sont relativement bien documentés par les archives (311 E dépôt 355, 5 M 156-157, 5 M 160-162) et les publications de l'époque, mais il n'en reste aujourd'hui presque aucune trace, l'architecte Robert Danis ayant pris soin de "gommer" tous les ajouts du Second Empire à l'établissement thermal lors de la modernisation des années 1930 (voir infra). Seules des cartes postales anciennes rendent compte des aménagements et des décors. Ces travaux sont d'abord conduits sous la direction de l'architecte Charles-Antoine Monnier, qui était déjà en poste. Il est remplacé à sa mort, survenue le 9 mai 1855, par l'architecte local Félix-Hercule Grandmougin. L'administration fait également appel à l'ingénieur Jules François dont la présence à Luxeuil est attestée en 1855.

Par le décret impérial du 26 juillet 1858 signé à Plombières, les sources sont déclarées d'intérêt public (au sens de la loi du 14 juillet 1856) ce qui leur permet de bénéficier théoriquement d'un périmètre de protection. Dans les faits, celui-ci n'est tracé que très tardivement, sans doute en raison de l'absence de concurrence ou de menace, en 1872.

Conservation des façades du 18e siècle

Malgré l'ampleur des travaux, Grandmougin a été relativement respectueux des façades des bâtiments du 18e siècle. Dans l'ouvrage qu'il consacre à l'établissement thermal avec Auguste Garnier en 1866, l'architecte admire le travail de ses prédécesseurs ("Ces bâtiments des bains construits par nos pères sont dignes des Romains : leur architecture est remarquable par sa solidité et par sa sévère simplicité, et si à l'extérieur cette architecture est un peu lourde, elle laisse croire aussi que ces constructions sont seulement la base d'un édifice qui doit être surélevé avec plus d'élégance et de richesse dans la décoration"). Les "thermes et inscriptions antiques sis à Luxeuil-les-Bains (Haute-Saône)" sont inscrites sur la liste des Monuments historiques en 1862.

Grandmougin, qui doit faire placer les armes de France au fronton de la façade du bâtiment nord dit du Grand Bain, demande l'autorisation d'utiliser comme modèle celles de l'hôtel de la préfecture de Vesoul le 17 avril 1860 (5 M 146). Au pied du portail, deux fontaines auxquelles on accède par quelques marches sont créées. Celle de droite est la "source des Yeux" ; Chapelain (1857) indique qu'elle se trouve dans la cour, devant le Bain des Cuvettes, mais qu'il a l'intention de la "rapprocher du bâtiment". Celle de gauche est alimentée par la source ferrugineuse du Pré-Martin (voir infra) à partir de 1860 environ. Les deux fontaines ne sont aujourd'hui plus alimentées. D'après les inscriptions qui subsistent, la source des Yeux a été remplacée par la source Pierrat dans les années 1990. En plus de ces deux fontaines, une troisième buvette est créée à une date difficile à préciser à l'extrémité est de la galerie du même bâtiment. On y accède par un "escalier de quelques marches" d'après un rapport du 9 octobre 1934 (5 M 162) qu'il semble difficile de reconnaître dans l'escalier visible à cet emplacement sur le plan de Grandmougin (1866). Cette buvette est alimentée par l'eau riche en chlorure de magnésium (au vertu laxative) de la source Labienus dont le griffon se situe de l'autre côté du bâtiment, à l'angle nord-est de l'actuelle piscine. La porte de la galerie a depuis été murée.

Transformation du Bain des Capucins (années 1850)

Les cartes postales anciennes du Bain des Capucins montrent un état différent de celui des années 1830. Les travaux pourraient avoir été faits assez tôt après l'acquisition de l'établissement thermal par l’État, puisque Chapelain (1857) et Billout (1857) mentionnent les deux bassins ovales, l'un réservé aux hommes, l'autre aux femmes, en remplacement du bassin unique. Billout (1857) sous-entend que les quatre cabinets disposés aux angles ont été conçus pour les bains ferrugineux, ce qui permettrait de situer la transformation de la salle avant l'adoption définitive du projet du Bain ferrugineux (1855). Les bains pris dans ces quatre cabinets doivent être alors une version perfectionnée des bains-marie de Révillout : l'eau ferrugineuse est en effet chauffée dans le réservoir du Bain des Cuvettes à l'aide d'un serpentin jusqu'à une température d'environ 34°C, avant de remplir les baignoires. L'auteur évoque également les vestiaires "très vastes et parfaitement éclairés, [...] ornés de grandes cheminées, surmontées de très belles glaces". Plus tardivement, Delacroix (1867) attribue les aménagements du Bain des Capucins à Monnier, ce qui confirmerait qu'ils sont antérieurs à sa mort en 1855.

