Jérôme Mongreville, photographe. Région Bourgogne-Franche-Comté, Service Inventaire et Patrimoine, 1983-
- enquête thématique régionale, petites cités comtoises de caractère
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
Dossier non géolocalisé
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Aires d'étudesRougemont
Rougemont ayant connu de nombreuses destructions, notamment lors de la guerre de Dix ans, rares sont les demeures antérieures au 17e siècle. A côté d'hôtels témoignant de la richesse passées de certaines familles, la majeure partie du bâti est composée de fermes et maisons, et notamment de maisons de vignerons.
La vigne à Rougemont
La vigne est présente à Rougemont depuis l'époque médiévale sur les coteaux de Montaucivey (lieu-dit Champôté) et de Rougemontot (lieu-dit Les Graltens). La tradition locale dit que le crû de Champôté aurait atteint la cour de Charles Quint. Quoiqu'il en soit, la vigne a représenté, selon les études sur le sujet, 75 % de l'activité de Rougemont et des villages environnants au début du 19e siècle. À partir du milieu du 19e siècle et jusqu'au milieu du 20e siècle, les chiffres de la production viticole ne cessent de chuter. Les causes en sont multiples : pratiques agricoles dépassées, mauvaises conditions climatiques successives qui engendrent des récoltes médiocres à partir de 1840. Cette situation empire brutalement vers 1880-1890 avec l'apparition de maladies qui atteignent durablement l'ensemble du vignoble comtois : le phylloxéra, suivi du mildiou et de l'oïdium. On tente d'y remédier en greffant des gamay, pinot ou melon sur des plants américains dénommés baccot, Othello et noah. Durant la première guerre mondiale les vignerons quittent la vigne pour combattre en Champagne. Certains y découvrent de nouvelles pratiques pour travailler la terre grâce à un matériel plus performant. En employant un raccourci, on peut écrire que le soldat, parti vigneron, revint agriculteur. Il y est d'autant plus encouragé par les primes à l'arrachage lancées par le gouvernement. Enfin la concurrence des vins du Midi, acheminés par le réseau ferré, dont la ligne Montbozon-Lure, donnent le coup de grâce à un vignoble moribond.
Hormis les appellations que révèle la toponymie "Vignes de la Fontaine", "Vignes de la Porte", des vestiges demeurent sous la végétation qui a envahi les coteaux : des ruines de cabanes destinées à entreposer les outils, des fragments de "murgers" (murs réalisés en pierres sèches séparant les propriétés) des terrasses aménagées pour planter les ceps - "planches des Manets", "planche Vernier". Les caves, qui se signalent par leur entrée, sont sans aucun doute les témoins les plus remarquables de cette activité. Quelques-unes renferment encore des objets liés au travail de la vigne. En 1999, une association du nom de Champôté forte de 80 adhérents, est créée. Elle a pour but de réintroduire la vigne à Champôté, terroir qui a fait la réputation de ce vignoble. Sur une superficie de 30 ares, 1 450 ceps ont été plantés. Ils sont répartis en trois cépages : Chardonnay et Auxerrois (blanc) et Pinot noir (rouge). La première récolte a eu lieu en 2003. Pour mener à bien les travaux de vinification, l'association a aménagé une des caves du presbytère mise à disposition par la mairie.
Les fermes et les maisons viticoles
La plupart des fermes s'élèvent dans la partie basse du bourg (Grande Rue, rue Basse, rue du Vieux-Moulin) et du faubourg (rue des Juifs). D'autres sont installées avenue de la Gare, rue du Pont, route de Tressandans. Les maisons à vocation viticole, elles, investissent les pentes au-dessus des caves construites à même le rocher (rue de la Grande-Côte, rue de la Traverse, rue des Gratteris). La fonction première de ces maisons a disparu à la suite du déclin de la culture de la vigne après la première guerre mondiale et de l'abandon progressif des activités agricoles au centre du village, depuis la décennie 1960. Les cinq exploitations en activité sont situées hors du centre : route de Tressandans, route de Bonnal ou sur les deux communes associées à Rougemont, Chazelot et Morchamp.
