Le site est fortifié dès l'époque romaine. Au 13e siècle, une tour entourée d'une enceinte est bâtie, sous la dénomination de "Châtel-Belin". Une maison forte dite Grimbert contrôle l'accès (future redoute de Grelimbach) . Philippe II, roi d'Espagne, envoie des ingénieurs pour réparer les fortifications de la ville et le site du Belin. En ruines vers 1628 (d'après le tableau de Nicolas Richard), le château est restauré dans les années 1640 pour faire face aux menaces d'invasions françaises. Il participe à la défense de la place forte de Salins contre les attaques des troupes de Louis XIV, entre 1668 et 1674, qui vise à annexer la province (future Franche-Comté).
L'oeuvre de Vauban
En 1674, après la capitulation de la ville devant les troupes royales, Vauban est chargé par Louvois, ministre d’État du roi, de reconstruire les trois forts protégeant la localité, à savoir : Belin, Bracon et Saint-André. Vauban, en réalisant les plans, entreprend la reconstruction de Belin sur les trois niveaux existants, en reprenant l'emplacement des vestiges et ruines du chastel (fort), de la tour Grimbert (actuelle redoute de Grelimbach) et de l'ermitage de Saint Anatoile (bas-Belin). Cependant, sur ordre du roi, il fut envoyé en Flandre. Il revint en 1675 pour suivre les travaux de fortification de Salins et de ses forts, ainsi qu'en 1679 pour constater l'achèvement des deux forts.
Il dote le fort d'un front bastionné (ouvrage à cornes comprenant deux demi-bastions encadrant une courtine accessible par une traverse). Pour protéger l’accès à l'enceinte principale, il prévoit une redoute (avec un pont-levis) nommée cavalier car disposant d'un toit en terre-plein pouvant accueillir de l'artillerie. Les ailes nord et ouest sont naturellement défendues par la falaise (précipice). Deux bâtiments sont construits sur la plateforme principale, un servant de caserne, le second comprenant notamment le logement du major, de l’aumônier et une chapelle. Le cavalier abrite aussi un corps de garde et des casernes. Un magasin à poudre est également bâti. Une plateforme inférieure, s'appuyant sur un bastion carré avec fausse braie (accessible par un escalier à vis), complète la disposition générale de l'enceinte principale. Un chemin couvert relie la redoute de Grelimbach à l'entrée de l’enceinte, défendue par un corps de garde placé devant le pont-levis. Le site de l'ermitage (appelé bas-Belin) est fortifié et équipé en artillerie. Les travaux prennent fin vers 1679.
18e siècle : un rôle militaire limité
Une fois restauré, le fort Belin accueille un régiment par la suite remplacé par des soldats invalides gardant la forteresse. A partir de 1690, des compagnies détachées d'invalides étaient envoyées dans les places fortes aux frontières du royaume, libérant des places à l'Hôtel (de Paris). En 1746, l'ingénieur militaire Louis de Cormontaigne rédige un mémoire expliquant que le fort peut loger 150 soldats, dont 130 fantassins et 20 artilleurs. La signature du Traité de Nimègue réduit la vocation militaire du fort.
En 1794, un rapport de la Commission des Travaux publics met en avant la nécessité de réparer et reconstruire les forts de Salins. Une attention particulière est portée sur le fort Belin et sa plateforme inférieure, totalement à l’abandon. Concernant la partie supérieure, le cavalier exige une restauration d'urgence au niveau des murs ainsi qu'au toit, pavé (recouvert de dalles en pierres) causant de fortes infiltrations dans les casemates à l'étage inférieure.