Les aménagements sont faits sans intervenir sur les maçonneries du 18e siècle. Il ne reste rien du décor, dont la partie la plus remarquable était le "beau parement de forme circulaire, fait en pierres d'une seule pièce dans leur hauteur, [qui] rend cette salle une des plus jolies de l'établissement" d'après Chapelain (1857). L'eau des deux anciennes sources remonte dans un tuyau jusqu'à une vasque centrale, d'où elle s'écoule dans les deux bassins. Elle n'est pas chaude mais tempérée, ce qui a peut-être fait douter de ses vertus. Dans les années 1860, le Bain des Capucins est réservé aux indigents. L'architecte Grandmougin prévoit à cette époque de créer un accès direct depuis l'extérieur pour les malades de l'hôpital Grammont.

Transformation du Bain gradué (années 1850)

Les cartes postales anciennes du Bain gradué montrent qu'il n'a pas subi de transformations aussi radicales que le Bain des Capucins. D'après Chapelain (1857) lui-même, sa principale intervention a consisté à diviser le bassin en deux, toujours avec le souci de séparer les hommes des femmes. En conséquence, chaque sexe ne dispose plus que de deux compartiments au lieu de quatre, l'un à 33°C, l'autre à 36°C. Des mêmes années date l'installation de bustes en marbre, donnés par le médecin-inspecteur Clerc, sur les murs séparant les cabinets périphériques. Leconte (1860) écrit de même que "le Bain gradué vient d'être complètement restauré" et que les parois des cabinets sont décorées de faïence. On peut enfin supposer que le garde-corps métallique autour du bassin a été posé après 1862, puisqu'il est composé de "crosses" qui rappellent la découverte de la crosse de l'abbé Aymon de Molans (Paris, Musée du Louvre, OA 2023) à cette date. Il pourrait s'agir de la "barrière" que le régisseur de l'établissement juge de mauvais goût et souhaiterait faire retirer en 1867 (5 M 162).

Construction du Bain ferrugineux (1855-1856)

Des travaux de captage des eaux ferro-manganésiennes de la source du Puits Romain sont conduits par la Ville en 1850-1851. Ils montrent que le projet de "Bain spécial ferrugineux" de Monnier et Gourlier adopté le 16 janvier 1843 (voir supra) est encore d'actualité. C'est toutefois seulement après la nationalisation de l'établissement thermal que le projet aboutit enfin, plus de dix ans après son élaboration. En avril 1855, celui-ci est définitivement adopté et l'exécution des travaux confiée à Benjamin Renaud, entrepreneur à Lure, pour un montant de 24.400 francs (311 E dépôt 355). Bien plus tard, le fils de Monnier reproche à Grandmougin de s'être attribué la paternité du projet à sa mort, ce qui est discutable : la plaque de dédicace (conservée) indique le nom des trois architectes (Gourlier, Monnier et Grandmougin) à côté de celui de l'ingénieur Jules François. En 1855, ce dernier perfectionne le captage de 1850-1851, ce qui permet de disposer d'une eau plus chaude, à environ 28°C. Il fait également construire sur la roche un grand réservoir de 50.000 à 60.000 litres "pouvant se remplir dans les vingt-quatre heures". Par la suite, d'autres travaux de captage sont menés autour de la source du Temple, aux propriétés comparables, située à proximité. C'est à l'occasion de ceux-ci qu'il découvre deux galeries considérées alors comme antiques : le canal souterrain de la source du Puits romain (en février 1857) et le canal souterrain de la source du Temple (en juillet 1857) d'après une note de l'ingénieur des mines Descos (311 E dépôt 386).