Implantées en bordure de rue, les fermes lui sont parallèles, plus rarement perpendiculaires. Dans le premier cas, elles présentent sur rue un mur gouttereau, dans le second, un mur pignon. La ferme au n° 4 rue Basse présente trois travées perpendiculaires au mur gouttereau : habitation, grange et écurie. À l'étage se situent deux chambres. Des variantes existent comme au 17 Grande Rue où les trois travées perpendiculaires au mur gouttereau parallèle à la rue comprennent l'habitation sur cave dont l'entrée se signale par un linteau avec inscription, l'écurie et la grange traversante à l'extrémité de la façade. Les fonctions agricoles, fournil, "soue à cochons", sont installées à l'arrière autour d'une grande cour. Le second cas, représenté par le mur pignon parallèle à la rue, est illustré par la ferme au n° 26 Grande Rue. Du fait de la forte déclivité du terrain et de l'étroitesse de la parcelle, l'entrée de grange et celle du logis se situent sur le mur pignon. L'habitation se prolonge sur la façade latérale droite suivie de l'écurie dont la travée est perpendiculaire à la construction ; le volume de la grange se situant au-dessus de l'habitation.
A l'instar de la "Maison d'autrefois" (au 4 quartier de la Citadelle), les maisons de vigneron présentent généralement une façade sur rue plus étroite : cave enterrée, logis en rez-de-chaussée surélevé par lequel on accède grâce à un perron de quelques marches surmonté parfois d'un toit en appentis (rue des Gratteris). Il existe des exemples d'élévations plus amples correspondant à des maisons de propriétaires terriens détenant chariot et chevaux, d'où la nécessité d'avoir une grange et une écurie, comme la maison qui s'élève au 2 rue de la Grande-Côte ou celle au 6 rue de la Traverse.
L’aménagement intérieur
Le logis se compose de deux pièces la cuisine ("houtau") où l’on vit et la chambre à coucher comportant un poêle, d'où le nom donné à cette pièce servant aussi de salle à manger réservée pour les grandes occasions. Dans la plupart des maisons viticoles, le sol de la cuisine est constitué de dalles calcaires. Proche de l'entrée, une ouverture carrée y est aménagée, par laquelle on verse, à l’aide d'un entonnoir et d'un tuyau, les raisins et le jus (le "moût") directement dans une cuve ; la vendange étant égrappée à la vigne sur le cribloir (ou "criblette"). Les rafles sont laissées sur place pour servir d'engrais. Dans la cave, le raisin blanc est pressé et mis en cuve en vue de la fermentation. Quant au raisin destiné au vin rouge, il est placé en cuve et macéré pendant un nombre variable de jours, afin de lui donner sa couleur, puis pressé. Ces opérations sont menées dans des caves à température constante (10° à 12°) grâce à une ouverture située au nord. Les caves, en arc brisé pour les plus petites d'entre elles, sont généralement voûtées en berceau et séparées par un ou deux doubleaux pour les plus grandes. Objet d'une grande attention, la cave est l'élément principal de la maison viticole. Dans le devis des travaux à réaliser à la cave du presbytère, l'architecte note "les murs seront faits avec de bonnes pierres à chaux et à sable de l'Ognon" et il précise "ils seront crépis et blanchis bien unis". L'accès se fait par un escalier pentu plus ou moins important selon la déclivité du terrain. Celles qui appartiennent à d'anciennes propriétés de la noblesse sont particulièrement volumineuses et les voûtes reposent sur des piliers quadrangulaires. Certaines d'entre elles, qui se trouvent rue du Vieux-Portail et rue de la Petite-Côte, offrent, bien que de plain-pied une surprenante fraîcheur et sont d'un volume remarquable. L’une d'elle a servi au négociant en vin Muller, qui détenait aussi l'hôtel de voyageurs du même nom, au 1 rue de la Petite-Côte.
