Photographe établi à Auxerre (61 rue de Paris), Henri Botex (1860-1940) organise au début du 20e siècle des séances de cinéma itinérantes. Concessionnaire de la société Pathé, il réalise des projections au théâtre puis, à partir d’avril 1908, au casino des Charmilles (par la suite Grand Casino Auxerrois) et même au domicile d’organismes et particuliers intéressés. Il fait construire durant l’hiver 1909-1910 au 65 rue de Paris son propre établissement : le Cinéma-Théâtre Botex. Il l’établit dans une propriété qu’il vient d’acheter à Jean Baptiste Pigeotte (ou Pichotte), attestée sur le plan cadastral napoléonien de 1809 (cadastrée L 137) et comportant maison et pressoir. Ce bâtiment, qui date peut-être du 16e siècle, dépendait certainement de l'hôtel établi en fond de cour au n° 59. Il est agrandi et transformé (par l’architecte Adrien Lelièvre ?) en faisant appel au pan de fer (maison Boivin Delsu), aux briques et au béton armé (entrepreneur Dupont). Il est doté d’une façade au décor Art Nouveau, avec un corps d’entrée en rez-de-chaussée (surmonté d’une terrasse) dont la porte est due au menuisier ébéniste Georges Evrard. Décoré par le peintre Albert David, le cinéma offre 600 places et dispose de deux balcons et d’une scène de 8 m x 6,50 m. Il ouvre le 2 avril 1910, est doté avant la fin de l'année d'un "bar-fumoir" et fait l'objet d'aménagements en 1912 et 1913.
Loué en 1921 par Botex (il prend alors prend le nom de Select), l’établissement est vendu en 1922 à Ledibois puis cédé l'année suivante à Compain (il s'appelle Select-Cinéma-Théâtre en 1930). En 1931, l’exploitant est René Pinon, qui charge l’architecte Jacques Agénie (« successeur du cabinet F. Lacroix ») de modifier la façade (« par ouverture d’une baie de six mètres de longueur, destinée à favoriser la sortie des spectateurs sur la rue ») et la cabine du projectionniste (nécessitant une reprise du fronton cintré). Le cinéma comporte alors un foyer dans l’angle sud-ouest. En 1945, le papier à en-tête de Pinon, domicilié 1 place de l’Arquebuse, porte les mentions : Grand Casino Auxerrois, Salle des Fêtes, Select-Cinéma. Le 29 septembre 1947, Pinon dépose une demande de permis pour (re)construire un balcon dans le bâtiment, qu’il loue. Le projet est établi par l’architecte André Jolliet (21 rue du Temple), successeur du cabinet Lelièvre, et sa réalisation à l’entrepreneur Guy, de Jonches. Le 3 octobre suivant, nouvelle demande, avec les mêmes intervenants, pour « la construction de portiques en béton armé [formant quatre fermes], pour soutenir la charpente à la suite de la suppression des balcons intérieurs demandée par la commission de sécurité ». En fait, indépendamment d’autres demandes en 1948, les travaux de cette période consistent dans la suppression du 2e balcon, nécessitant le renfort de la charpente à l’aide de portiques en béton armé, et la reconstruction du 1er balcon.
Le cinéma est acquis dans les années 1950 par la Société d’Exploitation cinématographique auxerroise (SECA, 18 place de l’Arquebuse). Le 5 juillet 1958, son pdg Gaston Lalbat demande l’autorisation d’en faire transformer l’intérieur suivant le projet de l’architecte Lucien Thomas, demeurant 1 rue Lucien Guitry à Paris. Ce projet comprend essentiellement la modification du hall, la création d’une sortie rue Française côté écran et la construction d’un groupe de sanitaires hommes « au niveau du grand promenoir » (à l’étage). Le plafond de la salle doit être réalisé en staff, accroché à la charpente métallique, et doté d’une grille ajourée pour l’évacuation des fumées. Le chauffage existant à air chaud (permettant le soufflage d’air froid en été) sera conservé, de même que son générateur (installé dans une cave voûtée hors de l’emprise de la salle). La salle compte alors 580 places, réparties en 393 à l’orchestre (309 fauteuils et 84 strapontins) et 187 au balcon (159 fauteuils et 28 strapontins) ; elle n’en aura plus que 532 après transformation : 347 à l’orchestre (285 fauteuils et 62 strapontins) et 185 au balcon (avec seulement 26 strapontins). Les travaux se montent à un peu plus de 10 000 000 F. Ni la cabine de projection (en double poste), ni le personnel (5 personnes) ne changent. L’établissement est rebaptisé le Paris.
La SECA est dirigée en 1965 par Daniel Reynaud, qui fait le point sur les projections réalisées au théâtre municipal depuis le bail obtenu en 1955 (30 000 à 40 000 spectateurs par an en moyenne, pour 60 à 70 films et 300 représentations) et qui précise : « Il est hors de doute que les salles cinématographiques sont insuffisantes à Auxerre en qualité et que le théâtre municipal a pallié en partie à cette insuffisance : le Casino particulièrement bien placé devient vétuste et de vastes plans de transformations importantes sont retardés ; le Paris modernisé et pour qui un gros effort de cabine vient d’être fait ne peut que rester avec ses 500 places qu’une salle de seconde importance sur la ville […] » Il fait aménager une deuxième salle au cours de la décennie 1970. Acheté vers 1990 - en même temps que le Casino - par Jean et Maryse Labé, le Paris ferme en 1999 après la modernisation du premier. Par la suite transformé en restaurant, il est actuellement désaffecté.
Poupard, Laurent. Chercheur au service Inventaire et Patrimoine de la Région Bourgogne-Franche-Comté, 1987-