Le Bain ferrugineux est béni par le cardinal Mathieu, archevêque de Besançon, en 1856. Il est connu par les plans de Monnier et de Grandmougin, les cartes postales antérieures à sa destruction, et les descriptions de Billout (1857), Chapelain (1857) et Leconte (1860). Il ne subsiste que quelques vestiges du décor, aujourd'hui dans le parc thermal. Des tubes en terre cuite vernissée complètement isolés pour éviter la déperdition de chaleur permettent de conduire l'eau du réservoir jusqu'aux baignoires. Celles-ci sont en granite rose des Vosges. Elles paraissent enfoncées dans le sol, mais sont en réalité disposées sur une galerie "échauffées par l'eau du Grand Bain". Le bâtiment comporte au total dix cabinets dont les parois et les plafonds sont formés de dalles de grès bigarré des Vosges ornées de moulures. Deux d'entre eux sont plus grands, et disposent d'une petite piscine ("bain de famille") et d'un "vestiaire orné d'une jolie cheminée en marbre blanc". Les cabinets sont desservis par une galerie centrale décorée de "glaces placées sur des consoles en pierre sculptées avec goût, le tout disposé de manière à lui donner l'apparence d'un élégant salon". Du côté de l'entrée de la galerie, deux fontaines sont installées. Celle de droite est alimentée par l'eau ferrugineuse, celle de gauche par l'eau du Bain des Cuvettes.

Construction du Bain impérial ferrugineux (1857-1858)

L'affluence des malades et le nombre réduit de baignoires dans le Bain ferrugineux conduit à envisager son agrandissement dès 1857. Le projet est défini par l'architecte Grandmougin et l'ingénieur François. Chapelain (1857) souligne l'intérêt de Napoléon III pour le projet lors de sa visite de 1856 : "S. M. l'Empereur [...] s'est fait présenter les plans des travaux à exécuter [et] a bien voulu indiquer des modifications qui, dans un avenir très-prochain, placeront Luxeuil au nombre des plus belles stations thermales". Le coût des travaux s'élève à 64.000 francs. L'inauguration du Bain impérial ferrugineux a lieu le 4 juillet 1858. Une messe est alors célébrée sur un autel provisoire érigé à l'intérieur de l'édifice.

L'agrandissement se fait à l'extrémité nord du Bain ferrugineux et prend la forme d'une demi-rotonde à l'intérieur de laquelle dix cabinets précédés chacun d'un vestiaire sont disposés en hémicycle. Les deux cabinets d'honneur encadrant l'axe central sont dotés d'une antichambre à laquelle on peut accéder directement depuis le parc, à l'arrière de l'établissement, par deux escaliers. Delacroix (1867) écrit que ces deux cabinets sont "réservés au service impérial ou à de hauts fonctionnaires". L'auteur indique également que cette partie de l'établissement est "plus luxueuse encore" que le Bain ferrugineux de 1855-1856. Elle est paradoxalement moins bien connue aujourd'hui.

Les deux rampes d'escalier en pierre du vestibule (à l'emplacement de l'ancien Bain des Cuvettes) pourraient avoir été construites à l'issue de cette campagne de travaux, pour donner un caractère majestueux à l'entrée des bains ferrugineux qu'elles encadrent. En effet, elles ne figurent pas sur le plan du Bain ferrugineux de Monnier en 1842, et ni Billout (1857) ni Chapelain (1857) n'en parlent. Elles conduisent à des galeries ou tribunes à l'étage, servant de "promenoir" au-dessus des cabinets du Bain ferrugineux mais aussi du Bain impérial ferrugineux, ce qui permet d'en faire le tour complet. Delaporte (1865) précise que "le fond de la galerie circulaire est orné de faisceaux de drapeaux, du buste de S. M. l'Empereur et de l’inscription commémorative" de 1856.

Reconstruction du Bain des Fleurs (1859-1860)

Le premier Bain des Fleurs date de 1828-1829 (voir supra). Ses cabinets sont mal éclairés, et la toiture est ruinée dans les années 1840. Un premier devis estimatif pour sa reconstruction, d'un montant de 50.000 francs, date du 1er décembre 1856 (5 M 161). Tout comme le projet du Bain impérial ferrugineux, celui du second Bain des Fleurs est établi par l'architecte Grandmougin et l'ingénieur François. L'exécution des travaux est de nouveau confiée à l'entrepreneur Renaud le 11 février 1859 (5 M 161). L'alimentation en eau ne semble pas avoir été modifiée, puisque les baignoires sont remplies avec l'eau du Bain des Dames coupée avec l'eau du réservoir de la Fontaine d'Hygie. Le nouveau bain, dédié à la princesse Mathilde, ouvre en 1860. Il n'en reste aujourd'hui que quelques vestiges aujourd'hui dans le parc thermal.