Après l'abandon de la culture de la vigne, les maisons viticoles, qui se signalent par leur entrée de cave, ont gardé leur fonction d'habitation et ont été réaménagées. Quant aux fermes, la plupart ont été aménagées en commerces, comme celles situées de part et d'autre de la Grande Rue et de la rue Basse, mais cette nouvelle fonction a cessé depuis une vingtaine d'années ; seule l'entrée de grange témoigne de leur passé. Les caves des maisons agricoles connaissent d'autres utilisations, notamment pour l'affinage des fromages. Ainsi, la fromagerie Dormois aménage cave froide et chaude dans celles d'une ancienne ferme au 1 Grande Rue. La fromagerie Christen, installée dans l'ancien hôtel de la Réunion, 10 rue du Pont, apporte ses fromages dans une cave de la rue du Vieux-Portail. Le développement du commerce favorise l'implantation de maisons de négociants : négociant en foin et en vin Bichet 14 rue du Vieux-Moulin, brasserie Grojean 27-29 Grande Rue.
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Période(s)
- Principale : Temps modernes, Epoque contemporaine
Les matériaux
Toutes les constructions au centre du village offrent une relative homogénéité du fait des matériaux employés, issus les carrières et des tuileries des environs. Elles sont édifiées en moellons de calcaire, extraits de carrières exploitées "sur le territoire de la commune". Lors les travaux de construction du mur du nouveau cimetière, en 1909, l'architecte précise que les moellons proviendront des "carrières de Rougemont, de Gondenans-les-Moulins et Cuse [...] Le grès rouge [...] proviendra des carrières de Granges-la-Ville. La taille de pierre [...] des carrières de Filain [et] le sable des carrières de Montferney". Pour les travaux de la chapelle Saint-Hilaire, l'architecte mentionne les mêmes carrières et stipule que les tuiles seront fournies par la tuilerie Guilloz de Rougemont, route de Tressandans. Les couvertures de tuiles plates en écaille, encore assez nombreuses, confèrent à la cité un grand charme que l'on peut admirer depuis le haut des rues de la Grande-Côte ou de la Petite-Côte.
Les enduits
Si l'on excepte la coloration des façades des maisons de la place du marché décidée dans le cadre d'une OPAH financée par la région dans la décennie 1990, les constructions sont en moellons recouverts d'un enduit à la chaux mêlé de sable. Les encadrements de baie sont alors soulignés d'un ton blanc avec "filet noir" comme le stipule l'architecte J.-A. Clerc, en 1842, pour les travaux réalisés au presbytère. Quelques maisons ont conservé ce type d'enduit, par exemple, aux n° 12 et 18 de la rue Basse ou au n° 1 rue des Gratteris. L'usage de la pierre de taille est réservé aux encadrements des baies et aux chaînes d'angle. Ces encadrements sont parfois remplacés par un décor peint "à l'imitation" de la brique, du grès ou encore de la pierre calcaire. Le décor en fausse pierre de taille envahit parfois entièrement la façade côté rue, comme au n° 4 de la rue Basse. À noter le décor original en trompe-l'œil au n° 7 rue du Vieux-Moulin.
- (c) Région Bourgogne-Franche-Comté, Inventaire du patrimoine
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Bibliographie
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Bouveresse, Alfred(abbé). La vigne au pays de Rougemont. La Racontotte, n° 46, 1995, p. 58-62.
-
Hamelin, Liliane ; Jacques, Christophe. Rougemont, petite cité comtoise de caractère. - Lyon : Lieux Dits, 2011. 80 p. : ill. en coul. ; 23 cm. (Parcours du patrimoine ; 361).
-
Thuriet, Charles. Etude historique sur le bourg de Rougemont. Mémoires de la Société d'Emulation du Doubs, 1876, p. 197-290.
Liliane Hamelin, chercheur. Direction régionale des Affaires culturelles de Franche-Comté puis Région Bourgogne-Franche-Comté, 1976-2018.
Liliane Hamelin, chercheur. Direction régionale des Affaires culturelles de Franche-Comté puis Région Bourgogne-Franche-Comté, 1976-2018.