19e siècle : une reconstruction en plusieurs temps
En décembre 1813, un hôpital de siège est installé, en prévision d'un assaut futur. Lors de l'invasion de la France par la sixième coalition, Salins est attaquée par les armées autrichiennes, qui prennent possession de la ville. Elles rasent le fort à leur départ en 1815. Dès 1817, le comité des fortifications du Génie à Besançon ordonne l'élaboration d'un projet de restauration du fort. Il vise à reconstruite le site par étape, la première concernant l’enceinte principale avec l’aménagement de casemates à la place des anciennes casernes et l'épaississement du parapet du cavalier. Le bas-Belin et la tour (redoute) de Grelimbach seraient réparés par la suite. De l'époque moderne, ne subsistent que les plateformes dessinées par Vauban et les fondations des éléments bastionnés comme l'ouvrage à corne et la plateforme du bastion carré.
La restauration et la reconstruction du fort interviennent sous le règne de Charles X. Le général Haxo, inspecteur des fortifications, est chargé d'organiser la défense du royaume aux zones frontalières. Le fort Belin fait partie des sites dévolus à cette mission.
Le cavalier est reconstruit en 1828. Muni d'un pont levis sur fossé, il fait face à un petit réduit déjà restauré. Le cavalier est doté de caponnières dans le fossé et d'une galerie dans la contrescarpe. Un bâtiment casematé est aménagé et permet d’accueillir une garnison de 75 hommes au niveau de la plateforme du bastion carré (l'étage supérieur servant de magasins). Le bas-Belin est réhabilité, relié par un escalier depuis le réduit intérieur. D'importants chantiers sont menés de 1838 à 1844, matérialisés par la construction du réduit de la plateforme principale face à la place d'arme achevée en 1844 , la mise en place d'un mur d'enceinte entre ce réduit et le cavalier, et l'organisation de la contrescarpe du fossé de la place principale. Les premiers plans sont dressés pour rebâtir la redoute de Grelimbach, avec pour dessein d'implanter un autre ouvrage avancé contenant une batterie et des casemates (des croquis sont envoyés dès 1835 au Comité des fortifications). Les travaux sont menés par le capitaine Marchand, remplaçant le chef du Génie. Le fort Belin prend sa forme définitive en 1854 avec l'achèvement de la reconstruction de la redoute de Grelimbach, premier ouvrage avancé protégeant les lieux depuis l'est. A l'instar du cavalier, l'édifice dispose d'une caponnière dans le fossé et d'un accès à la galerie de la contrescarpe. La fin de la restauration du fort Belin entérine aussi la non-réalisation de projets comme l’installation d'une batterie en avant de Grelimbach ou encore une communication (chemin couvert) entre le fort et la lunette de Bracon. La poudrière, installée dans une pièce casematée du réduit principal, est munie d'un paratonnerre en 1863 (consigne du Comité des fortifications).
Déclin militaire et reconversion du fort Belin
Actif lors de l'invasion prussienne de 1870, le fort ne se rend qu'une fois l’armistice signé. Belin est délaissé après la défaite de 1871, le général Séré de Rivières privilégiant le site frontalier des Rousses. Un poste optique est néanmoins installé dans une ancienne tour médiévale jouxtant la redoute de Grelimbach, permettant de communiquer avec les forts de Montfaucon ( Besançon), du Larmont supérieur (Pontarlier) et de la Motte-Giron (Dijon), jouant un rôle mineur (poste de garde) lors de la guerre de 1914-1918. Il est acquis par la ville en 1921.
En 1935, la municipalité remplace un pont en bois (non localisé) par un ouvrage en béton. En 1955, un paratonnerre est installé à proximité de l'échauguette située dans la cour du réduit intérieur. Le site est loué en juin 1972 à la Société Carbone-Lorraine (fabricant de plaquettes de frein) pour organiser des colonies de vacances destinées aux enfants des employés. Des projets sont envisagés par la municipalité : l'implantation d'un camping en 1978 (une étude est lancée avec la réalisation de plans) ou encore l'installation d'un village de vacances, dont le projet est examiné entre 1978 et 1982. Ces intentions ne se concrétisent pas et le fort est depuis loué dans le cadre d'un bail emphytéotique de 30 ans.
Guillaume Gézolme, chercheur. Région Franche-Comté puis Bourgogne-Franche-Comté, Service Inventaire et Patrimoine, 2014-