Les descriptions de Leconte (1860), Delaporte (1865) et Delacroix (1867) complètent les cartes postales anciennes. La disposition des dix cabinets autour d'une galerie centrale rappelle celle du Bain ferrugineux. L'accès se fait depuis un vestibule dans l'angle du Bain gradué ou un passage aménagé dans la dernière travée de la galerie. Les cabinets sont surmontés d'une galerie pour le service des douches. Dans le vestibule d'entrée, une pompe à bras permet d'élever l'eau dans des réservoirs construits sous les combles. Plus tard, elle est remplacée par une machine à vapeur. Des colonnes en fonte supportent la toiture dotée d'une verrière. Deux grands miroirs sont disposés en vis-à-vis au centre des murs latéraux de la galerie. Ils surmontent deux petites buvettes alimentées par les eaux du Bain des Dames (pour l'une) et de la Source Gélatineuse (pour l'autre).

Construction du Bain neuf (vers 1860) et la Fontaine Eugénie

Les salles appelées "Bain neuf" dans les années 1850 et 1860 correspondent à une antichambre et à trois chambres de repos du Grand Bain, dont il est une dépendance, sur le plan du 18e siècle. Les plans levés par Grandmougin en 1864 et 1866 montrent la présence de deux grandes douches, d'un tepidarium, d'une étuve à gradins et d'une caisse de vapeur dont la construction doit se situer autour de 1860.

Dans la galerie distribuant les différents espaces, dans l'axe du Grand Bain, est construite la Fontaine Eugénie, destinée à la boisson. Elle est surmontée d'un buste de l'impératrice. Elle est alimentée par la source du Pré-Martin (ou "Source Eugénie"). La source est connue dès le 18e siècle, puisque Calmet (1748) en parle ("une bien remarquable [source] dans l'étang, qui est au-dessus et au nord desdits bains, et à la distance de deux cents pas, car dans les froids les plus rigoureux, il y a un espace de plus de trente toises de circonférence qui ne glace jamais"). L'assèchement de l'étang des Bénédictins a dû la faire réapparaître, et l'on peut supposer qu'il s'agit de la source qui vient d'être découverte "dans le Pré Bassan" lorsque Morand écrit sa Lettre sur les antiquités trouvées à Luxeuil (1756). Les terrains de l'ancien étang sont vendus à Sébastien Martin en 1786 (voir supra). Une "description" datée de thermidor an X (juillet-août 1802) prouve que la création d'un nouveau bain alimenté par cette source a été envisagée très tôt : "Il y a encore dans le pré ci-devant des Bénédictins appartenant à M. Martin des sources d'eaux très abondantes et très tièdes, la ville en avoit fait faire les recherches pour l'amener aux bains et y construire un bain parallèle au bain gradué" (C 162). En 1837, la source du Pré-Martin est analysée par Braconnot qui prouve sa forte concentration en fer. En 1857, le terrain est acquis par l’État pour agrandir le parc thermal vers le nord. En 1861, la source est l'objet de travaux de captage (311 E dépôt 367 et 5 M 156). En plus de la Fontaine Eugénie, la source du Pré-Martin alimente deux petites buvettes ("Fontaine Martin") dans la cour de l'établissement thermal.

Aménagement de la galerie, du salon et du vestibule

La galerie du Bain gradué subsiste, mais elle subit quelques transformations qui semblent imminentes lorsque écrit Chapelain (1857). Son extrémité nord doit être ouverte sur une "large fenêtre qui permettra d'apercevoir une grande partie du jardin et le joli paysage formé par le bois et les coteaux en amphithéâtre qui se trouvent à l'horizon". L'établissement thermal s'ouvre ainsi sur le parc qui est alors en pleine transformation. Par ailleurs, le sol doit être asphalté et les arcades fermées de vitres et dotées de stores. Delaporte (1865) précise que la galerie est chauffée par un réservoir souterrain d'eau hyperthermale et considère que l'ensemble "forme une vaste et belle trinkall". En plus d'être un promenoir, la galerie est un lieu d'exposition des vestiges archéologiques, non seulement ceux découverts sur le site des bains, mais aussi des pierres provenant du bourg ancien de la ville, d'après Delacroix (1867) et Desjardins (1880).

Le vestibule créé par la réunion d'une chambre de repos et d'une antichambre du Grand Bain lors de la construction de l'aile du Bain gradué (1784-1786) est devenu un "salon d'attente" ou "salon de conversation". Delaporte (1865) écrit qu'il abrite un "buffet en chêne vernissé, dans lequel sont renfermées les antiquités trouvées dans les fouilles". Il ne devait toutefois s'agir que d'une petite partie des vestiges retrouvés, la plupart des monnaies ou médailles étant alors dans des collections particulières, dont parlent notamment Fabert (1850) et Delacroix (1867). Le même souci d'exposer les vestiges des thermes antiques, et ainsi d'affirmer le prestige du site, conduit à transférer les deux inscriptions antiques découvertes en 1755 et en 1781 de l'Hôtel de Ville à l'établissement thermal. Elles sont exposées dans le vestibule (ancien Bain des Cuvettes). Un parallèle peut être fait entre l'établissement thermal de Luxeuil-les-Bains et celui de Saint-Honoré-les-Bains. On sait en effet qu'une partie des médailles trouvées lors des travaux de construction de ce dernier est exposée dans son hall en 1901. Mireille-Bénédicte Bouvet (2012) note que l'installation de vitrines comparables est projetée à Plombières en 1858 et en 1936. Des cartes postales du milieu du 20e siècle montrent que des vitrines contenant des objets sont en place dans la salle du Bain gradué de Luxeuil, alors transformé en buvette (voir infra).

Projets non exécutés

Au milieu des années 1860, plusieurs projets d'agrandissement de l'établissement thermal sont attestés. Un dessin de Grandmougin du 5 septembre 1864 (5 M 162) concerne un double projet de transformation du Bain des Dames ("appropriation en cabinets de la salle du Bain des Dames") et surtout de construction d'un nouveau bain "pour les indigents" (également connu sous le nom de "Bain du prince impérial") entre le Grand Bain et le Bain gradué. L'idée de ce bain revient au docteur François Mélier, médecin consultant de Napoléon III. En septembre 1865, l'architecte prépare un devis mais le projet semble ensuite avoir été abandonné. Deux ans plus tard, un autre projet est d'actualité, celui d'une "vaste piscine ferrugineuse de natation, sorte de gymnase aquatique particulièrement destiné à la jeunesse" à construire à droite de la cour, d'après Delacroix (1867).

Situation de l'établissement entre 1870 et 1936

La mise en ferme de l'établissement thermal par l’État, sans doute envisagée dès les années 1860, devient effective le 1er mai 1886. Un bail de neuf ans est signé avec la Société fermière des Eaux thermales de Luxeuil, créée par Charles Chauvet (rentier) et Louis Gustave Genoux (pharmacien). En 1888, Genoux cède ses parts de la société à Louis Marchand dont la belle-sœur, Marie-Eugénie-Léonie Troutet, veuve Marchand, est déjà propriétaire de l'Hôtel des Thermes et de l'Hôtel du Parc. Dans les faits, c'est elle qui agit. L'arrangement doit permettre de contourner l'interdiction faite aux hôteliers, pour préserver la concurrence entre eux, de participer à la gestion de l'établissement thermal dans le cahier des charges de 1886. Pendant l'ensemble de la durée du bail, la société ne dégage qu'un très faible excédent budgétaire (4.327 francs, alors que les recettes annuelles s'élèvent à environ 30.000 francs) ce qui pose la question du "modèle économique" du thermalisme de la fin du 19e siècle. Charles Chauvet meurt en mars 1892, Louis Marchand en novembre 1892. En 1894, l'administration des Domaines lève l'interdiction, et la veuve Marchand obtient la nouvelle adjudication de 1895. Par acte notarié du 1er février 1896, elle crée la Compagnie des Eaux minérales et des Grands Hôtels de Luxeuil. L'arrêté ministériel du 19 mai 1896 l'autorise à céder son bail à cette société. Dans l'acte de soumission de 1895, elle s'engage à assurer l'exploitation de l'établissement thermal, à construire ou à aménager un casino et à verser une redevance annuelle de 5.000 francs à l’État. Les revenus générés par les hôtels et le casino-théâtre, certainement bien plus que ceux de l'établissement thermal, ont assuré la prospérité de la Compagnie, qui fait construire l'Hôtel Métropole en 1907. Le bail est prolongé pour une durée exceptionnelle de quarante ans en 1902-1903. La Compagnie des Eaux minérales et des Grands Hôtels de Luxeuil, en faillite, est dissoute en 1921. Dans une délibération du 3 avril 1922, la commune décide de reprendre temporairement le bail. L'année suivante, il est repris par la Nouvelle Société fermière de l’Établissement thermal de Luxeuil-les-Bains, créée par Jean Pattegay et ses associés, qui assure l'exploitation de l'établissement thermal pour le compte de l'État (avant 1936) et de la Ville (après 1936) jusqu'à la Seconde Guerre mondiale.

Construction de nouveaux bâtiments

Les décennies qui suivent la chute du Second Empire correspondent un coup d'arrêt dans le développement de l'établissement thermal. Grandmougin meurt en 1879. Il est remplacé comme architecte de l'établissement par Charles Jean-Baptiste Colard de 1879 à 1882, puis par Rodolphe Fournier (5 M 174). Il ne semble pas y avoir eu de grands travaux dans le dernier quart du 19e siècle.

Pour obtenir le renouvellement du bail en 1902-1903, la Société s'engage à faire, dans les quatre années qui suivent, des travaux pour un montant de 170.000 francs dont 90.000 francs pour créer un service d'hydrothérapie, effectivement bâti en 1905-1906. C'est de ce service dont il est question dans les livres de Roux (1914) et de Pierre (1923) et surtout dans un rapport du 9 octobre 1934 (5 M 162) : le "nouveau service d'hydrothérapie" est "le plus récemment construit". Il se situe au nord du Bain gradué, c'est-à-dire à l'emplacement qu'aurait dû occuper le Bain du prince impérial. Il contient neuf cabinets de bain dotés d'un vestiaire, une salle de douche, deux salles de massage, une étuve et une salle de repos. L'ensemble est "beaucoup plus confortablement agencé que le reste de l'établissement". L'extension est détruite dans les années 1960 (voir infra). L'extérieur est connu par des cartes postales anciennes que complète un croquis (plan) de la Médiathèque de l'Architecture et du Patrimoine (E 81 70 14-100). Il s'agit d'une aile orientée nord-sud. Sa façade ouest en pierre de taille présente un avant-corps central. Du début du 20e siècle doivent également dater deux constructions métalliques (du type serre) dotées de cheminées, de part et d'autre du Bain ferrugineux. Elles sont également détruites. L'une d'elles est également visible sur plusieurs cartes postales anciennes.

Transformation d'anciens bâtiments

Certaines parties anciennes de l'établissement ont dues être réparées, comme le "plafond" du Bain des Bénédictins qui est tombé en octobre 1923 (5 M 146) ou le clocheton en bois qui a dû être refait, d'après Patrick Boisnard (2006). En 1926, une nouvelle "buvette d'eau alcaline et d'eau ferrugineuse" est créée à l'extrémité ouest de la galerie du bâtiment du Grand Bain (5 M 162). Elle a été détruite, mais des vestiges d'une verrière subsistent. La plupart des bassins sont conservés, mais l'alimentation en eau est adaptée. Dans les années 1920-1930, le Bain des Capucins est ainsi réservé aux femmes et aux enfants. Le matin, il est rempli d'eau alcaline pour les premières, l'après-midi d'eau ferrugineuse pour les seconds.

Grands travaux de 1936-1939

Dans les années 1930, les hôteliers ont le sentiment que la station décline. Il lance même une pétition pour que les installations soient modernisées en septembre 1934. La Ville elle-même a engagé des discussions pour que l'établissement thermal lui soit rétrocédé dès la fin des années 1920. Le maire de l'époque, André Maroselli, obtient le dépôt d'un projet de loi en 1933 mais les discussions se poursuivent concernant le prix à payer, l'administration des Domaines s'opposant à une cession à titre gratuit. En 1935, le prix est finalement fixé à 245.000 francs, qui correspond au montant de travaux déjà faits par la Ville dans l'établissement thermal et que l’État doit donc théoriquement déduire du prix de vente. L'opération devient ainsi neutre pour les finances de la Ville. La loi de rétrocession est votée par l'Assemblée nationale le 2 avril 1935, puis par le Sénat le 30 juillet 1936. Elle est promulguée par Albert Lebrun, Président de la République, le 20 août 1936.

Le mode d'exploitation ne change pas, puisque le bail de la Nouvelle Société fermière de l’Établissement thermal de Luxeuil-les-Bains est maintenu et même prorogé en 1938. La Ville, désormais propriétaire des terrains, des murs et des installations, peut décider de se lancer dans d'importants travaux de modernisation. Paradoxe de la rétrocession, elle ne peut toutefois le faire sans l'aide de l’État. L'arrêté du 15 octobre 1937 accorde une subvention de 5.025.000 francs, soit environ 75% du montant du devis du 30 août 1937 (6.678.830 francs). D'autres devis se succèdent ensuite : 1.174.321 francs en avril 1938, puis 2.064.255 francs en juillet 1938, et enfin 2.035.657 francs en 1939.

Le projet de Robert Danis, architecte en chef des Monuments historiques qui est intervenu quelques années plus tôt au Bain national de Plombières, est adopté le 19 mars 1937. Les plans détaillés sont datés du 30 septembre 1937. L'architecte d'exécution est Paul Giroud (de Belfort). Les noms des entrepreneurs sont connus (5 M 162). Des marchés pour "les travaux de terrassement, maçonnerie et béton armé" sont signés avec l'entreprise Mauro-Ronchi (de Luxeuil) le 27 novembre 1937 et le 29 avril 1938, avec l'entreprise Pedroni (de Luxeuil) le 12 octobre 1937 et avec l'entreprise Allary Frères (de Paris) le 12 octobre 1937. L'entreprise Ch. Wagner et Fils intervient pour la plomberie et la couverture. L'entreprise Gentil et Bourdet exécute les mosaïques qui subsistent aujourd'hui dans les vestibules nord et sud. Les établissements Gervais installent les ascenseurs. L'établissement est inauguré trois semaines avant la réception définitive des travaux qui a lieu le 17 juin 1939. Certains décors sont mis en place après cette date : les peintures de Jules Adler dans le vestibule sud ainsi que les cinq reliefs et les deux statues (Hygie et Labienus) de la manufacture de Sèvres sur la façade nord.

Construction de nouveaux bâtiments

Préalablement à la construction de nouveaux bâtiments, les captages des sources sont refaits. D'après Donjon (1948), il s'agit de "forages obliques poussés à 35 mètres de profondeur environ, dans la cour d'honneur, sur un axe nord-ouest-sud-ouest, en direction des anciens captages romains, [qui] ont donné des résultats tels que le débit est de plus de 1.300.000 litres d'eau thermale et minérale en 24 heures". On peut supposer que ces forages correspondent à la "grande source hyperthermale" évoquée dans la liste des sources utilisées dans un rapport d'août 1945 (311 E dépôt 386). Sous la galerie du Bain gradué sont créés cinq grands réservoirs. Le projet date du 23 août 1937 et l'adjudication des travaux à Jacques Védrine et Jean Meunier, entrepreneurs à Luxueil, du 22 septembre 1937 (5 M 145). Les accès sont encore visibles dans le sol de la galerie.

Le chantier le plus important est celui de la construction de la piscine de natation en plein air, à l'emplacement du Bain ferrugineux et du Bain impérial ferrugineux, encadrée par deux ailes perpendiculaires au bâtiment nord dit du Grand Bain. Ces deux ailes en béton armé comprennent un rez-de-chaussée et un étage surmonté d'une terrasse dotée de pergolas (conservées) et de garde-corps (supprimés). Dans chaque aile et à chaque niveau, les cabines sont desservies par un long couloir. La circulation verticale est assurée par deux escaliers et deux ascenseurs, à l'emplacement d'une antichambre et de deux chambres de repos du bâtiment du 18e siècle. Ils desservent un deuxième étage (formant pavillon) qui permet aux curistes d'accéder aux terrasses qui servent de solarium. Certaines cabines ont conservé leur décor, d'autres ont été modernisées. La façade nord du bâtiment nord dit du Grand Bain faisant face à la piscine, qui n'était déjà plus dans son état du 18e siècle, est entièrement reconstruite. Elle est surmontée d'un grand fronton à claustra, qui correspond à une grande voûte en béton armé pénétrant à l'intérieur de la toiture du 18e siècle. Des décors sculptés en grès agrémentent les façades donnant sur la piscine. Les façades latérales donnant sur le parc sont beaucoup plus sobres. La grande piscine est l'aboutissement d'un projet envisagé à plusieurs reprises depuis la fin de l'Ancien Régime (voir supra). Donjon (1948) la présente comme "une magnifique piscine de natation, à eau courante thermale, unique au monde" ce qui doit être relativisé puisque l'on en connaît d'autres, comme la piscine du Nancy-Thermal qui est antérieure.

L'autre chantier majeur est celui de l'aile appelée "bâtiment d'Hygie"en raison de la proximité de la fontaine d'Hygie. Son plan suggère qu'il a été construit exactement à l'emplacement du service d'hydrothérapie de 1905-1906. Peut-être même en reprend-il les fondations. Il s'étend sur quatorze travées de longueur et s'élève sur trois niveaux (rez-de-chaussée et deux étages). La distribution est semblable à celle des deux ailes encadrant la piscine, mais les cabinets sont disposés de part et d'autre du couloir central nord-sud. Un couloir secondaire est-ouest assure la jonction avec le bâtiment du Grand Bain. Une petite cour intérieure est créée entre le couloir principal et la galerie du Bain gradué. Dès l'origine, son sous-sol est aménagé en émanotorium (actuellement hammam).

Transformation d'anciens bâtiments

Si Robert Danis et Paul Giroud sacrifient tous les ajouts du 19e siècle, ils conservent en revanche l'enveloppe des bâtiments et les voûtes du 18e siècle, à l'exception du Bain des Bénédictins qui disparaît totalement. Son emplacement est actuellement occupé par des bureaux. De nouvelles "piscines médicales" sont créées dans le Grand Bain et le Bain des Capucins, et sans doute aussi dès cette époque dans le Bain des Dames, envisagée comme une "salle de culture physique" dans le plan du projet de 1937. Ce document montre également que le Bain des Fleurs est détruit pour aménager une "garderie d'enfants" (espace aujourd'hui entièrement cloisonné). Le Bain gradué est transformé en buvette, dans le même esprit que celle créée par Robert Danis au Bain national de Plombières, avec un luminaire central. Les eaux de sept sources y sont disponibles : source du Bain des Dames, sources d'Hygie et de Labienus, source du Pré-Martin, source ferrugineuse, source gélatineuse et enfin "eau bouillonnante" au centre. De manière significative, l'architecte conserve sur place la piscine en pierre du 18e siècle : Marcel Texier la retrouve en effet lors des travaux des années 1960. Pour revenir aux baies libres du 18e siècle, les éléments d'huisserie et de vitrage des arcades de la galerie de l'aile du Bain gradué sont supprimés.

À l'issue de la campagne de travaux de 1936-1939, l'établissement thermal comporte 120 cabinets pour traitements individuels, 4 piscines médicales et 1 piscine de natation, 25 postes de douches au jet et 25 postes de massage. Il correspond, à quelques ajouts tardifs près, à l'édifice actuel. Une partie des cabinets (ceux de l'aile orientale de la piscine et ceux du second étage du bâtiment d'Hygie) ne sont plus utilisés. La piscine à l'emplacement du Bain des Capucins est devenue un simple bassin d'agrément, près duquel ont été aménagés les vestiaires. Celle du Bain des Dames est aujourd'hui une remise.

Dernières décennies

Après la Libération, l'établissement thermal repasse en régie directe. Plus tard, la gestion est de nouveau confiée à des sociétés exploitantes (Thermalium, société créée en 1989). Depuis 1999, l'établissement thermal est la propriété de la Chaîne thermale du Soleil. Il est protégé presque en totalité au titre des Monuments historiques depuis 2006/2011. Aujourd'hui, l'établissement thermal propose trois orientations thérapeutiques : la gynécologie, la phlébologie et la rhumatologie.

Travaux de 1963

L'établissement thermal est modernisé par Marcel Texier, architecte en chef des Monuments historiques, et Roger Treille, architecte. Ce dernier envisage la pose de solives dans le Bain gradué pour créer un étage dans un projet du 5 décembre 1962 (2068 W 47) qui reste sans suite. L'année suivante, la grande buvette, qui semble n'avoir jamais vraiment servi, est supprimée et transformée en bassin (actuellement jacuzzi). La Ville demande également l'autorisation de refermer la galerie de l'aile du Bain gradué ("galerie des réservoirs"). Enfin, l'aile dite "bâtiment d'Hygie" est prolongée vers le nord de huit travées.

Travaux de 1988-1991

La couverture de l'établissement thermal est restaurée par les entreprises Artault (de Chenôve) et Richard (de Dijon) de 1988 à 1991. La piscine de natation, comblée en 1970, est remplacée par une nouvelle piscine dont le permis de construire est déposé en 1989. Elle est abritée par une structure métallique créée par Hubert Valancogne (Société ARCH-ID). En 1990, de nouveaux forages sont réalisés. La source Pierrat (à 34 mètres de profondeur, devant l'établissement thermal) a une température de 58°C. La source Soleil (à 115 mètres de profondeur, près du casino) a une température de 48°C. Leurs eaux alimentent aujourd'hui les équipements de soin de l'établissement thermal.

Bâtiment nord dit du Grand Bain, façade sud.